CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 16/01/2020, 17VE01304, Inédit au recueil Lebon
CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 16/01/2020, 17VE01304, Inédit au recueil Lebon
CAA de VERSAILLES - 5ème chambre
- N° 17VE01304
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
16 janvier 2020
- Président
- M. CAMENEN
- Rapporteur
- M. Thierry ABLARD
- Avocat(s)
- PATERNOTTE
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... H..., M. A... H..., Mmes D... et B... H... et MM. C... et G... H... ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner solidairement le Port autonome de Paris et son assureur, la société Allianz Iard, à leur verser la somme globale de 2 307 845,60 euros en réparation de leurs préjudices résultant de l'accident subi par Mme E... H... sur le port de Gennevilliers.
Par un jugement n° 1401958 du 28 février 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 25 avril 2017,
19 octobre 2017 et 7 janvier 2018, Mme E... H..., M. A... H..., Mmes D... et B... H... et MM. C... et G... H..., représentés par Me J..., avocate, demandent à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de condamner solidairement le Port autonome de Paris et son assureur, la société Allianz Iard, à leur verser la somme globale de 2 307 845,60 euros en réparation de leurs préjudices ;
3° de déclarer le jugement commun à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, à la RAM de la batellerie, à la société Réunica, au régime social des indépendants Ile-de-France Centre et à tous les organismes tiers payeurs et de constater leurs créances ;
4° de rejeter les conclusions qui pourraient être présentées contre eux ;
5° de mettre solidairement à la charge du Port autonome de Paris et de son assureur, la société Allianz Iard, le versement de la somme de 20 000 euros à M. A... H... et
Mme E... H... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Ils soutiennent que :
- la motivation du jugement attaqué est critiquable, dès lors qu'il tient pour établies les allégations du Port autonome de Paris ;
- l'échelle de quai utilisée par Mme H... le 5 novembre 2006 et qui a provoqué sa chute était d'une exceptionnelle dangerosité ou présentait à tout le moins un vice de conception et un défaut d'entretien ; en effet, l'échelle n'était pas visible du quai ; elle se situait dans un renfoncement par rapport au quai, obligeant les bateliers à se trouver momentanément dans le vide ; elle ne permettait pas une descente normale et sécurisée, les barreaux ne se succédant pas régulièrement ; comme toutes les échelles de quai du port de Gennevilliers, celle qui a causé son accident n'était pas en parfait état et a d'ailleurs fait l'objet d'une réhabilitation après sa chute ;
- elle n'a commis aucune imprudence ;
- en raison de cet accident, elle a subi des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux qui doivent être réparés par le Port autonome de Paris à hauteur de 2 187 107,60 euros ;
- ses proches ont pour leur part subi des pertes de revenus et un préjudice d'affection, qui peuvent être évalués à la somme totale de 120 738 euros.
Par des mémoires, enregistrés respectivement le 26 juin 2017, le 13 février 2018 et le
23 octobre 2019, la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, venant aux droits et obligations du régime social des indépendants, représentée par Me Niel, avocat, demande à la Cour :
1° de condamner in solidum le Port autonome de Paris et la société Allianz Iard à lui verser la somme de 74 441,94 euros, assortie des intérêts au taux légal, au titre des prestations de santé prises en charge dans l'intérêt de Mme H... ;
2° de condamner in solidum le Port autonome de Paris et la société Allianz Iard à lui verser l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
3° de mettre in solidum à la charge du Port autonome de Paris et de la société Allianz Iard la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Elle soutient qu'elle a exposé des dépenses au profit de Mme H..., à hauteur de 74 441,94 euros, correspondant à des indemnités journalières et des prestations en nature.
------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F...,
- les conclusions de M. Cabon, rapporteur public,
- les observations de Me J..., pour les consorts H..., et celles de
Me I..., substituant Me K..., pour la société Allianz Iard.
