CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/01/2020, 18NC02211, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... C... et Mme H... C... née K..., ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2016, par lequel le maire de Châlons-en-Champagne a délivré un permis de construire à M. F... I....

Par un jugement n° 1700364 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 août 2018 et le 16 octobre 2019, M et Mme C..., représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 juin 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Châlons-en-Champagne du 7 décembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Châlons-en-Champagne le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt à agir contre le permis contesté en leur qualité de voisins directs de la construction projetée, en raison des nuisances sonores et visuelles qu'elle leur occasionnera et des conséquences qu'elle aura sur leur cadre de vie ;
- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence ;
- le dossier de demande de permis de construire comporte des informations erronées et contradictoires en ce qui concerne le type de logements et le nombre de places de stationnement prévus ;
- les dispositions de l'article 7-3 de la zone U2 du plan local d'urbanisme de la commune relatives à l'implantation des constructions sont méconnues ;
- le permis litigieux est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme et des articles 3-1-2 et 3-2-2 de la zone U2 du plan local d'urbanisme, car la voie d'accès à la parcelle est, au regard de l'importance du projet, inadaptée, notamment aux véhicules de secours et d'incendie, ce qui créera un encombrement permanent de la rue des Bleuets et des risques pour la sécurité des usagers ;
- l'administration a commis une erreur manifeste d'appréciation en autorisant la création d'un toit-terrasse circulable qui créera une vue directe sur leur propriété, en violation des dispositions de l'article 678 du code civil ;
- le permis de construire méconnaît les dispositions de l'article L. 111-11 du code l'urbanisme.


Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2018, M. F... I..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :
- la demande de première instance était irrecevable, pour défaut d'intérêt à agir ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.


Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 novembre 2018 et le 10 octobre 2019, la commune de Châlons-en-Champagne, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 25 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 17 octobre 2019.


La commune de Châlons-en-Champagne a produit un mémoire, enregistré le 21 novembre 2019, qui n'a pas été communiqué.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code civil ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., pour M. et Mme C..., ainsi que celles de Me A..., pour la commune de Châlons-en-Champagne.


Considérant ce qui suit :

1. M. I... a sollicité, le 6 juin 2016, un permis de construire quatre logements et un local de rangement pour vélos, sur un terrain situé 9, rue des Bleuets à Châlons-en-Champagne, sur lequel était déjà érigée une construction inachevée, édifiée en vertu d'un permis de construire délivré aux précédents propriétaires de ce terrain, le 13 août 2008. Le maire de Châlons-en-Champagne lui ayant délivré ce permis par un arrêté en date du 7 décembre 2016, M. et Mme C..., voisins immédiats du projet, font appel du jugement du 7 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 7 décembre 2016 :

2. En premier lieu, le maire de Châlons-en-Champagne a, par un arrêté n° ARR-2016-VIL-1479 du 29 mars 2016, donné délégation à M. L... B..., troisième adjoint en charge de l'habitat, du logement et de l'urbanisme, pour signer tous actes relatifs au domaine des activités pour lesquels une délégation de fonction lui a été accordée, au nombre desquelles figure la délivrance des autorisations en matière de droit des sols. Cette délégation, transmise en préfecture le 29 mars 2016, a été affichée en mairie du 1er avril au 31 mai 2016 inclus selon un certificat d'affichage du 2 juin 2016. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit, par suite, être écarté.

3. En deuxième lieu, la circonstance que le dossier de demande de permis de construire serait incomplet ou que des pièces seraient insuffisantes, imprécises ou inexactes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire délivré que dans le cas où ces omissions, inexactitudes ou insuffisances ont été de nature à fausser l'appréciation de l'administration sur la conformité du projet à la réglementation.

4. D'une part, si la demande de permis de construire et la " notice générale permis de construire " mentionnent quatre logements de cinq pièces, alors que le plan de la toiture et les plans de façades mentionnent des logements de six pièces, cette circonstance n'a pas été, dans les circonstances de l'espèce, de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable, dès lors notamment que la demande de permis de construire comme les plans joints à cette demande mentionnent tous la même surface créée, soit 477 m². En outre, la circonstance que le pétitionnaire ait finalement réalisé des logements de six pièces est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté, dès lors qu'un permis de construire n'a pas d'autre objet que d'autoriser la construction d'immeubles conformes aux plans et indications fournis lors de la demande. Dès lors, le moyen tiré, en sa première branche, de ce que la demande de permis de construire comporterait des informations erronées et contradictoires doit, s'agissant du type de logements créés, être écarté.

