CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 10/03/2020, 18BX01462, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 7 juin 2016 par lequel le maire de Saint-Georges d'Oléron a délivré à M. C... et Mme J... le permis de construire une maison individuelle sur un terrain situé 206 A rue de la Résistance et la décision du 27 septembre 2016 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1602698 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 avril 2018, M. et Mme D..., représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 8 février 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du maire de Saint-Georges d'Oléron du 7 juin 2016 et la décision susmentionnée rejetant leur recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Georges d'Oléron la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Ils soutiennent que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que le seul document graphique joint au dossier du pétitionnaire est insuffisant pour permettre d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement en méconnaissance de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme ;
- le jugement est entaché de dénaturation des pièces en tant qu'il a considéré que le projet disposait d'un accès suffisant à la voie publique ;
- le jugement est entaché d'erreur de droit en tant qu'il a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UC 7 du règlement du plan local d'urbanisme ;

Sur le bien-fondé du jugement :
- le dossier du pétitionnaire ne comporte qu'un seul document graphique présentant une vue rapprochée du projet ne permettant pas d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement en méconnaissance de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme ;
- le projet ne dispose pas d'un accès à une voie publique ou privée ouverte à la circulation en méconnaissance de l'article UC 3 du règlement du plan local d'urbanisme ; en particulier les pétitionnaires ne disposent d'aucun droit de passage sur la parcelle EM700 permettant d'accéder au terrain d'assiette du projet ;
- le terrain d'assiette du projet ne dispose pas d'un accès suffisant permettant aux services d'incendie et de secours d'intervenir en méconnaissance de l'article UC 3 susmentionné eu égard à la végétation présente et à la largeur du chemin qui n'est en outre pas viabilisé ; le chemin étant une impasse sans retournement possible, il est inadapté aux engins de secours ;
- le projet méconnait les règles d'implantation fixées par l'article UC 7 du règlement du plan local d'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2019, la commune de Saint-Georges d'Oléron, représentée par Me H..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 9 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée, au 16 décembre 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F... G...,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,
- et les observations Me H..., représentant la commune de Saint-Georges d'Oléron.


Considérant ce qui suit :

1. M. C... et Mme J... ont déposé, le 12 janvier 2016, une demande de permis de construire une maison d'habitation d'une surface de plancher de 79,90 m² sur un terrain situé 206 A rue de la Résistance à Saint-Georges d'Oléron, au lieu-dit Domino, classé en zone UC du plan local d'urbanisme (PLU) et en zone de règlementation paysage (ZR 3) de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) de la commune. Par un arrêté du 7 juin 2016, le maire de Saint-Georges d'Oléron a délivré ce permis. M. et Mme D..., propriétaires de parcelles voisines au terrain d'assiette du projet ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler cet arrêté du 7 juin 2016 et la décision rejetant leur recours gracieux. Ils relèvent appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté leur demande.


Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, les premiers juges ont répondu aux considérants 2 à 4 du jugement attaqué au moyen tiré de ce que le document graphique produit par les pétitionnaires n'était pas suffisant pour permettre à l'autorité administrative d'évaluer l'insertion du projet dans son environnement.
3. Les moyens tirés de ce que le tribunal aurait commis une erreur de droit en écartant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UC 7 du règlement du plan local d'urbanisme et de ce que le tribunal aurait dénaturé les pièces du dossier en regardant le projet comme disposant d'un accès suffisant sur la voie publique relèvent du bien-fondé du jugement et ne sont, par suite, pas susceptibles d'entacher le jugement d'irrégularité.


Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 7 juin 2016 :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse ".


5. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.