Considérant ce qui suit :
1. Le 5 novembre 2006 vers 23 h 00, Mme H..., batelière dont le bateau de transport fluvial, en attente de déchargement, stationnait depuis le 3 novembre précédent dans la darse n° 2 du port de Gennevilliers, a chuté d'un quai. Tombée sur une barge située en contrebas après une chute de plus de cinq mètres, l'intéressée a été hospitalisée jusqu'au 6 décembre 2006 à l'hôpital Beaujon pour un polytraumatisme avec paraplégie complète et plusieurs fractures. Elle a ensuite été admise dans un centre de réadaptation jusqu'au 30 mai 2007. Par une ordonnance du 3 novembre 2011, le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a désigné un expert afin d'évaluer les préjudices de Mme H.... L'expert a remis son rapport le 3 avril 2012. Mme H..., définitivement paraplégique, a demandé le
13 novembre 2013 au Port autonome de Paris l'indemnisation de ses préjudices. Cette demande a été rejetée le 20 décembre suivant par l'administration. Mme et M. H..., ainsi que leurs enfants, relèvent appel du jugement du 28 février 2017 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à la condamnation du Port autonome de Paris et de son assureur, la société Allianz Iard, à leur verser la somme totale de 2 307 845,60 euros en réparation de leurs préjudices.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si les requérants soutiennent que la motivation du jugement attaqué est critiquable, dès lors que c'est à tort que les premiers juges ont tenu pour établis les allégations du Port autonome de Paris, ce moyen, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal, n'est, en tout état de cause, pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité.
Sur la responsabilité :
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté, que c'est en utilisant l'une des échelles du quai de la darse n° 2, seul moyen de regagner son embarcation compte tenu du lieu de stationnement choisi par
M. et Mme H..., que cette dernière a été victime de la chute à l'origine des préjudices dont il est demandé réparation. Ainsi, le lien de causalité direct entre l'utilisation de cette échelle de quai et ces préjudices doit être regardé comme établi.
4. En deuxième lieu, une collectivité publique peut en principe s'exonérer de la responsabilité qu'elle encourt à l'égard des usagers d'un ouvrage public victimes d'un dommage causé par l'ouvrage si elle apporte la preuve que ledit ouvrage a été normalement aménagé et entretenu. Sa responsabilité ne peut être engagée à l'égard des usagers, même en l'absence de tout défaut d'aménagement ou d'entretien normal, que lorsque l'ouvrage, en raison de la gravité exceptionnelle des risques auxquels sont exposés les usagers du fait de sa conception même, doit être regardé comme présentant par lui-même le caractère d'un ouvrage exceptionnellement dangereux.
5. Les requérants soutiennent qu'en raison de la gravité exceptionnelle des risques auxquels sont exposés les usagers du fait de sa conception même, l'échelle de quai litigieuse doit être regardée comme présentant par elle-même le caractère d'un ouvrage exceptionnellement dangereux. Toutefois, si la conception de cet équipement présente des particularités qui requièrent certaines précautions de la part de ceux qui l'utilisent, elle ne saurait, pour autant, être regardée comme présentant par elle-même des risques excédant ceux qui sont inhérents à l'utilisation de ce type d'ouvrage et contre lesquels les usagers normalement attentifs et habitués des installations portuaires, comme l'intéressée en l'espèce, doivent se prémunir. A cet égard, si les requérants soutiennent que cette échelle avait déjà causé un accident, ils ne produisent aucune pièce au soutien de cette allégation peu circonstanciée et formellement contestée par l'administration. De même, si les requérants produisent, pour la première fois en appel, une attestation établie le 3 janvier 2018 par batelier qui déclare que " cette échelle comme les autres échelles de cette darse était exceptionnellement dangereuse ", ce document, peu circonstancié, n'est pas corroboré par l'instruction. Enfin, si postérieurement à l'accident de Mme H..., le Port autonome de Paris a d'une part entrepris des travaux de réhabilitation et d'amélioration du quai de la darse n° 5, consistant notamment en l'installation de crosses au droit des échelles qui en étaient dépourvues, et procédé d'autre part au rabotage de la poutre de couronnement afin d'améliorer ainsi la visibilité sur le premier barreau de l'échelle litigieuse, cette seule circonstance n'est pas de nature à établir que cet ouvrage présentait le jour des faits un caractère exceptionnellement dangereux. En tout état de cause, ces travaux de réhabilitation et d'amélioration du quai de la darse n° 5 ne concernaient pas le lieu de l'accident dont
Mme H... a été victime, qui a utilisé une échelle du quai de la darse n° 2.
