Conseil d'État, , 22/05/2020, 440757, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, , 22/05/2020, 440757, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État -
- N° 440757
- ECLI:FR:CEORD:2020:440757.20200522
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
vendredi
22 mai 2020
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 20 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association de défense des droits de l'homme - Collectif contre l'islamophobie en France (ADDH-CCIF) et Mme B... A... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'enjoindre sans délai au Premier ministre de prendre toutes mesures nécessaires visant à permettre l'exercice de la liberté de culte dans les établissements de cultes musulmans, sur tout le territoire national et dans le respect des règles sanitaires nécessaires, le jour de l'Aïd al-fitr, le 24 ou 25 mai 2020, notamment en ordonnant la suspension des dispositions de l'article 8 du décret n° 2020-545 du 11 mai 2020 et de l'article 10 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 qui les ont reprises, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- elles justifient d'un intérêt à agir ;
- la condition d'urgence est remplie dès lors que, le 24 ou le 25 mai 2020, doit avoir lieu l'une des fêtes les plus importantes de la religion musulmane, qui implique de se rassembler dans les établissements de culte musulman ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte, à la liberté d'organisation du culte et à la liberté religieuse ;
- les dispositions du III de l'article 10 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020, qui prévoient une interdiction générale et absolue de tout rassemblement dans les établissements de culte rendant impossibles les rassemblements dans les mosquées, qui sont d'usage pour fêter l'Aïd al-fitr, sont disproportionnées dès lors qu'elles ne tiennent pas compte des effets bénéfiques du confinement sur la propagation du virus, des disparités de taux de contamination sur le territoire national, de la disponibilité des équipements sanitaires tels que les masques chirurgicaux et les solutions hydro alcooliques, de la compétence des responsables des établissements de culte musulman pour assurer l'organisation et le respect des règles sanitaires, de la possibilité d'organiser des rassemblements en plein air dans les cas où l'accueil dans des lieux clos présenterait un risque sanitaire excessif et de la réouverture d'autres lieux publics où les risques de contamination sont tout aussi importants.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 ;
- le décret n° 2020-545 du 11 mai 2020 ;
- le décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 ;
- l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat n° 440366 et suivants du 18 mai 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du même code : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. La circonstance qu'une atteinte à une liberté fondamentale, portée par une mesure administrative, serait avérée n'est pas de nature à caractériser l'existence d'une situation d'urgence justifiant l'intervention du juge des référés dans le très bref délai prévu par les dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Il appartient au juge des référés d'apprécier, au vu des éléments que lui soumet le requérant comme de l'ensemble des circonstances de l'espèce, si la condition d'urgence particulière requise par l'article L. 521-2 est satisfaite, en prenant en compte la situation du requérant et les intérêts qu'il entend défendre mais aussi l'intérêt public qui s'attache à l'exécution des mesures prises par l'administration.
3. l'Association de défense des droits de l'homme - Collectif contre l'islamophobie en France et Mme A... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre sans délai au Premier ministre de prendre toutes mesures nécessaires visant à permettre l'exercice de la liberté de culte dans les établissements de cultes musulmans, sur tout le territoire national et dans le respect des règles sanitaires nécessaires, le jour de l'Aïd al-fitr, le 24 ou 25 mai 2020, notamment en ordonnant la suspension des dispositions de l'article 8 du décret n° 2020-545 du 11 mai 2020 et de l'article 10 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 qui les ont reprises, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard.
4. Pour justifier de l'urgence à ordonner de telles mesures, les requérants soutiennent que, le 24 ou le 25 mai 2020, doit avoir lieu l'une des fêtes les plus importantes de la religion musulmane, qui implique de se rassembler dans les établissements de culte musulman.
5. Toutefois, par une ordonnance n° 440366 et suivants du 18 mai 2020, le juge des référés du Conseil d'Etat a enjoint au Premier ministre de modifier, dans un délai de huit jours à compter de la notification de cette ordonnance, en application de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, les dispositions du III de l'article 10 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020, en prenant les mesures strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu applicables en ce début de " déconfinement ", pour encadrer les rassemblements et réunions dans les établissements de culte.
6. Les requérants n'établissent pas que la concertation requise avec les représentants des principaux cultes qui a justifié le délai précité, alors que des fêtes étaient prévues entre temps pour plusieurs religions, serait susceptible d'être plus courte que huit jours. Par suite et alors, au demeurant, que s'agissant de la fête qu'ils invoquent, le conseil français du culte musulman, dans des communiqués des 17 et 19 mai 2020, " réaffirme son appel aux musulmans de France de veiller les dernières nuits de Ramadan dans nos maisons " puis déclare que " compte tenu de la situation sanitaire de notre pays, la reprise des cérémonies religieuses dans les mosquées, qui doit être progressive, ne peut avoir lieu à l'occasion de grands rassemblements telles que la fête de l'Aïd ou la prière de vendredi ", la condition d'urgence particulière requise par l'article L. 521-2 du code de justice administrative n'est pas remplie.
7. Par suite, il y a lieu de rejeter la requête de l'ADDH-CCIF et Mme A..., selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du même code.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de l'ADDH-CCIF et Mme A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'Association de défense des droits de l'homme - Collectif contre l'islamophobie en France, premier requérant dénommé.
Copie en sera adressée au Premier ministre.