CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 12/05/2020, 19BX04385,19BX4386, Inédit au recueil Lebon
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 12/05/2020, 19BX04385,19BX4386, Inédit au recueil Lebon
CAA de BORDEAUX - 2ème chambre
- N° 19BX04385,19BX4386
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mardi
12 mai 2020
- Président
- Mme GIRAULT
- Rapporteur
- Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
- Avocat(s)
- BORDES
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté
du 27 octobre 2019 par lequel le préfet des Landes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, d'enjoindre au préfet des Landes de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, de réexaminer sa situation et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour valable durant cet examen, enfin de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 1902390 du 13 novembre 2019, le magistrat désigné
par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté la requête.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 17 novembre 2019 sous le n° 19BX04385,
M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 13 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Landes du 27 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Landes de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
4°) d'enjoindre au préfet des Landes de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt, et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour valable durant cet examen ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de
l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'incompétence de son signataire ;
- contrairement à ce qu'a relevé le tribunal, il est entré régulièrement en France dans le cadre d'une procédure de regroupement familial ;
- le préfet devait statuer sur sa demande de titre de séjour avant de prendre à son encontre une mesure d'éloignement ; il établit avoir présenté une telle demande en se prévalant de la durée de sa présence en France et de sa qualité d'étranger malade ; il démontre avoir été dans l'impossibilité de se rendre en préfecture faute de permission de sortie ;
- il doit se voir délivrer de plein droit un certificat de résidence sur le fondement de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; il vit en France depuis 2003, soit depuis 15 ans ; même en déduisant les périodes de détention, il justifie d'une résidence habituelle en France supérieure à dix ans ; le refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; de plus, il souffre d'un cancer et n'aura pas les moyens financiers d'assumer les soins appropriés à son état en Algérie ; enfin, il est arrivé en France à l'âge de dix ans et y réside depuis lors ;
- en application du 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne pouvait pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ; il réside habituellement en France depuis l'âge de dix ans, et c'est à tort que le premier juge a estimé que le caractère habituel de cette résidence n'était pas établi au motif qu'il a été incarcéré ; le tribunal a ainsi ajouté une condition qui ne figure pas dans le texte ;
- la mesure d'éloignement a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; il vit en France depuis 14 ans, y a été scolarisé et y dispose de ses attaches familiales ;
- l'obligation de quitter le territoire français repose sur une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale ; la décision lui refusant un délai de départ volontaire est dépourvue de base légale et repose sur une erreur manifeste d'appréciation ; il n'existait aucune urgence à l'éloigner, alors en outre qu'une demande de titre de séjour avait été déposée ;
- la décision fixant le pays de renvoi, fondée sur une mesure d'éloignement illégale, est dépourvue de base légale ;
- la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français, fondée sur une mesure d'éloignement illégale, est dépourvue de base légale ;
- la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français est excessive au regard de la durée de sa présence en France et de ses attaches sur le territoire ; cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 février 2020, le préfet des Landes conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 11 février 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 février 2020 à 12 heures.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2020.
II. Par une requête enregistrée le 17 novembre 2019 sous le n°19BX04386,
M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour de prononcer le sursis à exécution
du jugement n° 1902390 du 13 novembre 2019 du tribunal administratif de Pau et de mettre
à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions
combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37
de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que ses moyens d'appel sont sérieux et que l'exécution de la mesure d'éloignement aurait pour lui des conséquences difficilement réparables.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 février 2020, le préfet des Landes conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 11 février 2020, la clôture de l'instruction a été fixée
au 18 février 2020 à 12 heures.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme E... A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 22 décembre 1993, est entré en France
le 31 décembre 2003 dans le cadre d'une procédure de regroupement familial, et a été condamné à plusieurs peines d'emprisonnement, prononcées entre 2012 et 2016, pour des faits, notamment, d'importation, transport, offre, cession et détention de stupéfiants.
Par une décision du 2 mars 2018, le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par un jugement du 25 septembre 2018, définitif, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté son recours dirigé contre cette décision de refus de séjour. Par un arrêté du 27 octobre 2019,
le préfet des Landes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai
et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par un jugement du 13 novembre 2019, dont M. B... relève appel et demande le sursis à exécution, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau
a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la jonction :
2. Les requêtes enregistrées respectivement sous les numéros 19BX04385
et 19BX04386 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ".
