CAA de DOUAI, 1ère chambre, 02/04/2020, 18DA01228, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ICP a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'office public de l'habitat Pas-de-Calais Habitat à lui verser la somme de 74 551 euros au titre du solde du marché de réhabilitation de l'ancienne clinique Bon Secours à Arras, lot n° 9 " plâtrerie, isolation plafonds suspendus ", assortie des intérêts à compter du 20 juillet 2015, capitalisés à compter du 21 juillet 2016 et à chaque échéance annuelle suivante pour produire eux-mêmes intérêts.

Par un jugement n° 1508034 du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Lille, faisant droit aux conclusions reconventionnelles de Pas-de-Calais Habitat, a condamné la société ICP à lui verser à la somme de 14 105,21 euros au titre du solde de ce marché.
Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juin 2018, et un mémoire, enregistré le 18 décembre 2018, la société ICP, représentée par Me A... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner Pas-de-Calais Habitat à lui verser la somme de 74 551 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 20 juillet 2015, capitalisés à compter du 21 juillet 2016 et à chaque échéance annuelle suivante pour produire eux-mêmes intérêts ;

3°) de mettre à la charge de Pas-de-Calais Habitat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de procédure civile ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Par une ordonnance du 24 janvier 2020, l'instruction a été close le 20 février 2020 à 12 heures.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller,
- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,
- et les observations de Me A... D..., représentant la société ICP, et de Me B... E..., représentant Pas-de-Calais Habitat.


Une note en délibéré présentée par la société ICP a été enregistrée le 10 mars 2020.

Une note en délibéré présentée par l'office public de l'habitat Pas-de-Calais habitat a été enregistrée le 12 mars 2020.


Considérant ce qui suit :

1. Par un marché conclu le 12 février 2008, l'office public de l'habitat Pas-de-Calais Habitat a confié à la société ICP la réalisation du lot " plâtrerie, isolation, plafonds suspendus " pour la réhabilitation de l'ancien site de la clinique Bon Secours à Arras. Le décompte général définitif du marché a été notifié le 29 avril 2015 par le maître d'ouvrage à l'entrepreneur. Par un courrier du 2 juin 2015, l'entrepreneur refusait de signer ce décompte général définitif et adressait une réclamation au maître d'ouvrage, rejetée le 30 juillet 2015. La société ICP relève appel du jugement du 3 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille, faisant droit aux conclusions reconventionnelles de Pas-de-Calais Habitat, l'a condamnée à verser à l'office public la somme de 14 105,21 euros au titre du solde du marché.

Sur le solde du décompte général du marché :

En ce qui concerne la contestation relative à la révision des prix :

2. Selon l'article 13.33 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux, issu du décret du 21 janvier 1976, applicable en l'espèce : " L'entrepreneur est lié par les indications figurant au projet de décompte final, sauf sur les points ayant fait l'objet de réserves antérieures de sa part, ainsi que sur le montant définitif des intérêts moratoires ". Il se déduit de ces stipulations que, faute d'en avoir inclus le montant dans son projet de décompte final, l'entreprise n'est plus recevable à réclamer au maître d'ouvrage des éléments de créance tels que, comme en l'espèce, la révision du prix du marché.

3. Il résulte de l'instruction que, par courrier du 10 février 2015, la société ICP a adressé au maitre d'oeuvre un document intitulé : " décompte général et définitif " ainsi qu'une facture libellée : " situation de travaux n° 21 " et comportant la mention : " facture de solde des travaux de plâtrerie, isolation et cloisons du chantier repris en référence ". La facture " situation 21 - solde des travaux " comporte une ligne " Révision HT " pour un montant de 19 160,13 euros. Dans le décompte général et définitif que Pas-de-Calais Habitat a notifié à la société appelante, ce montant a été pris en compte pour le calcul du solde du marché. La société ICP réclame 87 698,53 euros au titre de la révision des prix, en contestant l'irrecevabilité de sa réclamation sur ce point, la ligne " Révision HT " mentionnant le montant de 19 160,13 euros correspondant, selon elle, uniquement à la facture de la situation 21, et non pas au montant total de la créance résultant de la révision du prix. En se bornant à reprendre dans son projet de décompte final la somme de 19 160,13 euros au titre de la révision des prix, la société ICP doit être regardée comme ayant abandonné la créance dépassant cette somme qu'elle estime détenir sur Pas-de-Calais Habitat et n'est pas recevable à demander le paiement du surplus de cette somme.

4. Aux termes de l'article 1269 du code de procédure civile : " Aucune demande en révision de compte n'est recevable, sauf si elle est présentée en vue d'un redressement en cas d'erreur, d'omission ou de présentation inexacte ". Il ressort de ces dispositions que l'approbation sans réserves d'un décompte d'un marché interdit toute réclamation ultérieure, en dehors du cas de fraude ou du cas où l'une ou l'autre des parties sollicite la rectification d'une erreur ou d'une omission dans les conditions limitativement énumérées par cet article. Il résulte de l'instruction que le solde de 73 983,34 euros correspond au prix des prestations effectuées au titre de la situation n° 21, augmenté de la somme de 19 160,13 euros au titre de la révision des prix, et n'inclut aucune des révisions des prix qu'elle avait demandées dans les situations de travaux n°1 à n° 17. Par suite, la société ICP n'est pas fondée à revendiquer l'application des dispositions précitées de l'article 1269 du code de procédure civile.

5. Il résulte de ce qui précède que la réclamation de la société ICP résultant de l'application de la formule de révision des prix ne peut qu'être rejetée.

