CAA de PARIS, 9ème chambre, 05/07/2019, 17PA22522, Inédit au recueil Lebon
CAA de PARIS, 9ème chambre, 05/07/2019, 17PA22522, Inédit au recueil Lebon
CAA de PARIS - 9ème chambre
- N° 17PA22522
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
vendredi
05 juillet 2019
- Président
- M. DALLE
- Rapporteur
- M. David DALLE
- Avocat(s)
- STRATENE AVOCATS
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière Barbadine a demandé au Tribunal administratif de la Réunion la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés, de contribution sur l'impôt sur les sociétés et d'imposition forfaitaire annuelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 et 2005 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1500075 du 24 mai 2017, le Tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 juillet 2017 et le 15 mars 2018, la société Barbadine, représentée par MeA..., demande à la Cour administrative d'appel de Bordeaux :
1°) d'annuler le jugement n° 1500075 du 24 mai 2017 du Tribunal administratif de la Réunion ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;
3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure de taxation d'office ne pouvait être mise en oeuvre ;
- l'administration a manqué à son devoir de loyauté ;
- elle ne peut être soumise à l'impôt sur les sociétés à raison des opérations
réalisées en 2004 et 2005 ;
- elle a respecté ses obligations déclaratives ; les pénalités sont infondées.
Par un mémoire, enregistré le 23 janvier 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance n° 428220 du 1er mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de l'affaire à la Cour administrative d'appel de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- les conclusions de Mme Mielnik Meddah, rapporteur public,
- et les observations de Me Labbez, avocat de la société Barbadine.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Barbadine, dont le siège est situé à Saint-Louis (Réunion), a fait l'objet en 2006 d'une vérification de comptabilité, portant sur les années 2003 à 2005. A l'issue, l'administration a estimé que ses résultats des exercices clos en 2004 et 2005 devaient être imposés à l'impôt sur les sociétés, à la contribution sur l'impôt sur les sociétés et à l'imposition forfaitaire annuelle, au motif qu'au cours de ces années elle avait réalisé une opération de construction d'immeuble suivie d'une revente par lots, la faisant entrer dans le champ de l'impôt sur les sociétés par application des dispositions combinées des articles 206-2 et 35 du code général des impôts. Elle a relevé appel devant la Cour administrative d'appel de Bordeaux du jugement en date du 24 mai 2017 par lequel le Tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes. Par une ordonnance du 1er mars 2019 prise en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de cette affaire à la Cour administrative d'appel de Paris.
2. En vertu du 2 de l'article 206 du code général des impôts, les sociétés civiles sont passibles de l'impôt sur les sociétés si elles se livrent à des opérations visées à l'article 35 du même code. Il résulte de ce dernier article qu'ont le caractère de bénéfices industriels et commerciaux " les bénéfices réalisés par les personnes... qui, à titre habituel, achètent des biens immeubles, en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre, en bloc ou par locaux... ". L'application de ces dispositions est subordonnée à la double condition que les opérations procèdent d'une intention spéculative et présentent un caractère habituel. L'intention spéculative doit être recherchée à la date d'acquisition des immeubles ultérieurement revendus et non à la date de leur cession.
3. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la SCI Barbadine a été créée le 16 décembre 1992, avec pour objet la location de biens immobiliers. Elle a fait l'acquisition le 5 septembre 1994, près de deux ans plus tard, des terrains sur lesquels les deux bâtiments litigieux, comportant six logements et un local professionnel, ont été édifiés. Cette construction, réalisée en 2004, a été décidée lors d'une assemblée générale ordinaire des associés de la SCI en 2003, plus de huit ans après l'achat des terrains. Si les six logements ont été vendus par la SCI en 2004 et 2005, la société requérante soutient sans être contredite que cinq de ces six ventes ont été effectuées à prix coûtant et ne lui ont procuré aucun bénéfice. Le local professionnel, qui représente 30,68 % de la superficie totale des bâtiments, est donné en location par la SCI depuis l'achèvement de la construction. Il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas soutenu par l'administration, que, depuis sa création, la SCI Barbadine aurait accompli d'autres opérations d'achat revente ou de construction d'immeubles que celle ci-dessus décrite. Dans ces conditions, l'achat des terrains litigieux en 1994 ne peut être regardé comme procédant d'une intention spéculative.
4. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SCI Barbadine est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SCI Barbadine.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1500075 du 24 mai 2017 du Tribunal administratif de la Réunion est annulé.
Article 2 : Il est accordé à la SCI Barbadine la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés, de contribution sur l'impôt sur les sociétés et d'imposition forfaitaire annuelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 et 2005 et des pénalités correspondantes.
Article 3 : L'Etat versera à la SCI Barbadine une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Barbadine et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2019 à laquelle siégeaient :
M. Dalle, président,
Mme Notarianni, premier conseiller,
Mme Stoltz-Valette, premier conseiller
Lu en audience publique, le 5 juillet 2019.