6. Il ressort des pièces du dossier de permis de construire que ce dernier comporte une notice architecturale qui décrit l'état initial du terrain et de ses abords immédiats et qui procède à la description détaillée du profil de l'implantation et du volume de la construction, composée de d'une maison de type traditionnel de plain-pied, par rapport aux constructions et paysages avoisinants, du traitement des clôtures et végétations situées en limite de terrain et des matériaux et de la couleur de la construction envisagée. Le dossier comporte également un document graphique, ainsi que le prévoit le c) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme précité, et une série de photographies qui permettent de visualiser l'état actuel de la parcelle concernée et de déterminer précisément sa localisation et son environnement. Le dossier de permis de construire comporte en outre des vues d'insertion du projet dans le site ainsi qu'une photographie de la zone concernée par le projet qui permettent d'apprécier l'impact visuel de la construction envisagée dans le paysage proche et lointain et son insertion dans l'environnement au regard des constructions existantes. Dans ces conditions, les éléments produits étaient suffisants pour que les services instructeurs puissent vérifier la conformité du projet aux règles d'urbanisme. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article UC 3 du règlement du plan local d'urbanisme : " Pour être constructible, un terrain doit avoir une voie d'accès direct à une voie publique ou privée, soit directement soit par l'intermédiaire d'un passage aménagé sur les fonds voisins. / Les accès doivent présenter des caractéristiques permettant de satisfaire aux exigences de la sécurité, de la défense contre l'incendie et de la protection civile et être adaptés à l'opération future. (...) / Sont considérés comme " accès ", les passages qui permettent la liaison entre une parcelle et la voie publique. Sont considérées comme " voiries " les chaussées structurantes qui permettent de desservir au moins deux parcelles. (...) " .


8. Aux termes de l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation. Ils sont, en l'absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit soi, mais l'usage en est commun à tous les intéressés. L'usage de ces chemins peut être interdit au public ". Aux termes de l'article L. 162-3 du même code : " Les chemins et sentiers d'exploitation ne peuvent être supprimés que du consentement de tous les propriétaires qui ont le droit de s'en servir. "


9. L'autorité compétente et, en cas de recours, le juge administratif, doivent s'assurer qu'une ou plusieurs voies d'accès au terrain d'assiette du projet pour lequel un permis de construire est demandé permettent de satisfaire aux exigences posées par les règles d'urbanisme. A cette fin, pour apprécier les possibilités d'accès au terrain pour le propriétaire ou les tiers, il leur incombe de s'assurer de l'existence d'une desserte suffisante de la parcelle par une voie ouverte à la circulation publique et, le cas échéant, de l'existence d'un titre créant une servitude de passage donnant accès à cette voie. Il résulte par ailleurs des dispositions du code général des collectivités territoriales que les services publics d'incendie et de secours sont, dans le cadre de leurs missions de protection et de secours, en droit d'intervenir sur tout le territoire de la commune, sans que puisse leur être opposé le caractère privé des voies qu'ils doivent emprunter. Dès lors, pour apprécier les possibilités d'accès de ces services au même terrain d'assiette, il appartient seulement à l'autorité compétente et au juge de s'assurer que les caractéristiques physiques d'une voie d'accès permettent l'intervention de leurs engins, la circonstance que cette voie ne serait pas ouverte à la circulation publique ou grevée d'une servitude de passage étant sans incidence.


10. Les requérants soutiennent, d'une part, que l'accès au terrain d'assiette du projet nécessitait de traverser la parcelle EM700, dont la commune est propriétaire et pour laquelle les pétitionnaires ne disposent d'aucun droit de passage. A cet égard il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment de la notice explicative et des extraits des plans cadastraux produits par les pétitionnaires lesquels le matérialisent par des pointillés, que le terrain d'assiette du projet est desservi par un chemin d'exploitation. Ce chemin, dont il ressort des pièces du dossier qu'il permet de relier directement le terrain d'assiette du projet à la voie publique dénommée rue de la Résistance et qui est également mentionné dans les actes notariés d'acquisition du terrain d'assiette du projet et qualifié de chemin d'exploitation par un procès-verbal du 14 août 1998 de Me A..., géomètre-expert DPLG, délimitant les fonds riverains, est ainsi accessible à l'ensemble des propriétaires riverains sans qu'aucune servitude de passage ne soit nécessaire.


