Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 12/02/2020, 419439

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. B... E..., Mme C... E..., M. D... E..., M. F... A... et Mme G... A... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 30 septembre 2014 du conseil communautaire de Flandre intérieure approuvant le plan local d'urbanisme de la commune d'Hazebrouck. Par un jugement n° 1408521 du 11 juillet 2016, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 16DA01643 du 1er février 2018, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. E... et autres contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 30 mars et 29 juin 2018 et les 17 mai et 16 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... et Nicole E... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Hazebrouck et de la communauté de communes de Flandre intérieure la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Carine Chevrier, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme E... et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la commune d'Hazebrouck et autre ;




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, d'une part, par une délibération du 2 juillet 2009, la commune d'Hazebrouck a prescrit la révision de son plan d'occupation des sols et l'élaboration d'un plan local d'urbanisme. Par une délibération du 28 mars 2013, le conseil municipal a arrêté un premier projet de plan à soumettre à enquête publique. A la suite de plusieurs modifications, le nouveau projet de plan local d'urbanisme a été arrêté par une délibération du 12 décembre 2013 du conseil municipal. D'autre part, par un arrêté du 30 mai 2013, le préfet du Nord a institué, à compter du 31 décembre 2013, la communauté de communes de Flandre intérieure, qui regroupe plusieurs établissements publics de coopération intercommunale préexistants ainsi que plusieurs communes, dont la commune d'Hazebrouck. Par une délibération du 30 septembre 2014, le conseil communautaire de cette communauté de communes a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune d'Hazebrouck. M. et Mme E..., exploitants d'un élevage porcin implanté sur le territoire de la commune d'Hazebrouck, ainsi que d'autres personnes physiques, ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir cette délibération. Par un jugement du 11 juillet 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Par un arrêt du 1er février 2018, contre lequel M. et Mme E... se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté leur appel formé contre ce jugement.

2. D'une part, en vertu de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, dans sa version issue du I de l'article 136 de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, en vigueur à la date de la décision attaquée : " I.- La communauté de communes exerce de plein droit au lieu et place des communes membres, pour la conduite d'actions d'intérêt communautaire, les compétences relevant de chacun des deux groupes suivants : / 1° Aménagement de l'espace pour la conduite d'actions d'intérêt communautaire ; schéma de cohérence territoriale et schéma de secteur ; plan local d'urbanisme, document d'urbanisme en tenant lieu et carte communale ; (...) / IV. Lorsque l'exercice des compétences mentionnées aux I et II est subordonné à la reconnaissance de leur intérêt communautaire, cet intérêt (...) est défini au plus tard deux ans après l'entrée en vigueur de l'arrêté prononçant la fusion. A défaut, la communauté de communes exerce l'intégralité de la compétence transférée ". D'autre part, les II à IV de l'article 136 de la loi du 24 mars 2014 ont prévu, à titre transitoire, que : " II. La communauté de communes ou la communauté d'agglomération existant à la date de publication de la présente loi, ou celle créée ou issue d'une fusion après la date de publication de cette même loi, et qui n'est pas compétente en matière de plan local d'urbanisme, de documents d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale le devient le lendemain de l'expiration d'un délai de trois ans à compter de la publication de ladite loi. Si, dans les trois mois précédant le terme du délai de trois ans mentionné précédemment, au moins 25 % des communes représentant au moins 20 % de la population s'y opposent, ce transfert de compétences n'a pas lieu. / Si, à l'expiration d'un délai de trois ans à compter de la publication de la présente loi, la communauté de communes ou la communauté d'agglomération n'est pas devenue compétente en matière de plan local d'urbanisme, de documents d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, elle le devient de plein droit le premier jour de l'année suivant l'élection du président de la communauté consécutive au renouvellement général des conseils municipaux et communautaires, sauf si les communes s'y opposent dans les conditions prévues au premier alinéa du présent II. / Si, à l'expiration d'un délai de trois ans à compter de la publication de la présente loi, la communauté de communes ou la communauté d'agglomération n'est pas devenue compétente en matière de plan local d'urbanisme, de documents d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale peut également à tout moment se prononcer par un vote sur le transfert de cette compétence à la communauté. S'il se prononce en faveur du transfert, cette compétence est transférée à la communauté, sauf si les communes membres s'y opposent dans les conditions prévues au premier alinéa du présent II, dans les trois mois suivant le vote de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. / III. - Dans les trois ans qui suivent la publication de la présente loi, les communes membres d'une communauté de communes ou d'une communauté d'agglomération peuvent transférer la compétence en matière de plan local d'urbanisme, de documents d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, mentionnée au II du présent article (...). / IV. - Si une commune membre de la communauté de communes ou de la communauté d'agglomération a engagé, avant la date de transfert de la compétence, une procédure d'élaboration, de révision, de modification ou de mise en compatibilité avec une déclaration de projet d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale, la communauté de communes ou la communauté d'agglomération devenue compétente peut décider, en accord avec cette commune, de poursuivre sur son périmètre initial ladite procédure ".