6. En troisième lieu, il appartient à la victime d'un dommage survenu à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public d'apporter la preuve du lien de causalité entre l'ouvrage dont il s'agit et le dommage dont elle se prévaut. La collectivité en charge de l'ouvrage peut s'exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve, soit de l'entretien normal de celui-ci, soit de ce que le dommage est imputable à la faute de la victime, soit encore d'un cas de force majeure.
7. Les requérants soutiennent que Mme H... a chuté car elle a dû, pour tenter d'accéder à l'échelle, enjamber la poutre de couronnement qui forme un surplomb par rapport aux palplanches du quai contre lesquelles est dressée ladite échelle, surplomb qui masque le premier barreau situé sous la poutre, lequel s'avère de fait inaccessible et dangereux. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment des photographies versées aux débats, que l'échelle en cause est munie dans sa partie supérieure, au niveau de la poutre de couronnement du quai, de deux crosses ou arceaux permettant précisément à l'usager, afin de pallier le manque de visibilité, de s'y agripper tandis qu'il enjambe la poutre et pose le pied sur le premier barreau de l'échelle. Ainsi, compte tenu de ce dispositif, l'échelle de quai en cause peut être utilisée de façon suffisamment sûre par un usager normalement vigilant. En outre, il résulte de l'instruction que Mme H..., habituée des installations portuaires en sa qualité de conjoint collaborateur et qui connaissait les lieux pour s'y être rendue à plusieurs reprises afin de décharger des marchandises avec son époux, notamment les 12 et 20 octobre 2006, était nécessairement informée des particularités de cet équipement répandu et des précautions qu'il requiert, alors, au surplus, que son embarcation stationnant au même endroit depuis trois jours, elle avait nécessairement utilisé cette échelle au cours des jours précédents. Si les requérants invoquent la méconnaissance des directives du Bureau international du travail relatives à la sécurité dans les ports, lesquelles mentionnent la nécessité d'un accès sûr " au quai ", ces recommandations sont en tout état de cause dépourvues de valeur contraignante. Au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction que ces recommandations auraient été méconnues en l'espèce. De même, si les requérants invoquent la méconnaissance de normes ISO, de la réglementation européenne et du décret n° 2004-924 du 1er septembre 2004 relatif à l'utilisation des équipements de travail mis à disposition pour des travaux temporaires en hauteur et modifiant le code du travail et le décret du 8 janvier 1965, ils ne démontrent pas que l'ouvrage en cause entrerait dans leur champ d'application et ne précisent pas quelles en seraient les dispositions méconnues.
8. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction, en particulier des photographies versées aux débats, que l'échelle litigieuse était détériorée ou mal entretenue, ou que les crosses susmentionnées étaient inutilisables.
9. Dans ces conditions, il résulte de ce qui précède que l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'absence de vice de conception de cet ouvrage public et plus généralement de son entretien normal.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir invoquée par le Port autonome de Paris, que les consorts H... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à la condamnation du Port autonome de Paris et de son assureur à les indemniser de l'accident dont a été victime Mme H... le 5 novembre 2006 et a mis à leur charge les frais d'expertise. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants et la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, tendant à la condamnation du Port autonome de Paris et de son assureur, doivent être rejetées, y compris celles relatives à l'indemnité forfaitaire de gestion mentionnée à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Sur les conclusions du Port autonome de Paris :
11. Le présent arrêt n'aggrave pas la situation du Port autonome de Paris. Par suite, ses conclusions tendant à ce que la société Allianz Iard soit condamnée à le garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin de déclaration de jugement commun :
12. La caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, la RAM de la batellerie, la société Réunica et le régime social des indépendants Ile-de-France Centre ayant la qualité de partie à l'instance, les conclusions des consorts H... aux fins de déclaration de jugement commun sont sans objet et doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du Port autonome de Paris et de la société Allianz Iard, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement des sommes que les consorts H..., la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants et la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du Port autonome de Paris tendant à l'application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête présentée par les consorts H... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs, du Port autonomes de Paris, de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne et de la société Allianz Iard sont rejetées.