L'assesseur le plus ancien, Le président-rapporteur,
L. NOTARIANNI D. DALLE
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA22522
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière Barbadine a demandé au Tribunal administratif de la Réunion la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés, de contribution sur l'impôt sur les sociétés et d'imposition forfaitaire annuelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 et 2005 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1500075 du 24 mai 2017, le Tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 juillet 2017 et le 15 mars 2018, la société Barbadine, représentée par MeA..., demande à la Cour administrative d'appel de Bordeaux :
1°) d'annuler le jugement n° 1500075 du 24 mai 2017 du Tribunal administratif de la Réunion ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;
3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure de taxation d'office ne pouvait être mise en oeuvre ;
- l'administration a manqué à son devoir de loyauté ;
- elle ne peut être soumise à l'impôt sur les sociétés à raison des opérations
réalisées en 2004 et 2005 ;
- elle a respecté ses obligations déclaratives ; les pénalités sont infondées.
Par un mémoire, enregistré le 23 janvier 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance n° 428220 du 1er mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de l'affaire à la Cour administrative d'appel de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- les conclusions de Mme Mielnik Meddah, rapporteur public,
- et les observations de Me Labbez, avocat de la société Barbadine.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Barbadine, dont le siège est situé à Saint-Louis (Réunion), a fait l'objet en 2006 d'une vérification de comptabilité, portant sur les années 2003 à 2005. A l'issue, l'administration a estimé que ses résultats des exercices clos en 2004 et 2005 devaient être imposés à l'impôt sur les sociétés, à la contribution sur l'impôt sur les sociétés et à l'imposition forfaitaire annuelle, au motif qu'au cours de ces années elle avait réalisé une opération de construction d'immeuble suivie d'une revente par lots, la faisant entrer dans le champ de l'impôt sur les sociétés par application des dispositions combinées des articles 206-2 et 35 du code général des impôts. Elle a relevé appel devant la Cour administrative d'appel de Bordeaux du jugement en date du 24 mai 2017 par lequel le Tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes. Par une ordonnance du 1er mars 2019 prise en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de cette affaire à la Cour administrative d'appel de Paris.
2. En vertu du 2 de l'article 206 du code général des impôts, les sociétés civiles sont passibles de l'impôt sur les sociétés si elles se livrent à des opérations visées à l'article 35 du même code. Il résulte de ce dernier article qu'ont le caractère de bénéfices industriels et commerciaux " les bénéfices réalisés par les personnes... qui, à titre habituel, achètent des biens immeubles, en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre, en bloc ou par locaux... ". L'application de ces dispositions est subordonnée à la double condition que les opérations procèdent d'une intention spéculative et présentent un caractère habituel. L'intention spéculative doit être recherchée à la date d'acquisition des immeubles ultérieurement revendus et non à la date de leur cession.
3. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la SCI Barbadine a été créée le 16 décembre 1992, avec pour objet la location de biens immobiliers. Elle a fait l'acquisition le 5 septembre 1994, près de deux ans plus tard, des terrains sur lesquels les deux bâtiments litigieux, comportant six logements et un local professionnel, ont été édifiés. Cette construction, réalisée en 2004, a été décidée lors d'une assemblée générale ordinaire des associés de la SCI en 2003, plus de huit ans après l'achat des terrains. Si les six logements ont été vendus par la SCI en 2004 et 2005, la société requérante soutient sans être contredite que cinq de ces six ventes ont été effectuées à prix coûtant et ne lui ont procuré aucun bénéfice. Le local professionnel, qui représente 30,68 % de la superficie totale des bâtiments, est donné en location par la SCI depuis l'achèvement de la construction. Il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas soutenu par l'administration, que, depuis sa création, la SCI Barbadine aurait accompli d'autres opérations d'achat revente ou de construction d'immeubles que celle ci-dessus décrite. Dans ces conditions, l'achat des terrains litigieux en 1994 ne peut être regardé comme procédant d'une intention spéculative.
4. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SCI Barbadine est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SCI Barbadine.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1500075 du 24 mai 2017 du Tribunal administratif de la Réunion est annulé.
Article 2 : Il est accordé à la SCI Barbadine la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés, de contribution sur l'impôt sur les sociétés et d'imposition forfaitaire annuelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 et 2005 et des pénalités correspondantes.
Article 3 : L'Etat versera à la SCI Barbadine une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Barbadine et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2019 à laquelle siégeaient :
M. Dalle, président,
Mme Notarianni, premier conseiller,
Mme Stoltz-Valette, premier conseiller
Lu en audience publique, le 5 juillet 2019.
L'assesseur le plus ancien, Le président-rapporteur,
L. NOTARIANNI D. DALLE
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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