5. D'autre part, selon l'article 12-1 du règlement de la zone U2 du plan local d'urbanisme de la commune de Châlons-en-Champagne : " Il est exigé au minimum : une place de stationnement par tranche, même incomplète, de 100 mètres carrés de surface de plancher avec un minimum d'une place par logement pour les constructions à destination d'habitation (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans annexés et de la notice générale réalisée par l'architecte du projet, que le pétitionnaire a prévu la création, d'une part, de quatre places de stationnement non couvertes et, d'autre part, de quatre garages, soit un total de huit places de stationnement pour quatre logements à créer. Ni les dispositions de l'article 12-1 de la zone U2 du plan local d'urbanisme de la commune, ni aucune autre disposition de ce plan n'interdisent de comptabiliser les garages dans les espaces de stationnement créés et de situer les places de stationnement non couvertes à créer devant des garages. En outre, il n'est pas soutenu que la surface disponible devant chacun des quatre garages serait insuffisante pour accueillir une place de stationnement. Dans ces conditions, le moyen tiré, en sa seconde branche, de ce que la demande de permis de construire comporterait des informations erronées et contradictoires doit également, s'agissant du nombre de places de stationnement créées, être écarté.

7. En troisième lieu, l'article 7-3 du règlement de la zone U2 du plan local d'urbanisme de la commune de Châlons-en-Champagne impose une hauteur maximale de construction de 3,50 mètres, au point le plus haut, dans une bande de 3 mètres par rapport aux limites séparatives.

8. Si la terrasse du bâtiment inachevé existant, présente, en limite séparative de propriété, une hauteur supérieure à 3,50 mètres, la " notice générale " mentionne expressément des " parpaings à démonter " et il ressort du plan des façades PC5/D qu'il est prévu de démolir une rangée de parpaings pour ramener la hauteur de cette terrasse à 3,20 mètre de hauteur. A cet égard, à supposer que le permis de construire délivré le 13 août 2008 aux précédents propriétaires fût illégal au regard des dispositions de l'article 7-3 U2 du plan local d'urbanisme, cette circonstance serait sans incidence sur la légalité du permis de construire délivré à M. I... qui respecte ces dispositions. Le moyen tiré de leur méconnaissance doit, par suite, être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1-2 du règlement de la zone U2 du plan local d'urbanisme de la commune de Châlons-en-Champagne, " les caractéristiques des voies de desserte doivent être adaptées à l'importance et à la destination des constructions qu'elles doivent desservir " et " permettre l'approche du matériel de lutte contre l'incendie et des services de sécurité ". En outre, aux termes de l'article 3.2.2 du même règlement : " Les accès automobiles doivent être adaptés à l'importance ou à la destination de la construction et aménagés de façon à apporter la moindre gêne à la circulation publique ". Contrairement à ce que soutiennent les requérants, ces dispositions sont seules applicables aux conditions de desserte du terrain en litige, à l'exclusion de celles de l'article R.111-5 du code de l'urbanisme qui, en vertu de l'article R.111-1 du même code, ne sont pas applicables dans les communes dotées, comme en l'espèce, d'un plan local d'urbanisme.

10. Il est constant que la construction projetée ne peut être desservie que par la rue des Bleuets, qui constitue une voie privée finissant en impasse, et que le terrain d'assiette du projet, correspondant à la parcelle n° 133, est situé au fond de cette impasse.