N° 17VE01304 2
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... H..., M. A... H..., Mmes D... et B... H... et MM. C... et G... H... ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner solidairement le Port autonome de Paris et son assureur, la société Allianz Iard, à leur verser la somme globale de 2 307 845,60 euros en réparation de leurs préjudices résultant de l'accident subi par Mme E... H... sur le port de Gennevilliers.
Par un jugement n° 1401958 du 28 février 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 25 avril 2017,
19 octobre 2017 et 7 janvier 2018, Mme E... H..., M. A... H..., Mmes D... et B... H... et MM. C... et G... H..., représentés par Me J..., avocate, demandent à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de condamner solidairement le Port autonome de Paris et son assureur, la société Allianz Iard, à leur verser la somme globale de 2 307 845,60 euros en réparation de leurs préjudices ;
3° de déclarer le jugement commun à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, à la RAM de la batellerie, à la société Réunica, au régime social des indépendants Ile-de-France Centre et à tous les organismes tiers payeurs et de constater leurs créances ;
4° de rejeter les conclusions qui pourraient être présentées contre eux ;
5° de mettre solidairement à la charge du Port autonome de Paris et de son assureur, la société Allianz Iard, le versement de la somme de 20 000 euros à M. A... H... et
Mme E... H... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Ils soutiennent que :
- la motivation du jugement attaqué est critiquable, dès lors qu'il tient pour établies les allégations du Port autonome de Paris ;
- l'échelle de quai utilisée par Mme H... le 5 novembre 2006 et qui a provoqué sa chute était d'une exceptionnelle dangerosité ou présentait à tout le moins un vice de conception et un défaut d'entretien ; en effet, l'échelle n'était pas visible du quai ; elle se situait dans un renfoncement par rapport au quai, obligeant les bateliers à se trouver momentanément dans le vide ; elle ne permettait pas une descente normale et sécurisée, les barreaux ne se succédant pas régulièrement ; comme toutes les échelles de quai du port de Gennevilliers, celle qui a causé son accident n'était pas en parfait état et a d'ailleurs fait l'objet d'une réhabilitation après sa chute ;
- elle n'a commis aucune imprudence ;
- en raison de cet accident, elle a subi des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux qui doivent être réparés par le Port autonome de Paris à hauteur de 2 187 107,60 euros ;
- ses proches ont pour leur part subi des pertes de revenus et un préjudice d'affection, qui peuvent être évalués à la somme totale de 120 738 euros.
Par des mémoires, enregistrés respectivement le 26 juin 2017, le 13 février 2018 et le
23 octobre 2019, la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, venant aux droits et obligations du régime social des indépendants, représentée par Me Niel, avocat, demande à la Cour :
1° de condamner in solidum le Port autonome de Paris et la société Allianz Iard à lui verser la somme de 74 441,94 euros, assortie des intérêts au taux légal, au titre des prestations de santé prises en charge dans l'intérêt de Mme H... ;
2° de condamner in solidum le Port autonome de Paris et la société Allianz Iard à lui verser l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
3° de mettre in solidum à la charge du Port autonome de Paris et de la société Allianz Iard la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Elle soutient qu'elle a exposé des dépenses au profit de Mme H..., à hauteur de 74 441,94 euros, correspondant à des indemnités journalières et des prestations en nature.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F...,
- les conclusions de M. Cabon, rapporteur public,
- les observations de Me J..., pour les consorts H..., et celles de
Me I..., substituant Me K..., pour la société Allianz Iard.
