Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 09/10/2019, 422866
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 09/10/2019, 422866
Conseil d'État - 7ème - 2ème chambres réunies
- N° 422866
- ECLI:FR:CECHR:2019:422866.20191009
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
mercredi
09 octobre 2019
- Rapporteur
- M. Yohann Bouquerel
- Avocat(s)
- SCP MEIER-BOURDEAU, LECUYER ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 4 mars 2014 par laquelle la déléguée régionale du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a refusé de transformer son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ainsi que la décision implicite de non-renouvellement de son contrat ayant pris fin le 9 septembre 2014. Par un jugement n° 1403087 du 10 juillet 2017, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 4 mars 2014 et enjoint au CNRS de proposer à l'intéressé un contrat à durée indéterminée et de reconstituer sa carrière à compter du 6 décembre 2013, dans un délai de trois mois, puis a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du CNRS refusant de renouveler le contrat à durée déterminée de M. B....
Par un arrêt n°s 17DA01762, 17DA01765 du 4 juin 2018, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par le CNRS contre ce jugement puis jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 août et 17 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le CNRS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
- le décret n° 82-993 du 24 novembre 1982 ;
- le décret n° 88-654 du 7 mai 1988 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yohann Bouquerel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer, avocat du CNRS et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été employé du 22 octobre 2007 au 21 octobre 2010 par le CNRS en contrat à durée déterminée (CDD) comme ingénieur au sein de l'unité mixte de recherche (UMR) 8161. Du 1er novembre 2010 au 31 août 2012, il a été employé par l'université Lille I comme attaché temporaire d'enseignement et de recherche (ATER), tout en continuant ses activités de recherche au sein de l'UMR 8161. Enfin, du 10 septembre 2012 au 9 septembre 2014, M. B... a été employé en CDD par l'Institut Pasteur de Lille, afin de mener de nouvelles recherches au sein de l'UMR 8161. Par décision du 16 janvier 2014, le CNRS a rejeté sa demande du 6 décembre 2013 tendant à transformer son CDD signé avec l'Institut Pasteur en contrat à durée indéterminé (CDI) conclu avec le CNRS. Ce dernier a réitéré son refus le 4 mars 2014 en rejetant le recours gracieux de M. B... contre la décision du 16 janvier 2014. Par un jugement du 10 juillet 2017, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 4 mars 2014 et enjoint au CNRS de proposer à l'intéressé un contrat à durée indéterminée et de reconstituer sa carrière à compter du 6 décembre 2013, dans un délai de trois mois. Le CNRS se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 juin 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son appel contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction issue de la loi du 12 mars 2012 : " (...)/ Tout contrat conclu ou renouvelé en application des mêmes articles 4 et 6 avec un agent qui justifie d'une durée de services publics effectifs de six ans dans des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu, par une décision expresse, pour une durée indéterminée./ La durée de six ans mentionnée au deuxième alinéa du présent article est comptabilisée au titre de l'ensemble des services effectués dans des emplois occupés en application des articles 4,6,6 quater, 6 quinquies et 6 sexies. Elle doit avoir été accomplie dans sa totalité auprès du même département ministériel, de la même autorité publique ou du même établissement public. (...) / Lorsqu'un agent atteint l'ancienneté mentionnée aux deuxième à quatrième alinéas du présent article avant l'échéance de son contrat en cours, celui-ci est réputé être conclu à durée indéterminée. L'autorité d'emploi lui adresse une proposition d'avenant confirmant cette nouvelle nature du contrat. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un agent demande la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée, il appartient au juge administratif, saisi par l'intéressé, de rechercher, en recourant au besoin à la méthode du faisceau d'indices, si en dépit de l'existence de plusieurs employeurs apparents, l'agent peut être regardé comme ayant accompli la durée nécessaire de services publics effectifs auprès d'un employeur unique. Ces indices peuvent être notamment les conditions d'exécution du contrat, en particulier le lieu d'affectation de l'agent, la nature des missions qui lui sont confiées et l'existence ou non d'un lien de subordination vis-à-vis du chef du service concerné.
3. Aux termes de l'article 1er du décret du 7 mai 1988 relatif au recrutement d'attachés temporaires d'enseignement et de recherche (ATER) dans les établissements publics d'enseignement supérieur : " Les établissements publics d'enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur peuvent faire appel à des attachés temporaires d'enseignement et de recherche recrutés par contrat à durée déterminée ". Aux termes de l'article 10 du même décret : " Les attachés temporaires d'enseignement et de recherche assurent annuellement 128 heures de cours ou 192 heures de travaux dirigés ou 288 heures de travaux pratiques ou toute combinaison équivalente. / Ils assurent également les tâches liées à leur activité d'enseignement et participent notamment au contrôle des connaissances et aux examens. (...) ".
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a estimé que dès lors que M. B... était demeuré affecté au sein de l'UMR 8161, pendant la période comprise entre le 1er novembre 2010 et le 31 août 2012, dans le cadre de son contrat d'engagement en qualité d'ATER conclu avec l'université Lille I, et qu'il y avait poursuivi des activités de recherche, cette affectation devait être regardée comme des services publics effectifs accomplis auprès du CNRS, au sens de l'article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984, cité au point 2. Toutefois, en statuant ainsi, alors qu'il résulte des dispositions du décret du 7 mai 1988 citées au point 3 qu'un contrat d'ATER, qui ne peut être conclu que par un établissement d'enseignement supérieur, a pour objet principal de définir les obligations d'enseignement de l'intéressé pour le compte de cet établissement, la cour a commis une erreur de droit.
5. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi, le CNRS est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du CNRS qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 4 juin 2018 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au Centre national de la recherche scientifique et à M. A... B....
Copie en sera adressée à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
ECLI:FR:CECHR:2019:422866.20191009
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 4 mars 2014 par laquelle la déléguée régionale du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a refusé de transformer son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ainsi que la décision implicite de non-renouvellement de son contrat ayant pris fin le 9 septembre 2014. Par un jugement n° 1403087 du 10 juillet 2017, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 4 mars 2014 et enjoint au CNRS de proposer à l'intéressé un contrat à durée indéterminée et de reconstituer sa carrière à compter du 6 décembre 2013, dans un délai de trois mois, puis a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du CNRS refusant de renouveler le contrat à durée déterminée de M. B....
Par un arrêt n°s 17DA01762, 17DA01765 du 4 juin 2018, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par le CNRS contre ce jugement puis jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 août et 17 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le CNRS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
- le décret n° 82-993 du 24 novembre 1982 ;
- le décret n° 88-654 du 7 mai 1988 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yohann Bouquerel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer, avocat du CNRS et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été employé du 22 octobre 2007 au 21 octobre 2010 par le CNRS en contrat à durée déterminée (CDD) comme ingénieur au sein de l'unité mixte de recherche (UMR) 8161. Du 1er novembre 2010 au 31 août 2012, il a été employé par l'université Lille I comme attaché temporaire d'enseignement et de recherche (ATER), tout en continuant ses activités de recherche au sein de l'UMR 8161. Enfin, du 10 septembre 2012 au 9 septembre 2014, M. B... a été employé en CDD par l'Institut Pasteur de Lille, afin de mener de nouvelles recherches au sein de l'UMR 8161. Par décision du 16 janvier 2014, le CNRS a rejeté sa demande du 6 décembre 2013 tendant à transformer son CDD signé avec l'Institut Pasteur en contrat à durée indéterminé (CDI) conclu avec le CNRS. Ce dernier a réitéré son refus le 4 mars 2014 en rejetant le recours gracieux de M. B... contre la décision du 16 janvier 2014. Par un jugement du 10 juillet 2017, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 4 mars 2014 et enjoint au CNRS de proposer à l'intéressé un contrat à durée indéterminée et de reconstituer sa carrière à compter du 6 décembre 2013, dans un délai de trois mois. Le CNRS se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 juin 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son appel contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction issue de la loi du 12 mars 2012 : " (...)/ Tout contrat conclu ou renouvelé en application des mêmes articles 4 et 6 avec un agent qui justifie d'une durée de services publics effectifs de six ans dans des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu, par une décision expresse, pour une durée indéterminée./ La durée de six ans mentionnée au deuxième alinéa du présent article est comptabilisée au titre de l'ensemble des services effectués dans des emplois occupés en application des articles 4,6,6 quater, 6 quinquies et 6 sexies. Elle doit avoir été accomplie dans sa totalité auprès du même département ministériel, de la même autorité publique ou du même établissement public. (...) / Lorsqu'un agent atteint l'ancienneté mentionnée aux deuxième à quatrième alinéas du présent article avant l'échéance de son contrat en cours, celui-ci est réputé être conclu à durée indéterminée. L'autorité d'emploi lui adresse une proposition d'avenant confirmant cette nouvelle nature du contrat. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un agent demande la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée, il appartient au juge administratif, saisi par l'intéressé, de rechercher, en recourant au besoin à la méthode du faisceau d'indices, si en dépit de l'existence de plusieurs employeurs apparents, l'agent peut être regardé comme ayant accompli la durée nécessaire de services publics effectifs auprès d'un employeur unique. Ces indices peuvent être notamment les conditions d'exécution du contrat, en particulier le lieu d'affectation de l'agent, la nature des missions qui lui sont confiées et l'existence ou non d'un lien de subordination vis-à-vis du chef du service concerné.
3. Aux termes de l'article 1er du décret du 7 mai 1988 relatif au recrutement d'attachés temporaires d'enseignement et de recherche (ATER) dans les établissements publics d'enseignement supérieur : " Les établissements publics d'enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur peuvent faire appel à des attachés temporaires d'enseignement et de recherche recrutés par contrat à durée déterminée ". Aux termes de l'article 10 du même décret : " Les attachés temporaires d'enseignement et de recherche assurent annuellement 128 heures de cours ou 192 heures de travaux dirigés ou 288 heures de travaux pratiques ou toute combinaison équivalente. / Ils assurent également les tâches liées à leur activité d'enseignement et participent notamment au contrôle des connaissances et aux examens. (...) ".
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a estimé que dès lors que M. B... était demeuré affecté au sein de l'UMR 8161, pendant la période comprise entre le 1er novembre 2010 et le 31 août 2012, dans le cadre de son contrat d'engagement en qualité d'ATER conclu avec l'université Lille I, et qu'il y avait poursuivi des activités de recherche, cette affectation devait être regardée comme des services publics effectifs accomplis auprès du CNRS, au sens de l'article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984, cité au point 2. Toutefois, en statuant ainsi, alors qu'il résulte des dispositions du décret du 7 mai 1988 citées au point 3 qu'un contrat d'ATER, qui ne peut être conclu que par un établissement d'enseignement supérieur, a pour objet principal de définir les obligations d'enseignement de l'intéressé pour le compte de cet établissement, la cour a commis une erreur de droit.
5. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi, le CNRS est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du CNRS qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 4 juin 2018 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au Centre national de la recherche scientifique et à M. A... B....
Copie en sera adressée à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.