CAA de BORDEAUX, 4ème chambre, 14/11/2019, 17BX03499, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 16 mars 2015 par laquelle le préfet de la Charente-Maritime l'a mis en demeure de cesser d'exploiter les parcelles de la SCEA le Pied de Bois.

Par un jugement n° 1501194 du 13 septembre 2017 le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrée le 9 novembre 2017 et le 23 septembre 2019, M. B..., représenté par la SELARL Philippe Queron et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 13 septembre 2017 et la décision d'interdiction d'exploiter du préfet du 16 mars 2015 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.


Il soutient que :
- la mise en demeure aurait dû être adressée à l'EURL La Belise qui détient les parts sociales de la SCEA Le Pied Bois exploitant les parcelles en litige ;
- l'auteur de la décision est incompétent ;
- le préfet a méconnu les dispositions du 1° de l'article L.331-1 du code rural et de la pêche maritime : il ne peut pas se voir regardé comme étant l'exploitant des terres de la SCEA Le Pied Bois alors que celle-ci est détenue par l'EURL La Belise, car l'existence de cette personne morale fait écran alors que l'article L. 331-1 prévoit que les terres doivent être exploitées par la même personne.

Par des mémoires en défense et des pièces complémentaires, enregistrés le 11 septembre 2019, le 10 octobre 2019 et le 11 octobre 2019, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le schéma directeur départemental des structures agricoles de la Charente-Maritime du 6 février 2012 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F... E...,
- et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public ;
- les observations de Me D..., représentant M. B....
Considérant ce qui suit :

1. M. B..., exploitant à titre individuel d'un élevage bovin et porcin sur une superficie de 169 hectares et exploitant et cogérant de la société civile d'exploitation agricole (SCEA) B... Bernard et Florent, sur une superficie de 247 ha, est l'associé unique et gérant de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) La Bélise qui, le 1er janvier 2014, est devenue associée unique et gérante de la SCEA Le Pied Bois, exploitant une superficie de 77 hectares. Le 17 juin 2014, la direction départementale des territoires et de la mer a demandé à M. B... de déposer une demande d'autorisation d'exploiter en son nom propre les parcelles détenues par la SCEA Le Pied Bois afin de régulariser sa situation. Après une mise en demeure restée sans effet, le préfet de la Charente-Maritime a, par la décision attaquée en date du 16 mars 2015, mis en demeure M. B... de cesser d'exploiter les parcelles de la SCEA Le Pied Bois. M. B... interjette appel du jugement en date du 13 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 mars 2015.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté en date du 29 août 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs le 4 septembre 2009, Mme G... A... chef du service " agriculture durable et soutien aux territoires " a reçu délégation à effet de signer les actes relevant de ses attributions, au nombre desquelles, en vertu du XII de l'annexe à l'arrêté figure les décisions relatives aux structures agricoles. Le moyen relatif à l'incompétence de l'auteur de la décision ne peut qu'être écarté.

3. Aux termes de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime applicable aux faits du litige : " Le contrôle des structures des exploitations agricoles s'applique à la mise en valeur des terres agricoles ou des ateliers de production hors sol au sein d'une exploitation agricole, quels que soient la forme ou le mode d'organisation juridique de celle-ci et le titre en vertu duquel la mise en valeur est assurée. (...) ". Aux termes de l'article L. 331-1-1 du même code, en vigueur à la date de la décision attaquée : " Pour l'application du présent chapitre : 1° Est qualifié d'exploitation agricole l'ensemble des unités de production mises en valeur, directement ou indirectement, par la même personne, quels qu'en soient le statut, la forme ou le mode d'organisation juridique, dont les activités sont mentionnées à l'article L. 311-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 331-2 du même code : " I.- Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. (...) ".

4. Aux termes de l'article 93 de la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt : " (...) Jusqu'à l'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles, le contrôle des structures s'applique selon les modalités, les seuils et les critères définis par le schéma directeur des structures agricoles de chaque département. (...) ". Aux termes de l'article 7 de l'arrêté n° 12-355 du 6 février 2012, établissant le schéma directeur départemental des structures agricoles de la Charente-Maritime : " Seuil de contrôle d'agrandissement : le seuil visé à l'article L. 331-I, 1°, est fixé à 1,5 fois l'unité de référence, définie à l'article 6 ci-dessus, soit : 120 ha. ".

5. Il n'est pas contesté que les dispositions de l'article 7 de l'arrêté du 6 février 2012 se réfèrent non pas à l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime, qui ne comporte pas de 1° et ne vise aucun seuil, mais à l'article L. 331-2, dont le 1° du I renvoie au seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles au-delà duquel les agrandissements et réunions d'exploitations agricoles sont soumis à autorisation préalable.

6. Il résulte de ces dispositions que la surface devant être retenue par l'administration pour l'appréciation du seuil de déclenchement du contrôle des structures agricoles doit s'entendre de la somme des surfaces exploitées par la même personne, que ce soit à titre individuel ou en qualité d'associé d'une personne morale.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... exploitait déjà directement 169 hectares et que, par l'intermédiaire de l'EURL La Belise qu'il a constituée lui-même et dont il est l'unique détenteur du capital et le gérant, il a acquis 100 % des parts de la SCEA Le Pied Bois exploitant 77 hectares de terres agricoles. Cet agrandissement d'une exploitation déjà supérieure au seuil de 120 hectares fixé par le schéma directeur départemental des structures agricoles devait ainsi être soumis à autorisation préalable en vertu des dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime, sans que M. B..., entendant également exploiter les terres de la SCEA, ne puisse utilement se prévaloir de ce que ces dernières étaient détenues par son EURL de prise de participation. C'est ainsi à bon droit que le préfet a mis en demeure le requérant de régulariser sa situation en sollicitant une autorisation d'exploitation pour les terres de la SCEA Le Pied Bois.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761- du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.


DECIDE


Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. F... E..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 14 novembre 2019.

Le rapporteur,
Stéphane E...Le président,
Philippe PouzouletLe greffier,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2
N° 17BX03499



Retourner en haut de la page