Considérant ce qui suit :
1. Le 5 novembre 2006 vers 23 h 00, Mme H..., batelière dont le bateau de transport fluvial, en attente de déchargement, stationnait depuis le 3 novembre précédent dans la darse n° 2 du port de Gennevilliers, a chuté d'un quai. Tombée sur une barge située en contrebas après une chute de plus de cinq mètres, l'intéressée a été hospitalisée jusqu'au 6 décembre 2006 à l'hôpital Beaujon pour un polytraumatisme avec paraplégie complète et plusieurs fractures. Elle a ensuite été admise dans un centre de réadaptation jusqu'au 30 mai 2007. Par une ordonnance du 3 novembre 2011, le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a désigné un expert afin d'évaluer les préjudices de Mme H.... L'expert a remis son rapport le 3 avril 2012. Mme H..., définitivement paraplégique, a demandé le
13 novembre 2013 au Port autonome de Paris l'indemnisation de ses préjudices. Cette demande a été rejetée le 20 décembre suivant par l'administration. Mme et M. H..., ainsi que leurs enfants, relèvent appel du jugement du 28 février 2017 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à la condamnation du Port autonome de Paris et de son assureur, la société Allianz Iard, à leur verser la somme totale de 2 307 845,60 euros en réparation de leurs préjudices.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si les requérants soutiennent que la motivation du jugement attaqué est critiquable, dès lors que c'est à tort que les premiers juges ont tenu pour établis les allégations du Port autonome de Paris, ce moyen, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal, n'est, en tout état de cause, pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité.
Sur la responsabilité :
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté, que c'est en utilisant l'une des échelles du quai de la darse n° 2, seul moyen de regagner son embarcation compte tenu du lieu de stationnement choisi par
M. et Mme H..., que cette dernière a été victime de la chute à l'origine des préjudices dont il est demandé réparation. Ainsi, le lien de causalité direct entre l'utilisation de cette échelle de quai et ces préjudices doit être regardé comme établi.
4. En deuxième lieu, une collectivité publique peut en principe s'exonérer de la responsabilité qu'elle encourt à l'égard des usagers d'un ouvrage public victimes d'un dommage causé par l'ouvrage si elle apporte la preuve que ledit ouvrage a été normalement aménagé et entretenu. Sa responsabilité ne peut être engagée à l'égard des usagers, même en l'absence de tout défaut d'aménagement ou d'entretien normal, que lorsque l'ouvrage, en raison de la gravité exceptionnelle des risques auxquels sont exposés les usagers du fait de sa conception même, doit être regardé comme présentant par lui-même le caractère d'un ouvrage exceptionnellement dangereux.
5. Les requérants soutiennent qu'en raison de la gravité exceptionnelle des risques auxquels sont exposés les usagers du fait de sa conception même, l'échelle de quai litigieuse doit être regardée comme présentant par elle-même le caractère d'un ouvrage exceptionnellement dangereux. Toutefois, si la conception de cet équipement présente des particularités qui requièrent certaines précautions de la part de ceux qui l'utilisent, elle ne saurait, pour autant, être regardée comme présentant par elle-même des risques excédant ceux qui sont inhérents à l'utilisation de ce type d'ouvrage et contre lesquels les usagers normalement attentifs et habitués des installations portuaires, comme l'intéressée en l'espèce, doivent se prémunir. A cet égard, si les requérants soutiennent que cette échelle avait déjà causé un accident, ils ne produisent aucune pièce au soutien de cette allégation peu circonstanciée et formellement contestée par l'administration. De même, si les requérants produisent, pour la première fois en appel, une attestation établie le 3 janvier 2018 par batelier qui déclare que " cette échelle comme les autres échelles de cette darse était exceptionnellement dangereuse ", ce document, peu circonstancié, n'est pas corroboré par l'instruction. Enfin, si postérieurement à l'accident de Mme H..., le Port autonome de Paris a d'une part entrepris des travaux de réhabilitation et d'amélioration du quai de la darse n° 5, consistant notamment en l'installation de crosses au droit des échelles qui en étaient dépourvues, et procédé d'autre part au rabotage de la poutre de couronnement afin d'améliorer ainsi la visibilité sur le premier barreau de l'échelle litigieuse, cette seule circonstance n'est pas de nature à établir que cet ouvrage présentait le jour des faits un caractère exceptionnellement dangereux. En tout état de cause, ces travaux de réhabilitation et d'amélioration du quai de la darse n° 5 ne concernaient pas le lieu de l'accident dont
Mme H... a été victime, qui a utilisé une échelle du quai de la darse n° 2.