4. Il est constant que M. B... est entré en France en 2003 à l'âge de 10 ans et y réside depuis lors. La circonstance qu'il a été incarcéré à plusieurs reprises entre 2012 et 2018 ne remet pas en cause le caractère habituel de sa résidence en France. Dès lors, et ainsi qu'il le soutient, sa situation entre dans le champ des dispositions précitées du 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit qu'il ne pouvait légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. En conséquence, le requérant est fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale et à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre des décisions refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, qui ont été prises pour l'exécution de cette mesure d'éloignement.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Landes du 25 septembre 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas (...) ".
7. L'annulation de l'obligation faite au requérant de quitter le territoire français implique nécessairement qu'il soit muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur sa situation. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Landes de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, après lui avoir délivré, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
8. En second lieu, aux termes de l'article R. 511-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les modalités de suppression du signalement d'un étranger effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour prise en application du III de l'article L. 511-1 sont celles qui s'appliquent, en vertu de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010, aux cas d'extinction du motif d'inscription au fichier des personnes recherchées (...) ". Aux termes de l'article 7 du décret du 28 mai 2010 mentionné ci-avant : " Les données à caractère personnel enregistrées dans le fichier sont effacées sans délai en cas d'aboutissement de la recherche ou d'extinction du motif de l'inscription. (...) ".
9. Le présent arrêt annule l'interdiction de retour prise à l'encontre de M. B... et il résulte des dispositions précitées qu'une telle annulation implique nécessairement l'effacement sans délai du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet des Landes de mettre en oeuvre la procédure d'effacement de ce signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions à fin de sursis exécution :
10. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions de M. B...,
ses conclusions à fin de sursis à exécution du jugement ont perdu leur objet.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
11. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement, au bénéfice de son conseil, de la somme de 1 200 euros qu'il demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi
du 10 juillet 1991, sous réserve que Me D... renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1902390 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau du 13 novembre 2019 et l'arrêté du préfet des Landes du 27 octobre 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Landes de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Landes de mettre en oeuvre la procédure d'effacement du signalement de M. B... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me D..., avocat de M. B..., une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me D... renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis à exécution du jugement présentées par M. B... sous le n° 19BX04386.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au préfet des Landes, au ministre de l'intérieur et à Me D....
Délibéré après l'audience du 25 février 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
Mme Anne Meyer, président-assesseur,
Mme E... A..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 mai 2020.
Le président de la 2ème chambre,
Catherine Girault
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°19BX04385, 19BX04386 2
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté
du 27 octobre 2019 par lequel le préfet des Landes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, d'enjoindre au préfet des Landes de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, de réexaminer sa situation et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour valable durant cet examen, enfin de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 1902390 du 13 novembre 2019, le magistrat désigné
par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté la requête.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 17 novembre 2019 sous le n° 19BX04385,
M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 13 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Landes du 27 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Landes de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
4°) d'enjoindre au préfet des Landes de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt, et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour valable durant cet examen ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de
l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'incompétence de son signataire ;
- contrairement à ce qu'a relevé le tribunal, il est entré régulièrement en France dans le cadre d'une procédure de regroupement familial ;
- le préfet devait statuer sur sa demande de titre de séjour avant de prendre à son encontre une mesure d'éloignement ; il établit avoir présenté une telle demande en se prévalant de la durée de sa présence en France et de sa qualité d'étranger malade ; il démontre avoir été dans l'impossibilité de se rendre en préfecture faute de permission de sortie ;
- il doit se voir délivrer de plein droit un certificat de résidence sur le fondement de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; il vit en France depuis 2003, soit depuis 15 ans ; même en déduisant les périodes de détention, il justifie d'une résidence habituelle en France supérieure à dix ans ; le refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; de plus, il souffre d'un cancer et n'aura pas les moyens financiers d'assumer les soins appropriés à son état en Algérie ; enfin, il est arrivé en France à l'âge de dix ans et y réside depuis lors ;
- en application du 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne pouvait pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ; il réside habituellement en France depuis l'âge de dix ans, et c'est à tort que le premier juge a estimé que le caractère habituel de cette résidence n'était pas établi au motif qu'il a été incarcéré ; le tribunal a ainsi ajouté une condition qui ne figure pas dans le texte ;
- la mesure d'éloignement a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; il vit en France depuis 14 ans, y a été scolarisé et y dispose de ses attaches familiales ;
- l'obligation de quitter le territoire français repose sur une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale ; la décision lui refusant un délai de départ volontaire est dépourvue de base légale et repose sur une erreur manifeste d'appréciation ; il n'existait aucune urgence à l'éloigner, alors en outre qu'une demande de titre de séjour avait été déposée ;
- la décision fixant le pays de renvoi, fondée sur une mesure d'éloignement illégale, est dépourvue de base légale ;
- la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français, fondée sur une mesure d'éloignement illégale, est dépourvue de base légale ;
- la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français est excessive au regard de la durée de sa présence en France et de ses attaches sur le territoire ; cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 février 2020, le préfet des Landes conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 11 février 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 février 2020 à 12 heures.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2020.
