CAA de NANCY, 3ème chambre, 19/11/2019, 17NC02882-17NC02986, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANCY, 3ème chambre, 19/11/2019, 17NC02882-17NC02986, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANCY - 3ème chambre
- N° 17NC02882-17NC02986
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mardi
19 novembre 2019
- Président
- M. WURTZ
- Rapporteur
- M. Stéphane BARTEAUX
- Avocat(s)
- SCP XAVIER IOCHUM
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Neufbourg Coiffeurs a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 13 mai 2016 par laquelle le directeur régional adjoint des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi d'Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine a suspendu le contrat d'apprentissage de Mme E....
La société Neufbourg Coiffeurs a également demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 27 mai 2016 par laquelle le directeur régional adjoint des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi d'Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine a refusé de prononcer la reprise du contrat d'apprentissage de Mme E....
La société Neufbourg Coiffeurs a enfin demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 31 mai 2016 par laquelle le directeur régional adjoint des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi d'Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine lui a refusé le recrutement d'apprentis et de jeunes sous contrat d'insertion en alternance pour une durée de cinq ans.
Par un jugement no 1603967, 1604249 du 18 octobre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions des 13 et 27 mai 2016.
Par un jugement no 1604267 du 18 octobre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 31 mai 2016.
Procédure devant la cour :
I.- Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 novembre 2017 et le 17 octobre 2019, sous le n° 17NC02882, la société Neufbourg Coiffeurs, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg no 1603967, 1604249 du 18 octobre 2017 ;
2°) d'annuler les décisions des 13 et 27 mai 2016 par lesquelles le directeur régional adjoint des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi d'Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine a respectivement suspendu le contrat d'apprentissage de Mme E... puis refusé la reprise de ce contrat d'apprentissage ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de suspension contestée a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- la décision de suspension est entachée d'une erreur de fait ; les allégations de l'apprentie et le risque d'atteinte à sa santé ou à son intégrité physique ou morale ne sont pas établis ;
- la décision du 13 mai 2016 comporte une erreur dans ses visas ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu ;
- les décisions contestées, qui reposent sur les seules déclarations de l'apprentie, sont entachées d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2019, Mme G... E..., représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Neufbourg Coiffeurs en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
II.- Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 décembre 2017 et le 17 octobre 2019, sous le n° 17NC02986, la société Neufbourg Coiffeurs, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg no 1604267 du 18 octobre 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 31 mai 2017 par laquelle le directeur régional adjoint des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi d'Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine lui a refusé le recrutement d'apprentis et de jeunes sous contrat d'insertion en alternance pour une durée de cinq ans ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 31 mai 2016 comporte une erreur dans ses visas ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu ;
- les décisions contestées, qui reposent sur les seules déclarations de l'apprentie, sont entachées d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F...,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,
- et les observations de Me D... pour la société Neufbourg Coiffeurs.
Considérant ce qui suit :
1. La société Neufbourg Coiffeurs, qui exerce une activité de salon de coiffure, a conclu le 4 juin 2015 un contrat d'apprentissage de deux ans avec Mme E.... Le 21 avril 2016, cette apprentie a alerté les services de l'inspection du travail de l'unité départementale de la Moselle des difficultés qu'elle rencontrait dans l'exécution de son contrat à l'origine d'une dégradation de son état de santé. A la suite d'une enquête, le directeur régional adjoint des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine a, par une décision du 13 mai 2016, suspendu le contrat d'apprentissage de Mme E.... Par une seconde décision du 27 mai 2016, le DIRECCTE a refusé la reprise du contrat d'apprentissage sur le fondement de l'article L. 6225-5 du code du travail. Enfin, par une décision du 31 mai 2016, l'administration a prononcé l'interdiction, pour cette société, de recruter des apprentis et des jeunes sous contrat d'insertion en alternance pour une durée de cinq ans.
2. Par un premier jugement du 18 octobre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les demandes de la société Neufbourg Coiffeurs tendant à l'annulation des décisions de suspension du contrat d'apprentissage et de refus de reprise de ce contrat. Par un second jugement du même jour, le tribunal administratif de Strasbourg a également rejeté la demande d'annulation de la décision du 31 mai 2016 portant refus de recrutement d'apprentis et de jeunes sous contrat d'insertion en alternance pour une durée de cinq ans. La société Neufbourg Coiffeurs fait appel de ces jugements.
