Conseil d'État, 10ème chambre, 20/12/2019, 423407, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, 10ème chambre, 20/12/2019, 423407, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 10ème chambre
- N° 423407
- ECLI:FR:CECHS:2019:423407.20191220
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
vendredi
20 décembre 2019
- Rapporteur
- M. Laurent Roulaud
- Avocat(s)
- SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP JEAN-PHILIPPE CASTON
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 décembre 2015 par lequel le maire de Fréjus a délivré à la société " Logis familial varois " un permis de construire en vue de la réalisation d'un ensemble de deux bâtiments comportant des logements locatifs sociaux sur un terrain situé rue du Malbousquet. Par un jugement n° 1601695 du 19 juin 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 août 2018, 20 novembre 2018 et 11 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Fréjus la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laurent Roulaud, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. et Mme B... et à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société " Logis familial varois " ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... demandent l'annulation du jugement du 19 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 16 décembre 2015 par lequel le maire de Fréjus a accordé un permis de construire à la société HLM " Logis familial varois " en vue de l'édification de deux immeubles comportant quarante-quatre logements locatifs sociaux.
Sur la compétence du Conseil d'Etat :
2. Aux termes de l'article R. 811-1-1 du code de justice administrative issu du décret du 1er octobre 2013 relatif au contentieux de l'urbanisme, les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours, introduits entre le 1er décembre 2013 et le 1er décembre 2018, dirigés " contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d'habitation ou contre les permis d'aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d'une des communes mentionnées à l'article 232 du code général des impôts et son décret d'application ".
3. D'une part, la commune de Fréjus figure sur la liste annexée au décret du 10 mai 2013 relatif au champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l'article 232 du code général des impôts et la demande de M. et Mme B... a été introduite devant le tribunal administratif le 9 juin 2016. D'autre part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le permis de construire litigieux, qui autorise l'édification de deux immeubles exclusivement destinés à recevoir quarante-quatre logements locatifs sociaux, porte sur un bâtiment à usage principal d'habitation au sens de l'article R. 811-1-1 du code de justice administrative.
4. Il résulte de ce qui précède que le jugement du 19 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulon a statué sur la demande de M. et Mme B... a été rendu en dernier ressort et que, dès lors, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, en qualité de juge de cassation, du pourvoi dont il est frappé.
Sur le pourvoi en cassation :
5. Aux termes de l'article UB 10 du règlement du plan local d'urbanisme de Fréjus relatif à la hauteur maximale des constructions, dans sa rédaction applicable au litige : " 1 - Conditions de mesure (...) / 2 - Hauteur absolue / a) La hauteur des constructions, mesurée dans les conditions définies ci-dessus, ne peut excéder (...) / b) Non réglementée pour les constructions ou installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif (...) ; ". Il résulte de ces dispositions que, dans cette zone, les prescriptions de hauteur maximale ne sont pas opposables aux constructions relevant de la catégorie des constructions ou installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif.
6. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance par le projet litigieux des prescriptions limitant la hauteur des constructions à 9 mètres, le tribunal administratif a relevé que la réalisation de ce projet portant création de logements sociaux poursuivait un objectif d'intérêt général, en ce qu'il visait à améliorer les conditions d'habitat des personnes de ressources modestes ou défavorisées, participait à la mise en oeuvre du droit au logement, contribuait à la mixité sociale et répondait au besoin de la commune de rattraper son retard au regard des objectifs fixés par la loi en matière d'offre de logements sociaux. En déduisant de ces éléments que ces immeubles d'habitation, qui n'ont vocation qu'à accueillir des logements individuels, devaient être regardés comme des constructions d'intérêt collectif au sens des dispositions précitées, le tribunal administratif de Toulon a inexactement qualifié les faits soumis à son appréciation.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que M. et Mme B... sont fondés à demander l'annulation du jugement qu'ils attaquent.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Fréjus la somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. et Mme B... qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 19 juin 2018 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Toulon.