11. D'autre part, les requérants soutiennent que le terrain d'assiette du projet ne dispose pas d'un accès suffisant permettant aux services de secours et d'incendie d'intervenir. A cet égard, il ressort des pièces du dossier que le chemin d'accès au terrain d'assiette du projet, d'une longueur de 30 mètres, présente une largeur variant de 2 mètres à 3,5 mètres depuis la rue de la Résistance jusqu'au terrain d'assiette, mais compte tenu de la longueur de ce chemin et de sa configuration, cette largeur est en l'espèce suffisante pour permettre la circulation des véhicules de secours. En outre, les véhicules de secours et de lutte contre l'incendie, compte tenu de la configuration des lieux et en particulier de la largeur du chemin, peuvent accéder depuis la rue de la Résistance au terrain d'assiette du projet quand bien même ils ne pourraient effectuer un demi-tour au bout de l'impasse. L'existence d'un pin parasol planté à l'entrée du chemin, dont les requérants sont d'ailleurs propriétaires, soumis à une obligation d'entretien et notamment de taille régulière en application de l'article 671 du code civil, n'est pas de nature à faire obstacle à l'accès des véhicules de secours et d'incendie. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le chemin d'accès, bien qu'à l'état naturel, soit impraticable pour lesdits véhicules, ni que le regard aménagé pour l'accès à l'eau potable, facilement contournable compte tenu de la largeur du chemin à cet endroit constitue un obstacle pour lesdits véhicules.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article UC 7 du règlement du plan local d'urbanisme approuvé le 29 novembre 2012, alors applicable : " dans les secteurs concernés par le zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP), les constructions sont dans une bande de 15 mètres : - implantées sur une limite séparative au moins et la distance comprise dans la seconde limite au pied de la construction doit être égale à la moitié de la hauteur du bâtiment à l'égout du toit ; / - les constructions établies au-delà d'une profondeur de 15 mètres pour les bâtiments en alignement sur rue doivent : - être implantées en retrait des limites séparatives latérales conformément aux dispositions du règlement du ZPPAUP avec un minimum de 3 mètres ; -être implantées en limite et ne pas dépasser 3,5 mètres au faitage pour toute la construction (...) " L'article UC 7 renvoie à l'article 7 définissant les règles d'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives qui précise que " les constructions sont implantées avec un retrait au moins égal à la moitié de la hauteur, tout en étant au moins égal à 3 mètres. (...) ".


13. Les requérants soutiennent que ces dispositions ne sont pas respectées dans ses deux alinéas. A cet égard, d'une part, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet qui donne sur un chemin privé et ne jouxte aucune voie publique ne se situe pas " hors de la bande des 15 mètres pour les bâtiments en alignement sur rue ". L'invocation du second alinéa de l'article UC 7 est donc inopérante. D'autre part, s'agissant du premier alinéa de l'article UC 7, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des plans joints au dossier de demande du pétitionnaire, que compte tenu de la hauteur de la construction de 2,80 mètres au niveau de l'égout de toit, la partie de la construction projetée comprise dans la bande des 15 mètres ne respecterait pas la distance requise par le texte, qui est d'ailleurs de 1,40 mètres et non comme le soutiennent les requérants de 1,90 mètres, au titre de la seconde limite séparative, entre le terrain d'assiette du projet et le chemin d'exploitation. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté litigieux.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Georges d'Oléron qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme D... la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Saint-Georges d'Oléron au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


DECIDE :


Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : M. et Mme D... verseront à la commune de Saint-Georges d'Oléron une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... et Mme B... D..., à la commune de Saint-Georges d'Oléron, à M. C... et à Mme J....

Délibéré après l'audience du 4 février 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme F... G..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 mars 2020.


Le rapporteur,



Caroline G... Le président,



Elisabeth Jayat
Le greffier,



Virginie Marty

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX01462



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