Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 20/09/2019, 423639

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler la décision du directeur du service des retraites de l'Etat du 2 mars 2016 rejetant son recours gracieux tendant à obtenir la révision de son taux de pension de retraite et, d'autre part, d'enjoindre à ce dernier de fixer ce taux à 73,125 % dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Par un jugement n° 1602341 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 août et 27 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yohann Bouquerel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. B... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., né le 12 juin 1958, capitaine de police, a demandé le 22 août 2012 au ministre de l'intérieur son maintien en position d'activité à compter du 13 juin 2013 en application des dispositions de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984, au motif qu'il ne disposait pas d'un taux de liquidation supérieur à 75 % une fois atteint son cinquante-cinquième anniversaire. Par un arrêté du 3 avril 2013, le ministre de l'intérieur a fait droit à sa demande en le maintenant en position d'activité du 13 juin 2013 jusqu'au 13 décembre 2015. Par trois décisions du 30 avril 2014, du 7 octobre 2014 et du 3 avril 2015, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a placé M. B... en congé de longue durée rétroactivement du 23 mars 2013 au 12 décembre 2015. Par un arrêté du ministre de l'intérieur du 7 juillet 2015, le requérant a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 13 décembre 2015. Par un arrêté du 18 janvier 2016, une pension de retraite a été concédée à M. B... avec un taux de 68,4 %. Celui-ci a formé un recours gracieux auprès du service de retraite de l'Etat, afin que ce taux soit porté à 73,125 %. Ce recours a été rejeté le 2 mars 2016 par le directeur du service des retraites de l'Etat, au motif que la période de maintien en activité ne pouvait pas être prise en compte pour le calcul de ses droits à pension, dans la mesure où il ne remplissait pas la condition d'aptitude physique mentionnée à l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984. M. B... a demandé l'annulation de cette décision et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de porter son taux de pension à 73,125 % dans un délai d'un mois à compter du jugement. M. B... se pourvoit en cassation contre le jugement du 26 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public : " (...) les fonctionnaires dont la durée des services liquidables est inférieure à celle définie à l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite peuvent, lorsqu'ils atteignent les limites d'âge applicables aux corps auxquels ils appartiennent, sur leur demande, sous réserve de l'intérêt du service et de leur aptitude physique, être maintenus en activité. (...)/ Cette prolongation d'activité est prise en compte au titre de la constitution et de la liquidation du droit à pension ".

3. Aux termes de l'article 41 du décret du 14 mars 1986 relatif aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Le bénéficiaire d'un congé de longue maladie ou de longue durée ne peut reprendre ses fonctions à l'expiration ou au cours dudit congé que s'il est reconnu apte, après examen par un spécialiste agréé et avis favorable du comité médical compétent. / Cet examen peut être demandé soit par le fonctionnaire, soit par l'administration dont il relève ".

4. Il résulte de ces dispositions que le placement en congé de longue maladie ou de longue durée d'un agent maintenu en activité peut justifier l'abrogation, par l'autorité compétente, de la décision de maintien en activité au motif que la condition d'aptitude physique requise par l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 n'est plus satisfaite. Cette décision peut, le cas échéant, être retirée dans un délai de quatre mois lorsque cette condition n'est pas remplie dès le début de la période de prolongation d'activité. En revanche, en l'absence de retrait ou d'abrogation de cette décision, le ministre chargé des pensions ne peut se fonder sur le seul placement de l'intéressé en congé de longue maladie ou de longue durée pour refuser de prendre en compte la prolongation d'activité correspondante au titre de la constitution et de la liquidation du droit à pension.

5. Il suit de là qu'en jugeant que le ministre chargé des pensions pouvait refuser de prendre en compte, pour la constitution et la liquidation du droit à pension, la période de maintien en activité de M. B... au seul motif que celui-ci devait être regardé comme ne remplissant pas la condition d'aptitude physique dès lors qu'il avait été placé en congé de longue durée durant toute cette période, alors que le ministre de l'intérieur n'avait ni retiré ni abrogé l'arrêté du 3 avril 2013 maintenant le requérant en activité, le tribunal administratif de Montpellier a entaché son ordonnance d'erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 26 juin 2018 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Montpellier.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.

ECLI:FR:CECHR:2019:423639.20190920
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