CAA de NANTES, 5ème chambre, 08/11/2019, 19NT00365, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... et M. K... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 25 mai 2016 par lequel le maire de Plouzané a accordé aux consorts E..., aux consorts du Buit, aux consorts H... et à Mme B... un permis d'aménager portant réalisation d'un lotissement en quinze lots des parcelles cadastrées section BP n° 40, n° 41, n° 42, n° 43, n° 44 et n° 50 situées au lieu-dit Kerezoun.

Par un jugement n° 1603230 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 25 mai 2016 du maire de Plouzané.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 janvier 2019 et 28 juin 2019, la commune de Plouzané, représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 décembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande de MM. F... et K..., le cas échéant, après avoir fait application des dispositions des articles L. 600-5 et/ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

3°) de mettre solidairement à la charge de ces derniers une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le projet de lotissement dit "Kerezoun 4" est situé en continuité d'une agglomération ou d'un village au sens des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;
- le dossier de demande de permis d'aménager était suffisant ;
- le projet ne méconnait pas les dispositions de l'article 3 du plan local d'urbanisme intercommunal ;
- le projet ne méconnait pas les dispositions de l'article 4 du plan local d'urbanisme intercommunal ;
- le projet ne méconnait pas les dispositions de l'article 1AU2 du plan local d'urbanisme intercommunal ;
- le projet ne méconnait pas les dispositions de l'article UH12 du plan local d'urbanisme intercommunal ;
- le projet ne méconnait pas l'orientation d'aménagement et de programmation " Kerezoun-Kerstat ".

La requête a été communiquée aux consorts E..., aux consorts du Buit, aux consorts H... et à Mme B... qui, bien qu'informés de l'obligation de ministère d'avocat, n'ont pas produit de mémoire par avocat.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2019, MM. F... et M. K..., représentés par Me L..., demandent à la cour de rejeter la requête et de condamner la commune de Plouzané au paiement d'une somme de 1 500 € au bénéfice de M. F... et de la même somme au bénéfice de M. K... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.


Un mémoire, enregistré le 11 juillet 2019 et présenté pour MM. F... et K..., n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme J...,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la commune de Plouzané, et de Me N... substituant Me L... pour MM. F... et M. K....

Considérant ce qui suit :

1. Les consorts E..., les consorts du Buit, les consorts H... et Mme B... ont sollicité le 7 mai 2015 la délivrance d'un permis d'aménager en un lotissement de quinze lots les parcelles qu'ils possèdent cadastrées section BP n° 40, n° 41, n° 42, n° 43, n° 44 et n° 50 situées au lieu-dit Kerezoun à Plouzané. Ils ont complété leur demande les 11 juin, 31 juillet, 31 août 2015, 29 avril et 13 mai 2016. Par un arrêté du 25 mai 2016, le maire de Plouzané a délivré le permis d'aménager sollicité. M. F..., Mme I... et M. K..., qui possèdent chacun un terrain au lieu-dit Kerezoun, ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler cet arrêté. Par un arrêté du 6 février 2017, le maire de Plouzané a accordé un permis modificatif aux bénéficiaires de son arrêté du 25 mai 2016. Par un jugement du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 25 mai 2016. La commune de Plouzané fait appel de ce jugement.
Sur la recevabilité du mémoire présenté par les consorts E..., les consorts du Buit, les consorts H... et Mme B... :