6. En troisième lieu, il appartient à la victime d'un dommage survenu à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public d'apporter la preuve du lien de causalité entre l'ouvrage dont il s'agit et le dommage dont elle se prévaut. La collectivité en charge de l'ouvrage peut s'exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve, soit de l'entretien normal de celui-ci, soit de ce que le dommage est imputable à la faute de la victime, soit encore d'un cas de force majeure.
7. Les requérants soutiennent que Mme H... a chuté car elle a dû, pour tenter d'accéder à l'échelle, enjamber la poutre de couronnement qui forme un surplomb par rapport aux palplanches du quai contre lesquelles est dressée ladite échelle, surplomb qui masque le premier barreau situé sous la poutre, lequel s'avère de fait inaccessible et dangereux. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment des photographies versées aux débats, que l'échelle en cause est munie dans sa partie supérieure, au niveau de la poutre de couronnement du quai, de deux crosses ou arceaux permettant précisément à l'usager, afin de pallier le manque de visibilité, de s'y agripper tandis qu'il enjambe la poutre et pose le pied sur le premier barreau de l'échelle. Ainsi, compte tenu de ce dispositif, l'échelle de quai en cause peut être utilisée de façon suffisamment sûre par un usager normalement vigilant. En outre, il résulte de l'instruction que Mme H..., habituée des installations portuaires en sa qualité de conjoint collaborateur et qui connaissait les lieux pour s'y être rendue à plusieurs reprises afin de décharger des marchandises avec son époux, notamment les 12 et 20 octobre 2006, était nécessairement informée des particularités de cet équipement répandu et des précautions qu'il requiert, alors, au surplus, que son embarcation stationnant au même endroit depuis trois jours, elle avait nécessairement utilisé cette échelle au cours des jours précédents. Si les requérants invoquent la méconnaissance des directives du Bureau international du travail relatives à la sécurité dans les ports, lesquelles mentionnent la nécessité d'un accès sûr " au quai ", ces recommandations sont en tout état de cause dépourvues de valeur contraignante. Au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction que ces recommandations auraient été méconnues en l'espèce. De même, si les requérants invoquent la méconnaissance de normes ISO, de la réglementation européenne et du décret n° 2004-924 du 1er septembre 2004 relatif à l'utilisation des équipements de travail mis à disposition pour des travaux temporaires en hauteur et modifiant le code du travail et le décret du 8 janvier 1965, ils ne démontrent pas que l'ouvrage en cause entrerait dans leur champ d'application et ne précisent pas quelles en seraient les dispositions méconnues.
8. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction, en particulier des photographies versées aux débats, que l'échelle litigieuse était détériorée ou mal entretenue, ou que les crosses susmentionnées étaient inutilisables.
9. Dans ces conditions, il résulte de ce qui précède que l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'absence de vice de conception de cet ouvrage public et plus généralement de son entretien normal.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir invoquée par le Port autonome de Paris, que les consorts H... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à la condamnation du Port autonome de Paris et de son assureur à les indemniser de l'accident dont a été victime Mme H... le 5 novembre 2006 et a mis à leur charge les frais d'expertise. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants et la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, tendant à la condamnation du Port autonome de Paris et de son assureur, doivent être rejetées, y compris celles relatives à l'indemnité forfaitaire de gestion mentionnée à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Sur les conclusions du Port autonome de Paris :
11. Le présent arrêt n'aggrave pas la situation du Port autonome de Paris. Par suite, ses conclusions tendant à ce que la société Allianz Iard soit condamnée à le garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin de déclaration de jugement commun :
12. La caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, la RAM de la batellerie, la société Réunica et le régime social des indépendants Ile-de-France Centre ayant la qualité de partie à l'instance, les conclusions des consorts H... aux fins de déclaration de jugement commun sont sans objet et doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du Port autonome de Paris et de la société Allianz Iard, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement des sommes que les consorts H..., la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants et la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du Port autonome de Paris tendant à l'application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête présentée par les consorts H... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs, du Port autonomes de Paris, de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne et de la société Allianz Iard sont rejetées.
N° 17VE01304 2