3. Les requêtes enregistrées sous les n° 17NC02882 et n° 17NC02986 concernent la situation de la même société et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé des jugements :
En ce qui concerne le jugement n° 1603967, 1604249 :
4. En premier lieu, il ressort des termes mêmes des décisions contestées qu'elles visent un contrat d'apprentissage conclu le 4 juin 2015 entre Mme E... et " M. B..., gérant de la société Neufbourg Coiffeurs - Salon " Jacques B... " ". Ainsi, l'administration a pris en compte que le contrat était conclu avec M. B... en sa qualité de gérant de la société et non à titre personnel. Par suite, les décisions en litige des 13 et 27 mai 2016 ne comportent pas l'erreur matérielle alléguée.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. /A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Les mesures de suspension du contrat d'apprentissage et de refus de reprise de ce contrat prises en application des articles L. 6225-4, L. 6225-5 et R. 6225-9 du code du travail constituent des mesures de police prises dans l'intérêt de l'apprenti, qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.
6. La décision du 13 mai 2016, après avoir rappelé les déclarations de l'apprentie, mentionne que les brimades commises par l'employeur à l'encontre des salariées en présence des clientes et l'impossibilité de déjeuner en raison d'un temps de pause insuffisant ont été confirmées au cours de l'enquête par plusieurs salariées ou anciennes salariées. Elle ajoute également que l'employeur ne valorisait jamais ses employées qu'il rabaissait la plupart du temps, conduisant au moins trois d'entre elles, dont Mme E..., à être mises en arrêt de maladie.
7. Quant à la décision du 27 mai 2016 portant refus de reprise du contrat d'apprentissage, elle mentionne que les faits reprochés à l'employeur ont été confirmés par d'anciennes apprenties ayant travaillé entre 2009 et 2010 dans le salon de coiffure et reprend les faits énoncés dans la décision du 13 mai 2016 en y ajoutant des dépassements d'horaires importants et l'empêchement de suivre les cours au centre de formation pour assister notamment aux réunions de travail les lundis.
8. Ces deux décisions, qui caractérisent notamment le risque d'atteinte à la santé physique ou morale de l'apprentie, comportent ainsi les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions contestées doit être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 6225-4 du code du travail : " En cas de risque sérieux d'atteinte à la santé ou à l'intégrité physique ou morale de l'apprenti, l'inspecteur du travail ou le fonctionnaire de contrôle assimilé propose au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi la suspension du contrat d'apprentissage (...) ". Aux termes de l'article L. 6225-5 du même code : " Dans le délai de quinze jours à compter du constat de l'agent de contrôle, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi se prononce sur la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage. / Le refus d'autoriser la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage entraîne la rupture de ce contrat à la date de notification du refus aux parties (...) ". Aux termes de l'article R. 6225-9 du même code : " En application de l'article L. 6225-4, l'inspecteur du travail propose la suspension de l'exécution du contrat d'apprentissage, après qu'il ait été procédé, lorsque les circonstances le permettent, à une enquête contradictoire. Il en informe sans délai l'employeur et adresse cette proposition au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. / Ce dernier se prononce sans délai et, le cas échéant, dès la fin de l'enquête contradictoire ".
10. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) ".
11. Comme il a été dit au paragraphe 5, les mesures de suspension du contrat d'apprentissage et de refus de reprise de ce contrat prises en application des articles L. 6225-4, L. 6225-5 et R. 6225-9 du code du travail doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Les dispositions du code du travail qui leur sont applicables ne prévoyant pas de procédure contradictoire autre que, s'agissant de la mesure de suspension, l'organisation lorsque les circonstances le permettent d'une enquête contradictoire et l'information adressée à l'employeur de la proposition de suspension, ces mesures entrent dans le champ d'application de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration qui impliquent que l'autorité administrative, avant de les prononcer, mette à même la personne intéressée de présenter des observations écrites et, le cas échéant, des observations orales. Elles .n'impliquent pas en revanche de l'informer de la faculté de se faire assister ou représenter par un mandataire de son choix.
12. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport du 13 mai 2016, que le gérant du salon de coiffure, ainsi d'ailleurs que son épouse, a été entendu par l'inspecteur du travail le 26 avril et le 4 mai 2016, préalablement à la décision de suspension du contrat d'apprentissage, notamment sur le respect de la pause de déjeuner des salariés, les traitements dégradants dont se plaignait Mme E... et les conditions de formation. Ainsi, la société requérante a été mise en mesure de présenter ses observations. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la décision de suspension du 13 mai 2016 a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire.
13. En revanche, il n'est ni établi ni même soutenu que l'employeur aurait été informé que la décision de suspension pourrait être suivie, dans les quinze jours, d'une décision de refus de reprise du contrat d'apprentissage de Mme E..., ni, malgré une demande de sa part du 25 mai 2016, que l'administration lui aurait fait part des éléments complémentaires recueillis dans le cadre de l'enquête qui s'est poursuivie au-delà du 13 mai 2016. Par suite, la société Neufbourg Coiffeurs, qui n'a pas été mise à même de formuler des observations préalablement à l'édiction de cette seconde décision du 27 mai 2016, est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance du contradictoire.
14. En dernier lieu, la société requérante conteste avoir tenu des propos dégradants à l'encontre de Mme E... et n'avoir pas respecté le temps de pause du personnel, notamment celui destiné aux repas. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment du rapport établi par l'inspecteur du travail à la suite de son enquête, qu'une salariée et une ancienne salariée, présentes, au cours de la même période que Mme E..., ont fait état de propos désobligeants tenus à leur encontre par le gérant de la société Neufbourg Coiffeurs devant les clientes ainsi que de l'accomplissement fréquent de journées continues de 8 heures à 19 heures, avec un temps de pause méridienne insuffisant pour déjeuner. Par ailleurs, le médecin traitant de Mme E... a déclaré que, par crainte du gérant, celle-ci venait le consulter en cachant son visage par un voile et sortait de son cabinet par une porte dérobée. Il a également indiqué avoir entendu l'épouse du gérant, coiffeuse dans le même salon, déclarer, lors d'une altercation avec la soeur de Mme E..., " ta soeur, elle est aussi handicapée que toi ". L'inspectrice du centre de formation, lors de son audition, a déclaré que le gérant avait la réputation d'être très exigeant et que le respect de la pause déjeuner était un problème récurrent au sein des salons de coiffure. Certes, la société requérante produit des attestations établies à sa demande postérieurement à la décision de suspension par des clientes, des anciens apprentis, qui n'étaient au demeurant pas présents au cours de la période en litige, et des salariés ou d'anciens salariés, qui indiquent n'avoir jamais entendu le gérant tenir des propos désobligeants et déclarent que les temps de repos étaient respectés. De plus, dans des attestations établies en 2019, les deux salariées qui avaient été entendues téléphoniquement dans le cadre de l'enquête contradictoire ont démenti les propos que l'inspecteur leur a prêtés dans son rapport. Il n'en demeure pas moins, en admettant même la véracité de leurs dénégations, que l'administration disposait d'un faisceau de faits rendant vraisemblable l'existence d'un risque sérieux d'atteinte à la santé ou à l'intégrité physique ou morale de Mme E... à la date à laquelle la suspension du contrat a été prononcée. Dans ces conditions, eu égard à l'objet de la suspension et à son caractère temporaire, le directeur régional adjoint des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, qui s'est fondé sur des faits suffisamment établis à la date de sa décision, n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que Mme E..., en arrêt de maladie, était exposée à un risque sérieux d'atteinte à sa santé ou à son intégrité physique ou morale de nature à justifier la suspension de son contrat d'apprentissage.
En ce qui concerne le jugement n° 1604267 :
15. Aux termes de l'article L. 6225-6 du code du travail : " La décision de refus du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi peut s'accompagner de l'interdiction faite à l'employeur de recruter de nouveaux apprentis ainsi que des jeunes titulaires d'un contrat d'insertion en alternance, pour une durée qu'elle détermine ".
