Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 30/09/2019, 419384
Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 30/09/2019, 419384
Conseil d'État - 9ème - 10ème chambres réunies
- N° 419384
- ECLI:FR:CECHR:2019:419384.20190930
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
lundi
30 septembre 2019
- Rapporteur
- Mme Séverine Larere
- Avocat(s)
- SCP PIWNICA, MOLINIE
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 419384, M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 15 486,50 euros procédant de cinq mises en demeure tenant lieu de commandement, émises le 11 août 2014 par la direction départementale des finances publiques des Alpes-Maritimes pour le recouvrement des cotisations de taxe d'habitation pour les biens indivis dont il était propriétaire à Cannes, au titre des années 2005 à 2013, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1501277 du 8 décembre 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n° 18MA00679 du 29 mars 2018, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par M. C....
Par ce pourvoi, enregistré le 11 février 2018 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, et un mémoire en réplique enregistré le 9 septembre 2019 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 8 décembre 2017 du tribunal administratif de Nice ;
2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n°419490, Mme D... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 15 486,50 euros procédant de cinq mises en demeure tenant lieu de commandement, émises le 11 août 2014 par la direction départementale des finances publiques des Alpes-Maritimes pour le recouvrement des cotisations de taxe d'habitation pour les biens indivis dont elle était propriétaire, situés à Cannes, au titre des années 2005 à 2013, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1501274 du 8 décembre 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n° 18MA00675 du 29 mars 2018, enregistrée le 3 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par Mme B....
Par ce pourvoi, enregistré le 9 février 2018 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, et un mémoire en réplique enregistré le 9 septembre 2019 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 8 décembre 2017 du tribunal administratif de Nice ;
2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. et Mme C... ;
Considérant ce qui suit :
1. Les pourvois de M. C... et de Mme B... présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite du décès de Mme A... C..., le 21 juillet 1994, ses quatre enfants sont devenus propriétaires indivis d'un bien immobilier situé sur le territoire de la commune de Cannes. Les taxes d'habitation relatives à cet immeuble ont été établies et mises en recouvrement au nom de l'indivision. Les cotisations de taxe dues au titre des années 2005 à 2013 n'ayant pas été intégralement réglées, le comptable public a émis, le 11 août 2014, à l'encontre de M. C... et de Mme C... épouse B..., cinq mises en demeure valant commandement de payer que ceux-ci ont contestées. M. C... et Mme B... demandent l'annulation des jugements du 8 décembre 2017 par lesquels le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant de ces mises en demeure.
3. Aux termes du premier alinéa de l'article 815-17 du code civil : " Les créanciers qui auraient pu agir sur les biens indivis avant qu'il y eût indivision, et ceux dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion des biens indivis, seront payés par prélèvement sur l'actif avant le partage (...) ". Aux termes de l'article 1202 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " La solidarité ne se présume point ; il faut qu'elle soit expressément stipulée /. Cette règle ne cesse que dans les cas où la solidarité a lieu de plein droit, en vertu d'une disposition de la loi. "
4. Lorsque la taxe d'habitation a été établie, en raison de l'inoccupation des locaux au titre desquels elle est due, au nom d'une indivision successorale, l'obligation de payer incombant à chaque indivisaire ne saurait excéder ses droits dans l'indivision, dès lors qu'en application des dispositions des articles 815-17 et 1202 du code civil précitées, la solidarité ne s'attache pas de plein droit à la qualité d'indivisaire et ne se présume pas.
5. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu'en jugeant que le comptable public avait pu légalement émettre les commandements de payer litigieux au seul nom, respectivement, de M. C... et de Mme B... pour la totalité de la somme due par l'indivision, alors que seul le recouvrement de la part leur incombant pouvait être légalement poursuivi par l'administration qui ne se prévaut pas de stipulation expresse instituant une solidarité entre les indivisaires, le tribunal administratif de Nice a entaché ses jugements d'une erreur de droit. Dès lors, M. C... et Mme B... sont fondés, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leurs pourvois, à demander l'annulation de ces jugements.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser tant à M. C... qu'à Mme B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Nice du 8 décembre 2017 sont annulés.