Article 3 : La commune de Fréjus versera la somme de 3 000 euros à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société " Logis familial varois " au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à Mme C... B..., à la société "Logis familial varois" et à la commune de Fréjus.
ECLI:FR:CECHS:2019:423407.20191220
M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 décembre 2015 par lequel le maire de Fréjus a délivré à la société " Logis familial varois " un permis de construire en vue de la réalisation d'un ensemble de deux bâtiments comportant des logements locatifs sociaux sur un terrain situé rue du Malbousquet. Par un jugement n° 1601695 du 19 juin 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 août 2018, 20 novembre 2018 et 11 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Fréjus la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laurent Roulaud, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. et Mme B... et à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société " Logis familial varois " ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... demandent l'annulation du jugement du 19 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 16 décembre 2015 par lequel le maire de Fréjus a accordé un permis de construire à la société HLM " Logis familial varois " en vue de l'édification de deux immeubles comportant quarante-quatre logements locatifs sociaux.
Sur la compétence du Conseil d'Etat :
2. Aux termes de l'article R. 811-1-1 du code de justice administrative issu du décret du 1er octobre 2013 relatif au contentieux de l'urbanisme, les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours, introduits entre le 1er décembre 2013 et le 1er décembre 2018, dirigés " contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d'habitation ou contre les permis d'aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d'une des communes mentionnées à l'article 232 du code général des impôts et son décret d'application ".
3. D'une part, la commune de Fréjus figure sur la liste annexée au décret du 10 mai 2013 relatif au champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l'article 232 du code général des impôts et la demande de M. et Mme B... a été introduite devant le tribunal administratif le 9 juin 2016. D'autre part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le permis de construire litigieux, qui autorise l'édification de deux immeubles exclusivement destinés à recevoir quarante-quatre logements locatifs sociaux, porte sur un bâtiment à usage principal d'habitation au sens de l'article R. 811-1-1 du code de justice administrative.
4. Il résulte de ce qui précède que le jugement du 19 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulon a statué sur la demande de M. et Mme B... a été rendu en dernier ressort et que, dès lors, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, en qualité de juge de cassation, du pourvoi dont il est frappé.
Sur le pourvoi en cassation :
5. Aux termes de l'article UB 10 du règlement du plan local d'urbanisme de Fréjus relatif à la hauteur maximale des constructions, dans sa rédaction applicable au litige : " 1 - Conditions de mesure (...) / 2 - Hauteur absolue / a) La hauteur des constructions, mesurée dans les conditions définies ci-dessus, ne peut excéder (...) / b) Non réglementée pour les constructions ou installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif (...) ; ". Il résulte de ces dispositions que, dans cette zone, les prescriptions de hauteur maximale ne sont pas opposables aux constructions relevant de la catégorie des constructions ou installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif.
6. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance par le projet litigieux des prescriptions limitant la hauteur des constructions à 9 mètres, le tribunal administratif a relevé que la réalisation de ce projet portant création de logements sociaux poursuivait un objectif d'intérêt général, en ce qu'il visait à améliorer les conditions d'habitat des personnes de ressources modestes ou défavorisées, participait à la mise en oeuvre du droit au logement, contribuait à la mixité sociale et répondait au besoin de la commune de rattraper son retard au regard des objectifs fixés par la loi en matière d'offre de logements sociaux. En déduisant de ces éléments que ces immeubles d'habitation, qui n'ont vocation qu'à accueillir des logements individuels, devaient être regardés comme des constructions d'intérêt collectif au sens des dispositions précitées, le tribunal administratif de Toulon a inexactement qualifié les faits soumis à son appréciation.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que M. et Mme B... sont fondés à demander l'annulation du jugement qu'ils attaquent.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Fréjus la somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. et Mme B... qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 19 juin 2018 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Toulon.
Article 3 : La commune de Fréjus versera la somme de 3 000 euros à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société " Logis familial varois " au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à Mme C... B..., à la société "Logis familial varois" et à la commune de Fréjus.