CAA de VERSAILLES, 7ème chambre, 25/02/2020, 18VE01521, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société IVG Immobilière a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer le remboursement de la somme de 790 688 euros constituée par les intérêts de retard afférents aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de l'année 2010, majoré des intérêts moratoires, en application des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1505996 du 6 mars 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 4 mai et 18 décembre 2018, la société IVG Immobilière, représentée par la société d'avocats GGV Avocats à la Cour - Rechtsanwälte, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de la décharger, à concurrence de 790 688 euros, des intérêts de retard afférents aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de l'année 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elle soutient que :

- la vente de l'immeuble à la SCI BF Frankreich est dispensée de taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 257 bis du code général des impôts dès lors que cet immeuble était inscrit dans son actif immobilisé, qu'il était loué et que la SCI a entendu poursuivre cette activité de location ;
- cette vente entre également dans le champ d'application du rescrit n° 2006/58 du 26 décembre 2006 la dispensant de taxe sur la valeur ajoutée.

..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la décision de la Cour de justice des communautés européennes C-497/01 du 27 novembre 2003 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., pour la société IVG Immobilière.


Considérant ce qui suit :

1. La société IVG Boétie, aux droits desquels vient la société IVG Immobilière, a cédé, le 18 juin 2000, un immeuble à usage de bureaux, situé rue de la Boétie dans le 8ème arrondissement de Paris, à la SCI BF Frankreich III. Cette cession a été placée sous le régime de dispense de taxe sur la valeur ajoutée prévu par l'article 257 bis du code général des impôts. A l'issue d'une vérification de comptabilité, portant sur la période allant du 1er janvier 2010 au 4 novembre 2011, l'administration a remis en cause ce régime de dispense et a notifié à la société IVG Immobilière un rappel de taxe sur la valeur ajoutée assorti des intérêts de retard, ces intérêts s'élevant à 790 688 euros. La société IVG Immobilière fait appel du jugement du 6 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande en décharge des intérêts de retard.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 257 bis du code général des impôts : " Les livraisons de biens et les prestations de services, réalisées entre redevables de la taxe sur la valeur ajoutée, sont dispensées de celle-ci lors de la transmission à titre onéreux ou à titre gratuit, ou sous forme d'apport à une société, d'une universalité totale ou partielle de biens ". Conformément à l'interprétation des dispositions de l'article 5, paragraphe 8 de la sixième directive, qui résulte de l'arrêt rendu par la Cour de justice des communautés européennes le 27 novembre 2003 dans l'affaire C-497/01, la dispense de taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 257 bis du code général des impôts lors de la transmission à titre onéreux ou à titre gratuit, ou sous forme d'apport à une société, d'une universalité totale ou partielle de biens, s'applique à tout transfert d'un fonds de commerce ou d'une partie autonome d'une entreprise dès lors que le bénéficiaire du transfert a pour intention d'exploiter le fonds de commerce ou la partie d'entreprise ainsi transmis et non simplement de liquider immédiatement l'activité concernée. Ce transfert peut notamment porter sur des éléments corporels permettant cette exploitation, comme des éléments d'équipement commercial.

3. Il résulte de l'instruction, d'une part, que la société IVG Boétie avait notamment pour activité la location immobilière et avait inscrit l'immeuble en cause dans ses actifs immobilisés. D'autre part, le 7 septembre 2009, elle avait conclu un bail commercial pour la totalité de cet immeuble en optant pour l'assujettissement des loyers dus par le preneur à la taxe sur la valeur ajoutée. Enfin, il ressort des mentions de l'acte de cession conclu le 18 juin 2000, que la SCI BF Frankreich III, avait déclaré son intention de poursuivre l'activité de location immobilière de cet immeuble. Ce contrat de cession avait ainsi notamment pour objet de permettre la transmission du cédant au cessionnaire de l'exploitation des locaux en litige et devait, par conséquent, être regardé comme procédant au transfert d'une partie autonome de l'entreprise au sens de l'article 257 bis du code général des impôts permettant la poursuite d'une activité économique. Par suite, cette cession était dispensée de taxe sur la valeur ajoutée, quand bien même la SCI IVG Boétie avait constitué des provisions pour risques au cours des exercices 2008 et 2009 en vue d'une éventuelle cession de cet immeuble après sa rénovation et que sa location est intervenue seulement quelques mois avant la cession. Par conséquent, c'est à tort que l'administration a réclamé à la société IVG Immobilière un rappel de taxe sur la valeur ajoutée pour cette cession, ainsi que les intérêts de retard correspondants, seuls contestés dans le cadre de la présente requête.

4. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la société IVG Immobilière est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société IVG Immobilière et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 1505996 du 6 mars 2018 est annulé.
Article 2 : La société IVG Immobilière est déchargée des intérêts de retard mis à sa charge au titre de l'année 2010 à concurrence de 790 688 euros.
Article 3 : L'Etat versera à la société IVG Immobilière la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 18VE01521



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