16. La mesure d'interdiction de recrutement d'apprentis en application de l'article L. 6225-6 du code du travail constitue une mesure de police prise dans l'intérêt des apprentis, qui doit être motivée en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Elle entre donc dans le champ d'application de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration qui implique que l'autorité administrative, avant de prononcer une telle mesure, mettent à même la personne intéressée de présenter des observations écrites et, le cas échéant, des observations orales. Cet article n'implique pas en revanche d'informer l'intéressé de la faculté de se faire assister ou représenter par un mandataire de son choix.
17. Il n'est pas établi par les pièces du dossier que la société Neufbourg Coiffeurs aurait été informée, outre des manquements qui lui étaient reprochés à l'issue de l'enquête contradictoire qui, ainsi qu'il a été indiqué au point 13, s'est poursuivie après le 13 mai 2016, que la décision de refus de reprise du contrat d'apprentissage était susceptible d'être accompagnée d'une interdiction de recruter de nouveaux apprentis ainsi que des jeunes titulaires d'un contrat d'insertion en alternance. Ainsi, elle n'a pas été mise en mesure de présenter des observations. Il s'ensuit qu'elle est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance du contradictoire.
18. Il résulte de tout ce qui précède que la société Neufbourg Coiffeurs est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du 27 mai 2016 et du 31 mai 2016.
Sur les frais de l'instance :
19. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Neufbourg Coiffeurs la somme que Mme E... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, au profit de la société Neufbourg Coiffeurs, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement no 1603967 et 1604249 du 18 octobre 2017 en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 27 mai 2016, et le jugement n° 1604267 du tribunal administratif de Strasbourg sont annulés.
Article 2 : La décision du 27 mai 2016 refusant la reprise du contrat d'apprentissage de Mme E... et celle du 31 mai 2016 portant interdiction de recruter de nouveaux apprentis ainsi que des jeunes titulaires d'un contrat d'insertion en alternance durant cinq ans sont annulées.
Article 3 : L'Etat versera à la société Neufbourg Coiffeurs la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par Mme E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de la société Neufbourg Coiffeurs est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Neufbourg Coiffeurs, à Mme G... E... et à la ministre du travail.
N° 17NC02882, 17NC02986 2
Procédure contentieuse antérieure :
La société Neufbourg Coiffeurs a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 13 mai 2016 par laquelle le directeur régional adjoint des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi d'Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine a suspendu le contrat d'apprentissage de Mme E....
La société Neufbourg Coiffeurs a également demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 27 mai 2016 par laquelle le directeur régional adjoint des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi d'Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine a refusé de prononcer la reprise du contrat d'apprentissage de Mme E....
La société Neufbourg Coiffeurs a enfin demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 31 mai 2016 par laquelle le directeur régional adjoint des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi d'Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine lui a refusé le recrutement d'apprentis et de jeunes sous contrat d'insertion en alternance pour une durée de cinq ans.
Par un jugement no 1603967, 1604249 du 18 octobre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions des 13 et 27 mai 2016.
Par un jugement no 1604267 du 18 octobre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 31 mai 2016.
Procédure devant la cour :
I.- Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 novembre 2017 et le 17 octobre 2019, sous le n° 17NC02882, la société Neufbourg Coiffeurs, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg no 1603967, 1604249 du 18 octobre 2017 ;
2°) d'annuler les décisions des 13 et 27 mai 2016 par lesquelles le directeur régional adjoint des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi d'Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine a respectivement suspendu le contrat d'apprentissage de Mme E... puis refusé la reprise de ce contrat d'apprentissage ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de suspension contestée a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- la décision de suspension est entachée d'une erreur de fait ; les allégations de l'apprentie et le risque d'atteinte à sa santé ou à son intégrité physique ou morale ne sont pas établis ;
- la décision du 13 mai 2016 comporte une erreur dans ses visas ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu ;
- les décisions contestées, qui reposent sur les seules déclarations de l'apprentie, sont entachées d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2019, Mme G... E..., représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Neufbourg Coiffeurs en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
II.- Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 décembre 2017 et le 17 octobre 2019, sous le n° 17NC02986, la société Neufbourg Coiffeurs, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg no 1604267 du 18 octobre 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 31 mai 2017 par laquelle le directeur régional adjoint des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi d'Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine lui a refusé le recrutement d'apprentis et de jeunes sous contrat d'insertion en alternance pour une durée de cinq ans ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 31 mai 2016 comporte une erreur dans ses visas ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu ;
- les décisions contestées, qui reposent sur les seules déclarations de l'apprentie, sont entachées d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F...,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,
- et les observations de Me D... pour la société Neufbourg Coiffeurs.