2. Aux termes de l'article R. 811-7 du code de justice administrative : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 774-8, les appels ainsi que les mémoires déposés devant la cour administrative d'appel doivent être présentés, à peine d'irrecevabilité, par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2. (...) ". Il ressort des pièces du dossier que les consorts E..., les consorts du Buit, les consorts H... et Mme B... ont présenté le 3 avril 2019 au greffe de la cour un mémoire sans avoir recours au mandataire prévu à l'article R. 811-7 du code de justice administrative, alors que cette obligation était mentionnée dans la notification du jugement attaqué. Ils n'ont pas donné suite à l'invitation qui leur a été faite le 4 avril 2019 par le greffe de la cour de régulariser leurs écritures lesquelles doivent, en conséquence, être écartées des débats.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
3. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ". Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.
4. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet litigieux est inclus dans le secteur de Kérézoun, qui se situe de part et d'autre d'une voie, où sont édifiées plus d'une soixantaine de constructions regroupées, soit un nombre et une densité significatifs de constructions, pouvant ainsi à elles seules être qualifiées de village au sens des dispositions précitées, alors même que ce secteur est séparé du bourg situé au nord par des espaces naturels et des voies. Ainsi, la commune de Plouzané est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme pour annuler le permis d'aménager accordé aux consorts E..., aux consorts du Buit, aux consorts H... et à Mme B....
5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F... et M. K... devant le tribunal administratif de Rennes.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. F... et M. K... à l'encontre du permis d'aménager :
6. En premier lieu, aux termes de l'article article R. 441-3 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le projet d'aménagement comprend une notice précisant : 1° L'état initial du terrain et de ses abords et indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; b) La composition et l'organisation du projet, la prise en compte des constructions ou paysages avoisinants, le traitement minéral et végétal des voies et espaces publics et collectifs et les solutions retenues pour le stationnement des véhicules ; c) L'organisation et l'aménagement des accès au projet ; d) Le traitement des parties du terrain situées en limite du projet ; e) Les équipements à usage collectif et notamment ceux liés à la collecte des déchets. ". Il ressort des pièces du dossier qu'un permis d'aménager modificatif a été délivré le 6 février 2017 et n'a pas été contesté par MM. F... et K.... Ce permis modificatif a complété la notice de présentation du permis initial, avec des éléments suffisants au regard des dispositions précitées. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de demande de permis d'aménager ne peut qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, l'article 3 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) de Brest métropole dispose : " Le nombre des accès sur les voies publiques peut être limité pour des raisons de sécurité. En particulier, lorsque le terrain est desservi par plusieurs voies publiques, les constructions peuvent être autorisées, sous réserve que l'accès soit établi sur la voie où la gêne pour la circulation sera la moindre. La création de nouvel accès sur voie est interdite dès lors que le symbole " interdiction d'accès " figure sur le document graphique N°1. La création de nouvel accès sur voie présentant des problèmes de visibilité est interdite. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que la route de Mescleuziou, dont il n'est pas établi, alors même qu'elle dessert le port du Dellec, qu'elle supporterait un trafic dense, est suffisamment large pour absorber le trafic supplémentaire engendré par le projet et accueillir cinq nouveaux accès, dont quatre sont individuels. En outre, le permis d'aménager prescrit l'installation d'un panneau " Stop " au débouché de la voie de desserte du lotissement sur la route de Mescleuziou. Enfin, un arrêté municipal, édicté antérieurement au permis d'aménager modificatif délivré le 6 février 2017, réduit la vitesse de circulation maximale autorisée sur la route de Mescleuziou de 70 km/h à 50 km/h en raison notamment du passage d'une portion de la voie à double sens et d'une autre portion en impasse. Dès lors, et alors même que les accès en cause sont à proximité d'une légère courbe de la voie, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 du règlement du PLUI doit être écarté.