3. Il résulte de ces dispositions d'une part, que, dans l'hypothèse où une commune, membre de la communauté de communes, a déjà engagé une procédure d'élaboration de son plan local d'urbanisme avant le transfert de cette compétence à la communauté de communes, cette dernière peut décider de poursuivre cette procédure, sur son périmètre initial, une fois devenue compétente et en accord avec la commune concernée. Il en résulte, d'autre part que si, à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 24 mars 2014, la compétence en matière de plan local d'urbanisme pour la conduite d'actions d'intérêt communautaire devient une compétence obligatoire des communautés de communes, les communautés de communes préexistantes qui n'étaient pas compétentes en matière de plan local d'urbanisme avant l'entrée en vigueur de cette loi ne le deviennent qu'à l'issue d'un délai de trois ans et sauf opposition d'au moins 25 % des communes représentant au moins 20 % de la population.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'arrêté du 30 mai 2013 du préfet du Nord portant création, à compter du 31 décembre 2013, de la communauté de communes de Flandre intérieure, qui a fusionné six établissements publics de coopération intercommunale, un syndicat à vocation unique et inclus dans son périmètre trois communes isolées dont celle d'Hazebrouck, ne prévoit, parmi les compétences obligatoires transférées au nouvel établissement, l'exercice de la compétence en matière de plan local d'urbanisme intercommunal que pour les deux communautés de communes préexistantes de l'Houtland et des Monts de Flandre-Plaine de la Lys. Il ressort également de ces pièces qu'un nouvel arrêté du préfet du Nord du 11 décembre 2015, entré en vigueur le 1er janvier 2016, procède, après avoir constaté que les membres de la communauté de communes de Flandre intérieure ont défini l'intérêt communautaire attaché aux compétences exercées par la communauté de communes de Flandre intérieure et décidé de lui transférer les compétences afférentes, à l'élargissement du périmètre des compétences de cette communauté de communes. Celle-ci exerce désormais, au titre des compétences obligatoires, la compétence en matière de plan local d'urbanisme intercommunal. Il suit de là qu'avant le 1er janvier 2016, la communauté de communes de Flandre intérieure n'était pas compétente pour délibérer sur le plan local d'urbanisme de la commune d'Hazebrouck. Par suite, en jugeant que la compétence en matière d'élaboration du plan local d'urbanisme exercée par la commune d'Hazebrouck avait été transférée par l'arrêté du 30 mai 2013 du préfet du Nord à la communauté de communes de Flandre intérieure et que, pour ce motif, cette dernière était compétente pour approuver, par la délibération contestée du 30 septembre 2014, le plan local d'urbanisme de cette commune, la cour a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce tout qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. et Mme E... sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. et Mme E..., qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes de Flandre intérieure et de la commune d'Hazebrouck une somme de 1 500 euros chacune à verser à M. et Mme E..., au titre de ces mêmes dispositions.




D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 1er février 2018 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : La commune d'Hazebrouck et la communauté de communes de Flandre intérieure verseront chacune à M. et Mme E... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la commune d'Hazebrouck et la communauté de communes de Flandre intérieure sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B... et Nicole E..., à la commune d'Hazebrouck et à la communauté de communes de Flandre intérieure.
Copie en sera adressée à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

ECLI:FR:XX:2020:419439.20200212
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