Considérant ce qui suit :
1. La société Neufbourg Coiffeurs, qui exerce une activité de salon de coiffure, a conclu le 4 juin 2015 un contrat d'apprentissage de deux ans avec Mme E.... Le 21 avril 2016, cette apprentie a alerté les services de l'inspection du travail de l'unité départementale de la Moselle des difficultés qu'elle rencontrait dans l'exécution de son contrat à l'origine d'une dégradation de son état de santé. A la suite d'une enquête, le directeur régional adjoint des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine a, par une décision du 13 mai 2016, suspendu le contrat d'apprentissage de Mme E.... Par une seconde décision du 27 mai 2016, le DIRECCTE a refusé la reprise du contrat d'apprentissage sur le fondement de l'article L. 6225-5 du code du travail. Enfin, par une décision du 31 mai 2016, l'administration a prononcé l'interdiction, pour cette société, de recruter des apprentis et des jeunes sous contrat d'insertion en alternance pour une durée de cinq ans.
2. Par un premier jugement du 18 octobre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les demandes de la société Neufbourg Coiffeurs tendant à l'annulation des décisions de suspension du contrat d'apprentissage et de refus de reprise de ce contrat. Par un second jugement du même jour, le tribunal administratif de Strasbourg a également rejeté la demande d'annulation de la décision du 31 mai 2016 portant refus de recrutement d'apprentis et de jeunes sous contrat d'insertion en alternance pour une durée de cinq ans. La société Neufbourg Coiffeurs fait appel de ces jugements.
3. Les requêtes enregistrées sous les n° 17NC02882 et n° 17NC02986 concernent la situation de la même société et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé des jugements :
En ce qui concerne le jugement n° 1603967, 1604249 :
4. En premier lieu, il ressort des termes mêmes des décisions contestées qu'elles visent un contrat d'apprentissage conclu le 4 juin 2015 entre Mme E... et " M. B..., gérant de la société Neufbourg Coiffeurs - Salon " Jacques B... " ". Ainsi, l'administration a pris en compte que le contrat était conclu avec M. B... en sa qualité de gérant de la société et non à titre personnel. Par suite, les décisions en litige des 13 et 27 mai 2016 ne comportent pas l'erreur matérielle alléguée.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. /A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Les mesures de suspension du contrat d'apprentissage et de refus de reprise de ce contrat prises en application des articles L. 6225-4, L. 6225-5 et R. 6225-9 du code du travail constituent des mesures de police prises dans l'intérêt de l'apprenti, qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.
6. La décision du 13 mai 2016, après avoir rappelé les déclarations de l'apprentie, mentionne que les brimades commises par l'employeur à l'encontre des salariées en présence des clientes et l'impossibilité de déjeuner en raison d'un temps de pause insuffisant ont été confirmées au cours de l'enquête par plusieurs salariées ou anciennes salariées. Elle ajoute également que l'employeur ne valorisait jamais ses employées qu'il rabaissait la plupart du temps, conduisant au moins trois d'entre elles, dont Mme E..., à être mises en arrêt de maladie.
7. Quant à la décision du 27 mai 2016 portant refus de reprise du contrat d'apprentissage, elle mentionne que les faits reprochés à l'employeur ont été confirmés par d'anciennes apprenties ayant travaillé entre 2009 et 2010 dans le salon de coiffure et reprend les faits énoncés dans la décision du 13 mai 2016 en y ajoutant des dépassements d'horaires importants et l'empêchement de suivre les cours au centre de formation pour assister notamment aux réunions de travail les lundis.
