CAA de NANTES, 2ème chambre, 19/07/2019, 19NT00515, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E...G...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 30 mars 2015 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de naturalisation ainsi que celle du 3 février 2016 par laquelle le ministre chargé des naturalisations a rejeté son recours dirigé contre la décision préfectorale.

Par un jugement n°1606686 du 27 juin 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 février 2019, M. E...G..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 juin 2018 ;

2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur prononçant le rejet de sa demande de naturalisation ;

3°) d'enjoindre au ministre en charge des naturalisations de lui accorder la nationalité française ou subsidiairement de réexaminer sa situation ;

4°) de fixer une astreinte dont il plaira à la juridiction de céans de fixer le montant ainsi que la date d'effet ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à MeF..., au titre des frais exposés en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :
- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de la décision ;
- la décision contestée n'a pas été précédée d'un examen de sa situation particulière ;
- elle est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle porte atteinte au principe de proportionnalité ;
- elle ne prend pas en compte sa situation personnelle.


Par un mémoire en défense enregistré le 5 avril 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

M. G...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Brisson.


Considérant ce qui suit :

1. M.G..., ressortissant russe, né le 16 juin 1986, relève appel du jugement du 27 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 mars 2015 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de naturalisation ainsi que la décision du 3 février 2016 par laquelle le ministre chargé des naturalisations a rejeté son recours dirigé contre la décision préfectorale.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, le requérant soutient que s'il ressort de la décision du 20 mai 2015 produite par le ministre en première instance portant délégation de signature de MmeD..., directrice de l'accueil, de l'accompagnement des étrangers et de la nationalité, que M. B...C...disposait d'une délégation de signature, il n'est pas justifié des matières qui lui sont déléguées. Cependant, il ressort des pièces figurant au dossier que, par délégation de signature du 20 mai 2015, la directrice de l'accueil, de l'accompagnement des étrangers et de la nationalité, qui bénéficie d'une délégation du ministre chargé des naturalisations en application de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005, a donné délégation à M. C...à l'effet de signer tous actes, arrêtés et décisions relevant de ses attributions au sein du bureau des naturalisations. Dès lors, le requérant, qui ne conteste pas qu'une décision ajournant une demande de naturalisation relève des attributions du bureau des naturalisations, n'établit pas que la décision en litige ne relèverait pas des attributions de M.C.... Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée a été signée par une autorité incompétente doit être écarté.
3. En deuxième lieu, M. G...reprend en appel sans précisions supplémentaires le moyen invoqué en première instance et tiré de ce que le ministre aurait méconnu son obligation d'examen particulier de sa situation personnelle. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. (...) ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement tenir compte des renseignements défavorables recueillis sur le comportement général du postulant.
5. Pour rejeter le recours formé contre le refus opposé à sa demande de naturalisation, le ministre de l'intérieur, qui s'est fondé sur les dispositions des articles 45 et 48 du décret du 30 décembre 1993, a motivé sa décision en indiquant que M. G...avait fait l'objet durant son engagement dans la légion étrangère, d'une part des sanctions disciplinaires suivantes : 7 jours d'arrêt le 14 juin 2011 pour ne pas avoir appliqué des consignes sanitaires, le 5 mai 2012 pour retard, le 8 novembre 2013 pour absence de prise de service, le 12 août 2014 pour non présentation à un appel, le 18 mars 2015 pour détention d'un ordinateur portable sans autorisation, 10 jours d'arrêt le 29 septembre 2014 pour absence de prise de service, 20 jours d'arrêt le 2 mai 2013 pour manque de respect à un supérieur et le 7 janvier 2014 pour absence de prise de service, d'autre part pour avoir fait l'objet des procédures suivantes : 15 jours d'arrêt pour non présentation à un appel, 7 jours d'arrêt pour détention d'un véhicule civil sans autorisation, 30 jours d'arrêt pour absence de prise de service, 40 jours d'arrêt pour ne pas avoir obéi à un ordre donné, outre le passage en conseil d'enquête pour refus d'obéissance constaté par la gendarmerie.

6. Si les sanctions dont M. G...a fait l'objet ne concernent ni des infractions sanctionnées pénalement, ni des comportements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs, leur caractère récurrent révèle néanmoins un défaut de respect de la réglementation applicable, ayant d'ailleurs conduit la Légion étrangère à refuser de renouveler son contrat de travail. Dans ces conditions, alors même que l'intéressé a fait l'objet d'appréciation élogieuses de ses supérieurs hiérarchiques au cours des années 2012 à 2014, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le ministre aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. Si M. G...fait valoir que la décision du ministre porte atteinte au principe de proportionnalité, ce moyen est inopérant dès lors que la décision de naturalisation, prise en opportunité, est soumise au contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation.

8. Les circonstances invoquées par le requérant tirées de ce qu'il vit en France depuis 2009 et y a toujours travaillé, s'est régulièrement acquitté de ses impôts, a obtenu en 2008 un diplôme en Ecologie niveau Master 2 à la Russian State Social Université de Moscou sont sans influence sur la légalité de la décision contestée au regard du large pouvoir d'appréciation dont dispose le ministre en matière de naturalisation.

9. La décision de rejeter la demande de naturalisation formée par le requérant n'emporte par elle-même aucune modification dans les conditions d'existence de l'intéressé. M. G... ne peut, dès lors, utilement invoquer la circonstance qu'il ne peut plus retourner dans son pays d'origine en raison de son engagement dans l'armée française.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.


Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le rejet des conclusions à fin d'annulation n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Les conclusions présentées par M. G...sur le fondement de l'article L 911-1 du code de justice administrative ne peuvent dès lors être accueillies.


Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en l'espèce, la partie perdante, le versement à M.G..., d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.


DÉCIDE :


Article 1 : La requête de M. G...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. E...G...et au ministre de l'Intérieur.


Délibéré après l'audience du 25 juin 2019, où siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Brisson, président assesseur,
- MA...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juillet 2019.



Le rapporteur,





C. Brisson Le président,





A. Pérez

Le greffier,



A. Brisset


La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.



N° 19NT00515



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