CAA de NANTES, 2ème chambre, 28/02/2020, 19NT02718, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune des Velluire-sur-Vendée a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2016 par lequel les ministres chargés de l'intérieur, et de l'économie et des finances ont rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle au titre du séisme du 28 avril 2016.

Par un jugement n° 1703156 du 7 juin 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 juillet 2019 et 29 janvier 2020, la commune des Velluire-sur-Vendée, représentée par Me C..., conclut :

1°) à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 juin 2019 ;
2°) à l'annulation de l'arrêté des ministres chargés de l'intérieur, et de l'économie et des finances du 20 décembre 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- l'arrêté contesté aurait dû être motivé ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait compte tenu de la densité du séisme du 28 avril 2016, laquelle présente un caractère anormal ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de l'ampleur des dégâts causé ;
- les critères retenus pour refuser la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle étaient inopposables ;
- les ministres se sont crus à tort en situation de compétence liée.


Par un mémoire en défense enregistré le 15 janvier 2020, le ministre de l'intérieur, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune des Velluire-sur-Vendée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés.



Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des assurances ;
- le code de justice administrative.



Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.



Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la commune nouvelle Les-Velluire-sur-Vendée.




Considérant ce qui suit :

1. À la suite du séisme survenu le 28 avril 2016, la commune des Velluire-sur-Vendée a adressé au préfet de la Vendée, sur le fondement de l'article L. 125-1 du code des assurances, une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Par arrêté du 20 décembre 2016, les ministres chargés de l'intérieur, et de l'économie et des finances ont rejeté cette demande. Le préfet de la Vendée a notifié cette décision à la commune par courrier du 6 février 2017. La commune des Velluire-sur-Vendée relève appel du jugement du 7 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 125-1 du code des assurances : " Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises. / L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article. Cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'État dans le département, assortie d'une motivation. L'arrêté doit être publié au Journal officiel dans un délai de trois mois à compter du dépôt des demandes à la préfecture. De manière exceptionnelle, si la durée des enquêtes diligentées par le représentant de l'État dans le département est supérieure à deux mois, l'arrêté est publié au plus tard deux mois après la réception du dossier par le ministre chargé de la sécurité civile. " En vertu de ces dispositions, l'état de catastrophe naturelle n'est constaté par arrêté ministériel que dans le cas où l'agent naturel en cause a revêtu un caractère d'intensité anormale sur le territoire de la commune qui a sollicité cette reconnaissance.

3. En premier lieu, si les dispositions précitées exigent que la décision des ministres soit, postérieurement à la publication de l'arrêté, notifiée par le représentant de l'État dans le département à chaque commune concernée, assortie d'une motivation, elles ne sauraient être interprétées comme imposant de motiver l'arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté ne serait pas suffisamment motivé doit être écarté comme inopérant.

4. En deuxième lieu, en matière de séismes, l'intensité anormale est reconnue lorsque la magnitude a dépassé le niveau 5 sur l'échelle de Richter et le niveau mixte V-VI sur l'échelle macrosismique européenne. Si la fréquence d'un séisme de magnitude 5 est rare sur le territoire métropolitain français comme cela ressort des documents produits par la commune, il ressort de l'expertise du bureau central sismologique français figurant au dossier que le séisme du 28 avril 2016 n'a atteint sur le territoire de cette commune, située à environ 40 kilomètres de l'épicentre, que le niveau III-IV de l'échelle macrosismique européenne. La commune soutient que le classement III-IV, dont le c) indique " aucun dégât " serait entaché d'erreur de fait dès lors que l'église du village aurait subi des dégâts en lien avec ce séisme. Les seules photographies de ces dégâts dont le lien avec le séisme n'est, pour une partie d'entre eux, pas établi de façon certaine compte tenu notamment de l'ancienneté de l'église, ne sont pas de nature à établir le caractère erroné de cette évaluation de l'intensité des effets de la secousse qui prend en compte plusieurs paramètres et ne résulte pas du seul constat de dégâts causés aux constructions. Dans ces conditions, la commune des Velluire-sur-Vendée n'est pas fondée à soutenir que les ministres ont fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 125-5 du code des assurances en estimant que ce séisme ne présentait pas, en l'espèce, un caractère d'intensité anormale ni que cette décision serait entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit.

5. En troisième lieu, la commission interministérielle prévue par la circulaire interministérielle du 27 mars 1984 n'a pour mission que d'éclairer les ministres sur l'application à chaque commune des méthodologies et paramètres scientifiques permettant de caractériser les phénomènes naturels en cause, notamment ceux issus du bureau central sismologique français, les avis émis ne liant pas les autorités dont relève la décision. Ainsi, les ministres en s'appuyant sur les résultats issus de la méthodologie élaborée par cet organisme ainsi que sur l'avis de cette commission pour apprécier l'existence, dans les communes concernées, d'un état de catastrophe naturelle, sans se sentir lié par l'avis de cette commission, n'ont pas méconnu l'étendue de leur compétence.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les ministres pouvaient se fonder sur les critères retenus par cette commission, lesquels peuvent être regardés comme des lignes directrices. Ainsi, le moyen tiré de ce que les ministres se seraient fondés sur des critères qui n'étaient pas opposables à la commune des Velluire-sur-Vendée doit être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que la commune des Velluire-sur-Vendée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement à la commune des Velluire-sur-Vendée de la somme que celle-ci demande. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune le versement à l'Etat de la somme réclamée au titre des mêmes dispositions




DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune nouvelle Les Velluire-sur-Vendée est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Etat présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune nouvelle Les Velluire-sur-Vendée, au ministre de l'intérieur, au ministre de l'action et des comptes publics et au ministre de l'économie et des finances.




Délibéré après l'audience du 4 février 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Perez, président de chambre,
- M. B..., premier conseiller,
- Mme Bougrine, premier conseiller.


Lu en audience publique, le 28 février 2020.
Le rapporteur,
T. B...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02718



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