9. En troisième lieu, l'article 4 du règlement du PLUI dispose : " (...) tout projet générant une surface imperméabilisée devra gérer, sur le terrain support de l'opération, le ruissellement produit par une pluie décennale. (...) Dans tous les cas, le débit doit être limité par un ouvrage visitable, adapté et vérifiable. Les ouvrages doivent être équipés d'un trop-plein qui aboutit vers un exutoire de capacité suffisante ". Le dossier déposé au titre de la " loi sur l'eau " pour le projet litigieux indique, en ce qui concerne la surverse destinée à canaliser l'écoulement du trop-plein des eaux de ruissellement de la voirie en cas d'événement climatique d'occurrence supérieure à 10 ans : " A l'Est, le fossé de la route de Mescleuziou est très peu profond et est au-dessus du fil d'eau d'alimentation de la tranchée. Une prise de surverse sera ainsi calée au niveau du fil d'eau du fossé et permettra, malgré une mise en charge de la tranchée et du réseau amont, de limiter l'inondation du point bas de la voirie ". Toutefois, ces seuls éléments ne suffisent pas à établir que l'exutoire serait d'une capacité insuffisante. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement du PLUI doit être écarté.
10. En quatrième lieu, l'article 1AU2 du règlement du PLUI dispose : " Dans les communes de l'agglomération hors Brest, toute opération de logements de plus de 2 000 m² de surface de plancher* doit comporter au moins 50% de logements à coûts abordables, dont 30% de logements conventionnés et 20% de logements en accession à coûts abordables. (...) ". L'astérisque précité renvoie à la définition de l' " opération de logements de plus de 2 000 m² de surface de plancher " que comporte le lexique du règlement du plan, à savoir : " (...) La surface de plancher de 2 000 m2 correspond, pour de l'individuel et compte tenu des surfaces moyennes des maisons construites dans l'agglomération brestoise, à des programmes de 20 logements et plus. ". En l'espèce, si la surface de plancher du projet est de 3 400 m2, il est constant qu'il ne comporte que 15 logements. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1AU2 tel qu'éclairé par le lexique du règlement du PLUI doit être écarté.
11. En cinquième lieu, l'article UH12 du règlement du PLUI, applicable en zone 1AU, dispose : " 1-Normes pour véhicules automobiles Le nombre de places doit répondre aux besoins sur la base des ratios ci-après et des modalités d'application définies à l'article 12 des règles communes à l'ensemble des zones : habitation : 1 place pour 60 m2 de surface de plancher avec un minimum d'une place par logement (...) ". S'il ressort du plan de composition du lotissement que deux places de stationnement sont indiquées sur chaque lot, alors que la surface de plancher maximale des maisons d'habitation individuelles prévues est de 200 à 250 m², cette seule circonstance ne suffit pas à entraîner la méconnaissance des dispositions de l'article UH12, dès lors qu'il n'est pas établi que la configuration de chaque lot ne permettrait pas, lors de la demande ultérieure de permis de construire, la réalisation d'une 3ème et le cas échéant d'une 4ème place de stationnement nécessaire. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UH12 doit être écarté.
12. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation. ". Le PLUI comprend une orientation d'aménagement et de programmation pour le secteur Kerezoun-Kerstat d'une densité de 25 logements par hectare minimum. La compatibilité avec cette orientation doit être appréciée non pas à l'échelle du seul lotissement en cause mais à celle de l'ensemble du secteur Kerezoun-Kerstat pour lequel elle est définie. Dès lors, la circonstance que la densité du lotissement serait inférieure à 25 logements/hectare ne saurait suffire à établir une incompatibilité avec l'orientation d'aménagement et de programmation précitée.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Plouzané est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé l'arrêté du 25 mai 2016 par lequel le maire de Plouzané a accordé aux consorts E..., aux consorts du Buit, aux consorts H... et à Mme B... un permis d'aménager portant réalisation d'un lotissement en quinze lots des parcelles cadastrées section BP n° 40, n° 41, n° 42, n° 43, n° 44 et n° 50 situées au lieu-dit Kerezoun.
Sur les frais liés au litige :
14. La commune de Plouzané n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à sa charge le versement de la somme demandée par MM. F... et K... à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces derniers la somme demandée par la commune sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1603230 du 7 décembre 2018 du tribunal administratif de Rennes est annulé.


Article 2 : La demande de MM. F... et K... et leurs conclusions présentées en appel sont rejetées.


Article 3 : Les conclusions présentées par les consorts E..., les consorts du Buit, les consorts H... et Mme B... devant la cour sont rejetées.


Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Plouzané sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Plouzané, à M. D... F..., à M. A... K..., aux consorts E..., aux consorts du Buit, aux consorts H... et à Mme M... B....
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme Buffet, président assesseur,
- Mme J..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 novembre 2019.


Le rapporteur,





P. J...


Le président,





T. CELERIER
Le greffier,





C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 19NT00365



Retourner en haut de la page