CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 17/12/2019, 19BX03391, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 2 août 2019 par lequel le préfet des Landes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans.

Par courrier du 13 août 2019, le préfet des Landes a informé le tribunal de ce que M. A... B... était susceptible d'être prochainement libéré du centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan.

Par un jugement n° 1901786 du 20 août 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté en tant qu'il fait obligation à M. A... B... de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans.






Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 août 2019, le préfet des Landes demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau du 20 août 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de Pau.

Il soutient que :
- pour apprécier la condition de résidence habituelle en France, les années passées en détention ne peuvent pas être prises en compte ;
- les autres moyens soulevés par M. A... B... en première instance ne sont pas fondés.

Par deux mémoires, enregistrés le 29 octobre et le 15 novembre 2019, M. A... B..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que :
- sa résidence habituelle en France depuis l'âge de 9 ans est établie ; et si les années d'incarcération peuvent être exclues, cela ne remet pas en cause les années de résidence habituelles précédant l'incarcération ;
- il reprend en appel les moyens soulevés devant le tribunal administratif.

Par ordonnance du 30 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 novembre 2019 à 12 heures.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 21 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant marocain né le 15 mars 1996, est entré sur le territoire français en 2005 à l'âge de 9 ans. Par arrêté du 2 août 2019, le préfet des Landes a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans. Le préfet des Landes relève appel du jugement du 20 août 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a, à la demande de M. A... B..., annulé cet arrêté en tant qu'il lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Pour annuler l'arrêté du 2 août 2019, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Pau s'est fondé sur la circonstance tirée de ce que M. A... B... résidant habituellement en France depuis 2005, il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ".
4. Il n'est pas contesté que M. B... est entré en France en 2005 à l'âge de 9 ans, y réside et y a été scolarisé dès cette date. Sa détention du 22 mars 2016 au 22 mars 2018 ne remet pas en cause le caractère habituel de sa résidence en France. Dès lors, il entrait bien dans le champ des dispositions du 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne pouvait donc faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Landes n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé son arrêté du 2 août 2019 en tant qu'il porte obligation de quitter sans délai le territoire français, fixation du pays à destination duquel il sera renvoyé et interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me C..., avocat de M. A... B..., en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, ce versement entraînant renonciation de la part de Me C... à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.



DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet des Landes est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me C..., avocat de M. A... B..., une somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me C.... Copie en sera adressée au préfet des Landes.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
M. Romain Roussel, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 17 décembre 2019.

Le rapporteur,
Romain RousselLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX03391



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