Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 24/12/2019, 423168

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 2 avril 2015 par laquelle le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a refusé de lui verser une indemnité de départ volontaire, d'enjoindre au ministre de lui verser cette indemnité d'un montant de 110 060,44 euros et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 100 000 euros en réparation du préjudice subi. Par un jugement n° 1600799 du 9 mars 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 17PA01569 du 12 juin 2018, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 août et 14 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2008-368 du 17 avril 2008 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Sirinelli, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat de M. A... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 décembre 2019, présentée par M. A... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., ingénieur du génie rural, des eaux et des forêts, a été placé, sur sa demande, en disponibilité pour convenances personnelles à compter du mois de novembre 2000. En juin 2011, il a sollicité, sans succès, le versement de l'indemnité de départ volontaire en application du décret du 17 avril 2008 instituant cette indemnité. Il a renouvelé sa demande le 26 décembre 2014, qui a été rejetée par une décision du 2 avril 2015 du ministre de l'agriculture. M. A... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant, à titre principal, à l'annulation de la décision du 2 avril 2015 et, à titre subsidiaire, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi. Par un jugement du 9 mars 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 12 juin 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'il a formé contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article 3 du décret du 17 avril 2008 instituant une indemnité de départ volontaire, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) l'indemnité de départ volontaire peut être attribuée aux agents mentionnés à l'article 1er qui quittent définitivement la fonction publique de l'Etat pour créer ou reprendre une entreprise au sens de l'article L. 351-24 du code du travail. / (...) L'agent dispose d'un délai de six mois pour communiquer aux services de l'Etat le K bis attestant de l'existence juridique de l'entreprise qu'il crée ou reprend. Il devra transmettre, à l'issue du premier exercice, les pièces justificatives permettant de vérifier la réalité de l'activité de l'entreprise (...) ". Aux termes de l'article L. 351-24 du code du travail : " L'Etat peut accorder les aides mentionnées à l'article L. 161-1-1 du code de la sécurité sociale (...) lorsqu'elles créent ou reprennent une activité économique industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, soit à titre individuel, soit sous la forme d'une société, à condition d'en exercer effectivement le contrôle, ou entreprennent l'exercice d'une autre profession non salariée ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'indemnité de départ volontaire ne peut être attribuée qu'aux agents qui la demandent avant de créer ou reprendre une entreprise.

4. Pour estimer que M. A... ne pouvait prétendre au bénéfice de l'indemnité de départ volontaire, la cour administrative d'appel de Paris a jugé que seuls les agents qui créent ou reprennent une entreprise après avoir définitivement quitté la fonction publique de l'Etat peuvent en bénéficier, puis a relevé que M. A... avait créé son entreprise d'expertise-comptable et de commissaire aux comptes dès le 26 avril 2013, alors qu'il n'avait pas quitté définitivement la fonction publique. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en exigeant, pour pouvoir bénéficier de l'indemnité de départ volontaire, que le départ définitif de la fonction publique soit préalable à la création de l'entreprise, la cour a, par un arrêt en outre insuffisamment motivé, commis une erreur de droit.

5. Les conclusions indemnitaires présentées à titre subsidiaire par M. A... devant la cour tendaient à la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait du refus de l'Etat de lui accorder l'indemnité de départ volontaire qu'il sollicite. Il en résulte, sans qu'il soit besoin d'examiner le dernier moyen du pourvoi, que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué dans son ensemble.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. A..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 12 juin 2018 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et au ministre de l'action et des comptes publics.

ECLI:FR:CECHR:2019:423168.20191224
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