Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 27/12/2019, 422558
Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 27/12/2019, 422558
Conseil d'État - 3ème - 8ème chambres réunies
- N° 422558
- ECLI:FR:CECHR:2019:422558.20191227
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
vendredi
27 décembre 2019
- Rapporteur
- M. Géraud Sajust de Bergues
- Avocat(s)
- SCP LE BRET-DESACHE
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiées (SAS) Univer'sel a demandé au tribunal administratif de Nancy la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2011 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1501127 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 16NC01877 du 5 juin 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par la SAS Univer'sel contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juillet et 16 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SAS Univer'sel demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Univer'sel ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société par actions simplifiée (SAS) Univer'sel, créée le 4 octobre 2010, qui exerce une activité de négoce de sel de déneigement à destination d'entreprises et de collectivités locales ainsi qu'une activité accessoire de vente de paillis de bois, a installé son siège social dans un local situé dans la zone franche urbaine du quartier du Haut-Lièvre de la commune de Maxéville (Meurthe-et-Moselle). Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 4 octobre 2010 au 31 décembre 2011, à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2011, le bénéfice du régime d'exonération prévu par les dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts en faveur des contribuables créant ou exerçant une activité dans une zone franche urbaine. La SAS Univer'sel a demandé au tribunal administratif de Nancy la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie et des pénalités dont elles ont été assorties. Par un jugement du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande. La SAS Univer'sel se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 juin 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel qu'elle a formé contre ce jugement.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 44 octies A du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I.- Les contribuables qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, créent des activités dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, ainsi que ceux qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, exercent des activités dans les zones franches urbaines définies au deuxième alinéa du B du 3 de l'article 42 de la même loi sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone (...) jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début de leur activité dans l'une de ces zones. (...) / Pour bénéficier de l'exonération, l'entreprise doit répondre cumulativement aux conditions suivantes : / a) Elle doit employer au plus cinquante salariés au 1er janvier 2006 ou à la date de sa création ou de son implantation si elle est postérieure et soit avoir réalisé un chiffre d'affaires n'excédant pas 10 millions d'euros au cours de l'exercice, soit avoir un total de bilan n'excédant pas 10 millions d'euros ; / b) Son capital ou ses droits de vote ne doivent pas avoir été détenus, directement ou indirectement, à hauteur de 25 % ou plus par une entreprise ou conjointement par plusieurs entreprises dont l'effectif salarié dépasse deux cent cinquante salariés et dont le chiffre d'affaires hors taxe excède 50 millions d'euros ou dont le total du bilan annuel excède 43 millions d'euros. (...) / c) Son activité principale (...) ne doit pas relever des secteurs de la construction automobile, de la construction navale, de la fabrication de fibres textiles artificielles ou synthétiques, de la sidérurgie ou des transports routiers de marchandises ; d) Son activité doit être une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 et du 5° du I de l'article 35 ou une activité professionnelle non commerciale au sens du I de l'article 92. (...) / (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que, pour pouvoir bénéficier du régime d'exonération qu'elles instituent, une entreprise doit exercer une activité dans une zone franche urbaine et doit y disposer des moyens d'exploitation nécessaires à cette activité.
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que la SAS Univer'sel n'était pas éligible à l'exonération prévue par cet article, la cour administrative d'appel a relevé que, si le local situé en zone franche urbaine où était installé son siège social accueillait son unique salariée, secrétaire commerciale en charge d'activités commerciales et administratives, d'une part, il était constant que le stockage des marchandises commercialisées par la société et l'ensemble de l'activité logistique étaient sous-traités à deux sociétés établies en dehors de la zone franche urbaine, d'autre part, il ne résultait pas de l'instruction que les locaux de la société accueillaient des clients ou que son président y exerçait son activité. En en déduisant que la SAS Univer'sel ne pouvait être regardée comme disposant en zone franche urbaine d'une implantation matérielle et de moyens d'exploitation lui permettant d'y exercer effectivement son activité, la cour administrative d'appel n'a ni commis d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits.
5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes du II de l'article 44 octies A du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque le contribuable n'exerce pas l'ensemble de son activité dans une zone franche urbaine, le bénéfice exonéré est déterminé en affectant le montant résultant du calcul ainsi effectué du rapport entre, d'une part, la somme des éléments d'imposition à la cotisation foncière des entreprises définis à l'article 1467 afférents à l'activité exercée dans les zones franches urbaines et relatifs à la période d'imposition des bénéfices et, d'autre part, la somme des éléments d'imposition à la cotisation foncière des entreprises du contribuable définis au même article pour ladite période. (...) " Aux termes de l'article 49 M du même code : " Pour l'application du sixième alinéa du II de l'article 44 octies ou du sixième alinéa de l'article 44 octies A du code général des impôts, le contribuable est réputé avoir exercé l'ensemble de son activité dans les zones franches urbaines s'il n'a pas disposé, en dehors de ces zones et au cours de l'année ou de l'exercice considéré, d'immobilisations au sens du 1° de l'article 1467 du code général des impôts ". Ces dispositions ont pour seul objet de déterminer les modalités de l'exonération prévue par cet article pour un contribuable qui ne réalise pas l'ensemble de ses activités dans une zone franche urbaine mais ne sauraient dispenser ce contribuable de justifier, au préalable, qu'il exerce effectivement une activité dans une telle zone.
6. D'autre part, aux termes du point 27 de l'instruction fiscale publiée au BOI sous le n°4A-1-07 du 6 février 2007 : " Une entreprise est implantée en ZFU [zone franche urbaine] si elle remplit cumulativement les conditions suivantes (...) : / - disposer d'une implantation matérielle située en ZFU. L'entreprise peut être propriétaire ou locataire de ce local professionnel ; / - disposer en ZFU des moyens d'exploitation relatifs à l'activité qui y est exercée ; / - exercer une activité effective en ZFU. Il n'est pas requis de réaliser l'ensemble de l'activité dans les zones franches. Le contribuable peut également être établi en dehors des ZFU ou intervenir auprès de clients situés en dehors de ces zones ". C'est sans méconnaître sa portée que la cour a jugé que cette instruction ne comportait pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle qui est énoncée au point 5 et qu'elle en a déduit qu'elle ne pouvait être utilement invoquée par la SAS Univer'sel dès lors que celle-ci ne justifiait pas exercer effectivement une activité en zone franche urbaine.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Univer'sel n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la SAS Univer'sel au titre des frais non compris dans les dépens.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la SAS Univer'sel est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Univer'sel et au ministre de l'action et des comptes publics.