II. Par une requête enregistrée le 17 novembre 2019 sous le n°19BX04386,
M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour de prononcer le sursis à exécution
du jugement n° 1902390 du 13 novembre 2019 du tribunal administratif de Pau et de mettre
à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions
combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37
de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que ses moyens d'appel sont sérieux et que l'exécution de la mesure d'éloignement aurait pour lui des conséquences difficilement réparables.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 février 2020, le préfet des Landes conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 11 février 2020, la clôture de l'instruction a été fixée
au 18 février 2020 à 12 heures.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme E... A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 22 décembre 1993, est entré en France
le 31 décembre 2003 dans le cadre d'une procédure de regroupement familial, et a été condamné à plusieurs peines d'emprisonnement, prononcées entre 2012 et 2016, pour des faits, notamment, d'importation, transport, offre, cession et détention de stupéfiants.
Par une décision du 2 mars 2018, le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par un jugement du 25 septembre 2018, définitif, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté son recours dirigé contre cette décision de refus de séjour. Par un arrêté du 27 octobre 2019,
le préfet des Landes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai
et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par un jugement du 13 novembre 2019, dont M. B... relève appel et demande le sursis à exécution, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau
a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la jonction :
2. Les requêtes enregistrées respectivement sous les numéros 19BX04385
et 19BX04386 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ".
4. Il est constant que M. B... est entré en France en 2003 à l'âge de 10 ans et y réside depuis lors. La circonstance qu'il a été incarcéré à plusieurs reprises entre 2012 et 2018 ne remet pas en cause le caractère habituel de sa résidence en France. Dès lors, et ainsi qu'il le soutient, sa situation entre dans le champ des dispositions précitées du 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit qu'il ne pouvait légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. En conséquence, le requérant est fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale et à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre des décisions refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, qui ont été prises pour l'exécution de cette mesure d'éloignement.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Landes du 25 septembre 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas (...) ".
7. L'annulation de l'obligation faite au requérant de quitter le territoire français implique nécessairement qu'il soit muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur sa situation. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Landes de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, après lui avoir délivré, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
8. En second lieu, aux termes de l'article R. 511-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les modalités de suppression du signalement d'un étranger effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour prise en application du III de l'article L. 511-1 sont celles qui s'appliquent, en vertu de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010, aux cas d'extinction du motif d'inscription au fichier des personnes recherchées (...) ". Aux termes de l'article 7 du décret du 28 mai 2010 mentionné ci-avant : " Les données à caractère personnel enregistrées dans le fichier sont effacées sans délai en cas d'aboutissement de la recherche ou d'extinction du motif de l'inscription. (...) ".
9. Le présent arrêt annule l'interdiction de retour prise à l'encontre de M. B... et il résulte des dispositions précitées qu'une telle annulation implique nécessairement l'effacement sans délai du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet des Landes de mettre en oeuvre la procédure d'effacement de ce signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions à fin de sursis exécution :
10. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions de M. B...,
ses conclusions à fin de sursis à exécution du jugement ont perdu leur objet.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
11. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement, au bénéfice de son conseil, de la somme de 1 200 euros qu'il demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi
du 10 juillet 1991, sous réserve que Me D... renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1902390 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau du 13 novembre 2019 et l'arrêté du préfet des Landes du 27 octobre 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Landes de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Landes de mettre en oeuvre la procédure d'effacement du signalement de M. B... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me D..., avocat de M. B..., une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me D... renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis à exécution du jugement présentées par M. B... sous le n° 19BX04386.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au préfet des Landes, au ministre de l'intérieur et à Me D....
Délibéré après l'audience du 25 février 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
Mme Anne Meyer, président-assesseur,
Mme E... A..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 mai 2020.
Le président de la 2ème chambre,
Catherine Girault
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°19BX04385, 19BX04386 2