Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 04/10/2019, 416648
Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 04/10/2019, 416648
Conseil d'État - 4ème - 1ère chambres réunies
- N° 416648
- ECLI:FR:CECHR:2019:416648.20191004
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
vendredi
04 octobre 2019
- Rapporteur
- Mme Tiphaine Pinault
- Avocat(s)
- SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Par une requête enregistrée le 19 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note de service du ministre de l'éducation nationale n° 2017-166 du 6 novembre 2017 relative aux règles et procédures du mouvement national à gestion déconcentrée des personnels enseignants du second degré pour la rentrée scolaire de septembre 2018 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 ;
- la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 ;
- le décret n° 2016-1969 du 28 décembre 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Tiphaine Pinault, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de M. A... B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir de la note de service du 6 novembre 2017 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a défini, à l'intention des recteurs d'académie, les règles et procédures relatives au mouvement national à gestion déconcentrée des personnels enseignants du second degré et des personnels d'éducation et des psychologues de l'éducation nationale pour la rentrée scolaire de septembre 2018.
2. Aux termes des premier, quatrième et dernier alinéas de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans leur rédaction issue de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, applicable à la date de la note de service attaquée : " L'autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires.(...) / Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. Priorité est donnée aux fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles, aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité (...), aux fonctionnaires handicapés (...) et aux fonctionnaires qui exercent leurs fonctions, pendant une durée et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ainsi qu'aux fonctionnaires qui justifient du centre de leurs intérêts matériels et moraux dans une des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie. (...) / (...) l'autorité compétente peut procéder à un classement préalable des demandes de mutation à l'aide d'un barème rendu public. Le recours à un tel barème constitue une mesure préparatoire et ne se substitue pas à l'examen de la situation individuelle des agents. Ce classement est établi dans le respect des priorités figurant au quatrième alinéa du présent article. Toutefois, l'autorité compétente peut édicter des lignes directrices par lesquelles elle définit, sans renoncer à son pouvoir d'appréciation, des critères supplémentaires établis à titre subsidiaire dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article 1er du décret du 28 décembre 2016 relatif à la procédure d'édiction des lignes directrices permettant le classement par l'administration des demandes de mutation des fonctionnaires de l'Etat : " Lorsque l'autorité compétente d'une administration ou d'un service mentionné au deuxième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée procède à un classement préalable des demandes de mutation à l'aide d'un barème, les lignes directrices mentionnées au sixième alinéa de ce même article peuvent fixer des critères supplémentaires qui ont un caractère subsidiaire par rapport aux priorités prévues au quatrième alinéa de ce même article (...) ". Enfin, aux termes de l'article 3 du même décret : " Les lignes directrices mentionnées à l'article 1er précisent les modalités de prise en compte de chacune des priorités de mutation prévues au quatrième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée./ Elles peuvent également fixer des critères supplémentaires à caractère subsidiaire et déterminer les modalités de prise en compte de chacun de ces critères./ Lors du classement préalable des demandes de mutation, la prise en compte de l'un ou de plusieurs des critères subsidiaires mentionnés au deuxième alinéa ne peut conduire, à durée d'ancienneté inférieure ou égale, au dépassement d'une ou de plusieurs priorités prévues au quatrième alinéa de l'article 60 précité ".
3. Les critères supplémentaires que l'autorité administrative est habilitée à établir à titre subsidiaire en application des dispositions citées au point 2, en vue du classement préalable des demandes de mutation, ont pour objet de permettre le départage de demandes ayant obtenu un classement identique par application d'une ou plusieurs priorités de mutation fixées par le quatrième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984, ainsi que le classement des demandes émanant d'agents ne pouvant se prévaloir d'aucune de ces priorités. Toutefois, dans ce dernier cas, en raison du caractère subsidiaire de ces critères supplémentaires, l'autorité administrative ne saurait légalement prévoir un système de cumul des points ayant pour effet que les demandes de ces agents précèdent, dans le classement établi en vue de l'examen des demandes de mutation, celles des agents relevant d'au moins une des priorités définies au quatrième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984.
4. En l'espèce, la note de service attaquée fixe un barème à appliquer pour le classement des demandes de mutation formulées par les enseignants du second degré pour la rentrée 2018 et établit, à cette fin, des règles de priorité pour l'examen de ces demandes. Elle prescrit l'établissement d'un classement unique, comportant à la fois les demandes formulées par les agents pouvant se prévaloir des priorités définies au quatrième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 et celles des autres agents, et le nombre de points attribué au titre de certains critères supplémentaires est supérieur au nombre de points attribué au titre de certaines des priorités définies au quatrième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984. Il en résulte, ainsi d'ailleurs qu'il ressort des termes mêmes de la note de service attaquée, que le barème établi par cette note est susceptible, dans certaines situations, de conduire à ce que la candidature à la mutation d'un agent ne pouvant se prévaloir d'aucune des priorités mentionnées au quatrième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 précède dans le classement celle d'un candidat bénéficiant d'au moins l'une de ces priorités. Dès lors, les critères supplémentaires définis par le ministre dans la note de service attaquée ne revêtent pas tous un caractère subsidiaire et méconnaissent, par suite, les dispositions de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984.
5. Il résulte de tout ce qui précède que les règles et le barème fixés par la note de service attaquée sont entachés d'illégalité. Ces dispositions n'étant pas divisibles des autres dispositions de la note de service attaquée, celle-ci doit, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, être annulée dans son intégralité.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La note de service n° 2017-166 du 9 novembre 2017 du ministre de l'éducation nationale est annulée.
Article 2 : L'Etat versera à M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.