8. Ces deux décisions, qui caractérisent notamment le risque d'atteinte à la santé physique ou morale de l'apprentie, comportent ainsi les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions contestées doit être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 6225-4 du code du travail : " En cas de risque sérieux d'atteinte à la santé ou à l'intégrité physique ou morale de l'apprenti, l'inspecteur du travail ou le fonctionnaire de contrôle assimilé propose au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi la suspension du contrat d'apprentissage (...) ". Aux termes de l'article L. 6225-5 du même code : " Dans le délai de quinze jours à compter du constat de l'agent de contrôle, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi se prononce sur la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage. / Le refus d'autoriser la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage entraîne la rupture de ce contrat à la date de notification du refus aux parties (...) ". Aux termes de l'article R. 6225-9 du même code : " En application de l'article L. 6225-4, l'inspecteur du travail propose la suspension de l'exécution du contrat d'apprentissage, après qu'il ait été procédé, lorsque les circonstances le permettent, à une enquête contradictoire. Il en informe sans délai l'employeur et adresse cette proposition au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. / Ce dernier se prononce sans délai et, le cas échéant, dès la fin de l'enquête contradictoire ".
10. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) ".
11. Comme il a été dit au paragraphe 5, les mesures de suspension du contrat d'apprentissage et de refus de reprise de ce contrat prises en application des articles L. 6225-4, L. 6225-5 et R. 6225-9 du code du travail doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Les dispositions du code du travail qui leur sont applicables ne prévoyant pas de procédure contradictoire autre que, s'agissant de la mesure de suspension, l'organisation lorsque les circonstances le permettent d'une enquête contradictoire et l'information adressée à l'employeur de la proposition de suspension, ces mesures entrent dans le champ d'application de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration qui impliquent que l'autorité administrative, avant de les prononcer, mette à même la personne intéressée de présenter des observations écrites et, le cas échéant, des observations orales. Elles .n'impliquent pas en revanche de l'informer de la faculté de se faire assister ou représenter par un mandataire de son choix.
12. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport du 13 mai 2016, que le gérant du salon de coiffure, ainsi d'ailleurs que son épouse, a été entendu par l'inspecteur du travail le 26 avril et le 4 mai 2016, préalablement à la décision de suspension du contrat d'apprentissage, notamment sur le respect de la pause de déjeuner des salariés, les traitements dégradants dont se plaignait Mme E... et les conditions de formation. Ainsi, la société requérante a été mise en mesure de présenter ses observations. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la décision de suspension du 13 mai 2016 a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire.
13. En revanche, il n'est ni établi ni même soutenu que l'employeur aurait été informé que la décision de suspension pourrait être suivie, dans les quinze jours, d'une décision de refus de reprise du contrat d'apprentissage de Mme E..., ni, malgré une demande de sa part du 25 mai 2016, que l'administration lui aurait fait part des éléments complémentaires recueillis dans le cadre de l'enquête qui s'est poursuivie au-delà du 13 mai 2016. Par suite, la société Neufbourg Coiffeurs, qui n'a pas été mise à même de formuler des observations préalablement à l'édiction de cette seconde décision du 27 mai 2016, est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance du contradictoire.