En ce qui concerne la contestation des autres éléments du solde en litige :

6. Si la société ICP relève, à titre subsidiaire, que la somme de 73 983,34 euros, correspondant à la situation de travaux n° 21, n'a pas été réglée par le maître d'ouvrage, à supposer qu'elle en demande le règlement à ce titre, ses conclusions sont nouvelles en appel et ne sont donc pas recevables. Dès lors, il y a lieu de faire droit à la fin de non-recevoir opposée à ce titre par Pas-de-Calais Habitat.

7. Si Pas-de-Calais Habitat demande la confirmation du jugement condamnant la société ICP à lui verser une somme excédant le solde du marché pour un montant de 14 105,21 euros toutes taxes comprises, les conclusions présentées par la société ICP doivent être regardées comme tendant à l'annulation du jugement en litige en tant qu'il l'a condamnée à lui verser cette même somme et au rejet de la demande de l'office public de l'habitat.

8. Aux termes de l'article 11.21 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché de travaux en litige : " Les travaux à l'entreprise sont rémunérés soit à l'aide de prix forfaitaires, soit à l'aide de prix unitaires (...) ". Aux termes de l'article 11.22 du même cahier : " Dans le cas d'application d'un prix forfaitaire, le prix est dû dès que l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou l'ensemble de prestations auquel il se rapporte a été exécuté ; les différences éventuellement constatées, pour chaque nature d'ouvrage, ou chaque élément d'ouvrage entre les quantités réellement exécutées et les quantités indiquées dans la décomposition de ce prix (...) ne peuvent conduire à une modification dudit prix (...) ".

9. Les stipulations précitées du cahier des clauses administratives générales n'ont ni pour objet, ni pour effet d'interdire au maître de l'ouvrage de modifier les données initiales du contrat en faisant évoluer les caractéristiques de l'ouvrage, à charge pour lui d'indemniser les préjudices qui en résulteraient pour l'entrepreneur, dans le cas d'une diminution dans la masse des travaux prévus au contrat excédant une certaine limite. Pas-de-Calais Habitat entend déduire du marché une somme de 9 127,28 euros hors taxes, soit 10 916,23 euros toutes taxes comprises, en raison d'une diminution de la masse des travaux que la société appelante devait exécuter du fait de l'abandon de la réhabilitation d'une partie du rez-de-chaussée d'un des bâtiments concernés par le projet. Dès lors, la société appelante, qui ne conteste ni n'avoir pas exécuté les travaux concernant le bâtiment précité ni le coût de ces travaux qu'elle n'a pu réaliser, ne peut réclamer leur paiement. Un devis en moins-value de 9 127,28 euros a d'ailleurs été présenté, le 4 juillet 2011, par la société ICP à Pas-de-Calais Habitat, en raison de prestations non réalisées, la lettre d'envoi accompagnant ce devis mentionnant qu'il s'agissait d'une remise de prix. La circonstance que la diminution de la masse des travaux initialement prévus n'ait pas fait l'objet d'un avenant au contrat initial est à cet égard sans incidence, dès lors qu'elle correspond à la commune intention des parties. Par suite, une réfaction de 9 127,28 euros hors taxes, soit 10 916,23 euros toutes taxes comprises, pouvait être légalement déduite lors du calcul du solde du marché. Il résulte toutefois de l'instruction que le pouvoir adjudicateur a déduit la somme de 9 217,28 euros lors du calcul du décompte général définitif, excédant ainsi de 90 euros la réfaction pouvant être déduite.

10. Il résulte de l'instruction que le montant du marché, tel qu'il résulte du contrat initial et des différents avenants conclus entre les parties correspond à la somme de 1 072 951,43 euros hors taxes. Après la prise en compte de la réfaction mentionnée au point précédent, soit la somme de 9 127,28 euros hors taxes, et l'acceptation, par le pouvoir adjudicateur, d'une somme de 19 160,13 euros au titre de la révision des prix visé au point 4, le solde du marché s'établit, par suite, à la somme de 1 082 984,28 euros hors taxes.

11. Il ressort des dispositions du 1 de l'article 269 du code général des impôts que le fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé au moment de la livraison du bien et qu'en vertu du a) du 2 de ce même article, la taxe est exigible au moment de la réalisation du fait générateur pour la livraison d'un bien, qui correspond à celui auquel intervient le transfert du pouvoir de disposer du bien comme un propriétaire. Il résulte de l'instruction que la réception des travaux est intervenue le 17 juin 2011 et qu'à cette date, le propriétaire a donc pu disposer des biens livrés par l'entrepreneur. Le taux de la taxe sur la valeur ajoutée était alors fixé à 19,6 %. Le solde du marché s'établit donc à la somme de 1 295 249,20 euros toutes taxes comprises. Pas-de-Calais Habitat soutient avoir procédé à un paiement de 1 313 686,77 euros toutes taxes comprises tandis que la société ICP admet avoir reçu des paiements pour un montant global de 1 313 686,35 euros toutes taxes comprises. En l'état de l'instruction, il y a lieu de retenir ce dernier montant au titre des sommes effectivement versées sur lesquelles les parties s'entendent. Le trop-perçu par la société ICP est donc d'un montant de 18 437,15 euros. Dans ces conditions, il y a lieu de limiter le trop-perçu par la société ICP à la somme réclamée par Pas-de-Calais Habitat dans ses écritures, soit 14 105,21 euros toutes taxes comprises.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société ICP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Lille a fixé à 14 105,21 euros toutes taxes comprises la somme qui est due à Pas-de-Calais Habitat au titre du solde du marché.

Sur les frais liés au litige :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



DÉCIDE :



Article 1er : La requête de la société ICP est rejetée.


Article 2 : Les conclusions présentées par l'office public de l'habitat Pas-de-Calais Habitat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.


Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société ICP, à l'office public de l'habitat Pas-de-Calais Habitat et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

N°18DA01228 2



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