Article 2 : Les affaires sont renvoyées au tribunal administratif de Nice.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... et à Mme B... la somme de 1 500 euros chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. E... C..., à Madame D... C... épouse B... et au ministre de l'action et des comptes publics.
ECLI:FR:CECHR:2019:419384.20190930
1° Sous le n° 419384, M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 15 486,50 euros procédant de cinq mises en demeure tenant lieu de commandement, émises le 11 août 2014 par la direction départementale des finances publiques des Alpes-Maritimes pour le recouvrement des cotisations de taxe d'habitation pour les biens indivis dont il était propriétaire à Cannes, au titre des années 2005 à 2013, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1501277 du 8 décembre 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n° 18MA00679 du 29 mars 2018, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par M. C....
Par ce pourvoi, enregistré le 11 février 2018 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, et un mémoire en réplique enregistré le 9 septembre 2019 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 8 décembre 2017 du tribunal administratif de Nice ;
2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n°419490, Mme D... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 15 486,50 euros procédant de cinq mises en demeure tenant lieu de commandement, émises le 11 août 2014 par la direction départementale des finances publiques des Alpes-Maritimes pour le recouvrement des cotisations de taxe d'habitation pour les biens indivis dont elle était propriétaire, situés à Cannes, au titre des années 2005 à 2013, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1501274 du 8 décembre 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n° 18MA00675 du 29 mars 2018, enregistrée le 3 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par Mme B....
Par ce pourvoi, enregistré le 9 février 2018 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, et un mémoire en réplique enregistré le 9 septembre 2019 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 8 décembre 2017 du tribunal administratif de Nice ;
2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. et Mme C... ;
Considérant ce qui suit :
1. Les pourvois de M. C... et de Mme B... présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite du décès de Mme A... C..., le 21 juillet 1994, ses quatre enfants sont devenus propriétaires indivis d'un bien immobilier situé sur le territoire de la commune de Cannes. Les taxes d'habitation relatives à cet immeuble ont été établies et mises en recouvrement au nom de l'indivision. Les cotisations de taxe dues au titre des années 2005 à 2013 n'ayant pas été intégralement réglées, le comptable public a émis, le 11 août 2014, à l'encontre de M. C... et de Mme C... épouse B..., cinq mises en demeure valant commandement de payer que ceux-ci ont contestées. M. C... et Mme B... demandent l'annulation des jugements du 8 décembre 2017 par lesquels le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant de ces mises en demeure.
3. Aux termes du premier alinéa de l'article 815-17 du code civil : " Les créanciers qui auraient pu agir sur les biens indivis avant qu'il y eût indivision, et ceux dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion des biens indivis, seront payés par prélèvement sur l'actif avant le partage (...) ". Aux termes de l'article 1202 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " La solidarité ne se présume point ; il faut qu'elle soit expressément stipulée /. Cette règle ne cesse que dans les cas où la solidarité a lieu de plein droit, en vertu d'une disposition de la loi. "
4. Lorsque la taxe d'habitation a été établie, en raison de l'inoccupation des locaux au titre desquels elle est due, au nom d'une indivision successorale, l'obligation de payer incombant à chaque indivisaire ne saurait excéder ses droits dans l'indivision, dès lors qu'en application des dispositions des articles 815-17 et 1202 du code civil précitées, la solidarité ne s'attache pas de plein droit à la qualité d'indivisaire et ne se présume pas.
5. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu'en jugeant que le comptable public avait pu légalement émettre les commandements de payer litigieux au seul nom, respectivement, de M. C... et de Mme B... pour la totalité de la somme due par l'indivision, alors que seul le recouvrement de la part leur incombant pouvait être légalement poursuivi par l'administration qui ne se prévaut pas de stipulation expresse instituant une solidarité entre les indivisaires, le tribunal administratif de Nice a entaché ses jugements d'une erreur de droit. Dès lors, M. C... et Mme B... sont fondés, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leurs pourvois, à demander l'annulation de ces jugements.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser tant à M. C... qu'à Mme B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Nice du 8 décembre 2017 sont annulés.
Article 2 : Les affaires sont renvoyées au tribunal administratif de Nice.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... et à Mme B... la somme de 1 500 euros chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. E... C..., à Madame D... C... épouse B... et au ministre de l'action et des comptes publics.