11. D'une part, il ressort, tant du procès-verbal de constat dressé le 30 octobre 2008 que du procès-verbal de constat dressé le 2 juillet 2018 à la demande des copropriétaires de la rue des Bleuets, que cette impasse a une largeur d'environ 3 mètres. Le procès-verbal de constat du 30 octobre 2008 mentionne en outre qu'un camion-toupie a pu emprunter cette impasse. De plus, il ressort du " plan de situation " qu'il est possible, pour un véhicule de secours et d'incendie engagé dans l'impasse et qui voudrait accéder à la construction projetée, de faire ensuite demi-tour au niveau des places de stationnement situées devant cette construction. Enfin, le service départemental d'incendie et de secours, consulté le 7 octobre 2019, a estimé que l'accessibilité du terrain situé 9 rue des Bleuets ne posait pas de difficultés, les véhicules des pompiers pouvant accéder au terrain par la rue du Docteur Pellier, dès lors que le projet se situe à environ 70 mètres de cette voie. Il en résulte qu'en estimant, au regard des dispositions de l'article 3.1.2 du règlement de la zone U2 du plan local d'urbanisme, que les caractéristiques physiques de la voie d'accès permettront l'approche du matériel de lutte contre l'incendie dans des conditions satisfaisantes, le maire de Châlons-en-Champagne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

12. D'autre part, et alors qu'ainsi il a déjà été dit, le projet en litige prévoit, sur son emprise, deux places de stationnement par logement, soit huit places de stationnement, c'est sans davantage commettre d'erreur manifeste d'appréciation que l'auteur du permis contesté a estimé que les conditions de circulation dans l'impasse ne se trouveraient pas aggravées dans des proportions de nature à représenter, au sens des dispositions de l'article 3.2.2 du règlement de la zone U2 du plan local d'urbanisme, un risque pour la sécurité des usagers de cette voie.

13. En cinquième lieu, les autorisations d'urbanisme étant délivrées sous réserve des droits des tiers, leur régularité s'apprécie au regard des seules règles d'urbanisme et non de celles du code civil. Le moyen tiré de la violation de l'article 678 du code civil, qui fixe la distance minimale à respecter pour ouvrir des vues droites sur un immeuble voisin, doit, par suite, être écarté comme inopérant.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. / Lorsqu'un projet fait l'objet d'une déclaration préalable, l'autorité compétente doit s'opposer à sa réalisation lorsque les conditions mentionnées au premier alinéa ne sont pas réunies(...) ". Aux termes de l'article L. 152-1 du code rural et de la pèche maritime : " Il est institué au profit des collectivités publiques, des établissements publics ou des concessionnaires de services publics qui entreprennent des travaux d'établissement de canalisations d'eau potable ou d'évacuation d'eaux usées ou pluviales une servitude leur conférant le droit d'établir à demeure des canalisations souterraines dans les terrains privés non bâtis, excepté les cours et jardins attenant aux habitations. ".

15. D'une part, il résulte des avis des services de distribution d'eau et d'assainissement de la commune de Châlons-en-Champagne que le projet litigieux nécessite un simple branchement aux réseaux publics existants. Dès lors, les requérants ne peuvent pas utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 152-1 du code rural et de la pêche maritime ni, par suite, soutenir que les dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme ont été méconnues, s'agissant du raccordement aux réseaux d'eau et d'assainissement.

16. D'autre part, il résulte de l'avis d'ERDF que le projet de M. I... nécessite un simple branchement au réseau public existant, à condition que la puissance de raccordement globale du projet corresponde à 36 kVA triphasé et tel est d'ailleurs l'objet de la prescription énoncée à l'article 4 de l'arrêté contesté. Par ailleurs, à supposer même que le branchement au réseau d'électricité nécessiterait l'accord des requérants, cette circonstance est sans incidence sur la légalité du permis contesté qui est délivré sous réserve du droit des tiers. Alors au demeurant que les dispositions de l'article L. 152-1 du code rural et de la pêche maritime, qui ne concernent que les réseaux d'eau et d'assainissement, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme ont été méconnues, s'agissant du raccordement au réseau électrique doit également être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées tant en appel qu'en première instance par la commune de Châlons-en-Champagne et par M. I..., M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à l'annulation du permis de construire délivré le 7 décembre 2016 par le maire de Châlons-en-Champagne.

Sur les frais liés à l'instance :

18. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Châlons-en-Champagne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme C... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

20. Par ailleurs, il y a lieu, pour le même motif, de mettre à la charge de M. et Mme C... le versement à la commune de Châlons-en-Champagne et à M. I... d'une somme de 1 500 euros chacun au titre des mêmes dispositions.


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de M. G... C... et de Mme H... C... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme C... verseront à la commune de Châlons-en-Champagne et à M. F... I... une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... C..., à Mme H... C..., à la commune de Châlons-en-Champagne et à M. F... I....
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 18NC02211



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