Conseil d'État, 9ème chambre, 03/07/2019, 414009, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société anonyme Kereol a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la réduction des rappels de cotisations de taxe sur les surfaces commerciales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 à 2014. Par un jugement n° 1501991 du 5 juillet 2017, le tribunal a rejeté sa demande.

Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 septembre et 21 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Kereol demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Aurélien Caron, auditeur,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la société Kereol ;




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Kereol, qui exploite un hypermarché Leclerc à Lanester (Morbihan), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a estimé à 4 428 m2 la surface de vente, hors postes de ravitaillement de carburant, taxable au titre de la taxe sur les surfaces commerciales après y avoir intégré une zone de circulation de 618 m2 située entre les portes d'accès du magasin et la ligne de caisse de l'hypermarché. Par une décision du 25 février 2015, l'administration fiscale a rejeté la réclamation du 5 janvier 2015 par laquelle la société Kereol demandait à ce que la surface de vente taxable, hors postes de ravitaillement de carburant, soit évaluée à 4 039 m2 incluant, au titre de la zone de circulation de 616 m2, les surfaces de 219 m2 correspondant à la ligne de caisse et de 10 m2 utilisée pour la présentation de diverses marchandises en fonction des évènements proposés par le centre Leclerc. La société se pourvoit en cassation contre le jugement du 5 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande de réduction des cotisations de taxe sur les surfaces commerciales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 à 2014.

2. Aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Il est institué une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse 400 mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite. (...) / La surface de vente des magasins de commerce de détail, prise en compte pour le calcul de la taxe, et celle visée à l'article L. 720-5 du code de commerce, s'entendent des espaces affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, de ceux affectés à l'exposition des marchandises proposées à la vente, à leur paiement, et de ceux affectés à la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente / La surface de vente des magasins de commerce de détail prise en compte pour le calcul de la taxe ne comprend que la partie close et couverte de ces magasins. ".

3. Pour rejeter la demande de la société, le tribunal a estimé que la zone de circulation en litige constituait un espace affecté à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats principalement au sein de l'hypermarché et, par ailleurs, était affectée ponctuellement à l'exposition de marchandises proposées à la vente par la seule société Kereol, de sorte que l'administration avait pu à bon droit retenir sa surface pour l'établissement des cotisations de taxe sur les surfaces commerciales. En statuant ainsi, alors que la surface de 387 m2 restant en litige correspondait à une partie de la zone de circulation de 397 m2 située entre les portes d'entrée du bâtiment et la ligne de caisse de l'hypermarché, desservant également les autres boutiques situées dans le bâtiment et de laquelle avait été déduite l'espace de 10 m2 utilisé pour la présentation de marchandises, le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, la société Kereol est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la surface en litige n'était pas affectée à la circulation de la clientèle de la société Kereol pour effectuer ses achats. Il est constant qu'elle n'était affectée ni à l'exposition ou au paiement de marchandises proposées à la vente par cette société, ni affecté à la circulation de son personnel pour présenter les marchandises à la vente. Dès lors, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a intégré dans la surface taxable au titre de la taxe sur les surfaces commerciales la surface de 387 m2 et que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la réduction, à hauteur de 59 717 euros, des rappels de cotisations de taxe sur les surfaces commerciales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 à 2014.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Kereol au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 juillet 2017 est annulé.
Article 2 : La société Kereol est déchargée à hauteur de 59 717 euros des rappels de cotisations de taxe sur les surfaces commerciales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 à 2014.
Article 3 : L'Etat versera à la société Kereol la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme Kereol et au ministre de l'action et des comptes publics.

ECLI:FR:CECHS:2019:414009.20190703
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