14. En dernier lieu, la société requérante conteste avoir tenu des propos dégradants à l'encontre de Mme E... et n'avoir pas respecté le temps de pause du personnel, notamment celui destiné aux repas. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment du rapport établi par l'inspecteur du travail à la suite de son enquête, qu'une salariée et une ancienne salariée, présentes, au cours de la même période que Mme E..., ont fait état de propos désobligeants tenus à leur encontre par le gérant de la société Neufbourg Coiffeurs devant les clientes ainsi que de l'accomplissement fréquent de journées continues de 8 heures à 19 heures, avec un temps de pause méridienne insuffisant pour déjeuner. Par ailleurs, le médecin traitant de Mme E... a déclaré que, par crainte du gérant, celle-ci venait le consulter en cachant son visage par un voile et sortait de son cabinet par une porte dérobée. Il a également indiqué avoir entendu l'épouse du gérant, coiffeuse dans le même salon, déclarer, lors d'une altercation avec la soeur de Mme E..., " ta soeur, elle est aussi handicapée que toi ". L'inspectrice du centre de formation, lors de son audition, a déclaré que le gérant avait la réputation d'être très exigeant et que le respect de la pause déjeuner était un problème récurrent au sein des salons de coiffure. Certes, la société requérante produit des attestations établies à sa demande postérieurement à la décision de suspension par des clientes, des anciens apprentis, qui n'étaient au demeurant pas présents au cours de la période en litige, et des salariés ou d'anciens salariés, qui indiquent n'avoir jamais entendu le gérant tenir des propos désobligeants et déclarent que les temps de repos étaient respectés. De plus, dans des attestations établies en 2019, les deux salariées qui avaient été entendues téléphoniquement dans le cadre de l'enquête contradictoire ont démenti les propos que l'inspecteur leur a prêtés dans son rapport. Il n'en demeure pas moins, en admettant même la véracité de leurs dénégations, que l'administration disposait d'un faisceau de faits rendant vraisemblable l'existence d'un risque sérieux d'atteinte à la santé ou à l'intégrité physique ou morale de Mme E... à la date à laquelle la suspension du contrat a été prononcée. Dans ces conditions, eu égard à l'objet de la suspension et à son caractère temporaire, le directeur régional adjoint des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, qui s'est fondé sur des faits suffisamment établis à la date de sa décision, n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que Mme E..., en arrêt de maladie, était exposée à un risque sérieux d'atteinte à sa santé ou à son intégrité physique ou morale de nature à justifier la suspension de son contrat d'apprentissage.
En ce qui concerne le jugement n° 1604267 :
15. Aux termes de l'article L. 6225-6 du code du travail : " La décision de refus du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi peut s'accompagner de l'interdiction faite à l'employeur de recruter de nouveaux apprentis ainsi que des jeunes titulaires d'un contrat d'insertion en alternance, pour une durée qu'elle détermine ".
16. La mesure d'interdiction de recrutement d'apprentis en application de l'article L. 6225-6 du code du travail constitue une mesure de police prise dans l'intérêt des apprentis, qui doit être motivée en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Elle entre donc dans le champ d'application de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration qui implique que l'autorité administrative, avant de prononcer une telle mesure, mettent à même la personne intéressée de présenter des observations écrites et, le cas échéant, des observations orales. Cet article n'implique pas en revanche d'informer l'intéressé de la faculté de se faire assister ou représenter par un mandataire de son choix.
17. Il n'est pas établi par les pièces du dossier que la société Neufbourg Coiffeurs aurait été informée, outre des manquements qui lui étaient reprochés à l'issue de l'enquête contradictoire qui, ainsi qu'il a été indiqué au point 13, s'est poursuivie après le 13 mai 2016, que la décision de refus de reprise du contrat d'apprentissage était susceptible d'être accompagnée d'une interdiction de recruter de nouveaux apprentis ainsi que des jeunes titulaires d'un contrat d'insertion en alternance. Ainsi, elle n'a pas été mise en mesure de présenter des observations. Il s'ensuit qu'elle est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance du contradictoire.
18. Il résulte de tout ce qui précède que la société Neufbourg Coiffeurs est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du 27 mai 2016 et du 31 mai 2016.
Sur les frais de l'instance :
19. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Neufbourg Coiffeurs la somme que Mme E... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, au profit de la société Neufbourg Coiffeurs, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement no 1603967 et 1604249 du 18 octobre 2017 en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 27 mai 2016, et le jugement n° 1604267 du tribunal administratif de Strasbourg sont annulés.
Article 2 : La décision du 27 mai 2016 refusant la reprise du contrat d'apprentissage de Mme E... et celle du 31 mai 2016 portant interdiction de recruter de nouveaux apprentis ainsi que des jeunes titulaires d'un contrat d'insertion en alternance durant cinq ans sont annulées.
Article 3 : L'Etat versera à la société Neufbourg Coiffeurs la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par Mme E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de la société Neufbourg Coiffeurs est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Neufbourg Coiffeurs, à Mme G... E... et à la ministre du travail.
N° 17NC02882, 17NC02986 2