CAA de MARSEILLE, 8ème chambre - formation à 3, 21/05/2019, 17MA03827, Inédit au recueil Lebon
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre - formation à 3, 21/05/2019, 17MA03827, Inédit au recueil Lebon
CAA de MARSEILLE - 8ème chambre - formation à 3
- N° 17MA03827
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mardi
21 mai 2019
- Président
- Mme HELMLINGER
- Rapporteur
- M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
- Avocat(s)
- SELARL ABEILLE & ASSOCIÉS - AVOCATS
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre hospitalier Edouard Toulouse à lui verser la somme de 43 728 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 8 janvier 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse lui a refusé la prise en charge financière d'une formation de cadre de santé.
Par un jugement n° 1604168 du 12 juillet 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 septembre 2017, Mme D..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 juillet 2017 ;
2°) de condamner le centre hospitalier Edouard Toulouse à lui verser la somme de 43 728 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 8 janvier 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse lui a refusé la prise en charge financière d'une formation de cadre de santé ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Edouard Toulouse la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le principe de sécurité juridique qui fait obstacle à la possibilité de contester indéfiniment une décision individuelle dont son destinataire a eu connaissance est sans application dans les litiges indemnitaires ;
- la décision du 8 janvier 2015 refusant la prise en charge financière d'une formation de cadre de santé n'a pas un objet purement pécuniaire ;
- elle a exercé son action dans un délai raisonnable compte tenu des circonstances particulières dont elle justifie ;
- en tout état de cause, le caractère définitif de cette décision ne rendrait pas irrecevable une action en responsabilité qui ne serait pas exclusivement fondée sur l'illégalité de celle-ci ;
- le motif tiré de ce qu'elle travaille de nuit et qu'elle n'a pu faire la preuve de ses compétences professionnelles n'a pu régulièrement fonder la décision refusant de lui accorder un congé de formation professionnelle au regard des dispositions du décret n° 2008-824 du 21 août 2008 ;
- le directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse a omis de faire application des critères fixés par la note d'information du 23 juillet 2013 ;
- la perte de traitement résultant de l'illégalité de la décision litigieuse s'élève à 19 000 euros ;
- le préjudice financier lié au retard dans l'avancement doit être réparé à hauteur de 2 228 euros ;
- huit mois et demi de cotisations de retraite seront à racheter pour un montant de 7 500 euros ;
- le préjudice moral et les troubles subis dans les conditions d'existence seront réparés à hauteur de 15 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2018, le centre hospitalier Edouard Toulouse, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 5 mars 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er avril 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 2008-824 du 21 août 2008 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., représentant Mme D...et de MeB..., substituant MeC..., représentant le centre hospitalier Edouard Toulouse.
Une note en délibéré, présentée pour MmeD..., a été enregistrée le 14 mai 2019.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., infirmière titulaire employée par le centre hospitalier Edouard Toulouse, affectée au " pool de nuit ", a été admise en 2014 au concours d'entrée à l'institut de formation des cadres de santé (IFCS) d'Aix-en-Provence à la suite d'une préparation prise en charge par son employeur. Elle a demandé, le 8 novembre 2014, la prise en charge financière de la formation correspondante assurée à temps plein de septembre 2015 à juin 2016, en vue de l'obtention du diplôme de cadre de santé et du master " encadrement dans le secteur sanitaire et social parcours cadre de santé ". Par lettre du 8 janvier 2015, le directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse a refusé de faire droit à cette demande. Le 27 janvier suivant, Mme D..., réitérant sa demande de prise en charge financière et sollicitant également l'attribution d'un congé de formation professionnelle, a présenté à l'encontre de cette décision, un recours gracieux qui a été rejeté le 18 février 2015. A la demande de Mme D... et en vue de lui permettre de suivre la formation en cause, le directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse, par décision du 25 août 2015, l'a placée en disponibilité pour une durée d'un an à partir du 9 octobre 2015. L'intéressée fait appel du jugement du 12 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier Edouard Toulouse à lui verser une indemnité en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 8 janvier 2015.
2. En vertu de l'article 22 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le droit à la formation permanente est reconnu aux fonctionnaires. Aux termes de l'article 1er du décret du 21 août 2008 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de la fonction publique hospitalière : " (...) La formation professionnelle tout au long de la vie comprend principalement les actions ayant pour objet : (...) 4° De permettre aux agents de suivre des études favorisant la promotion professionnelle, débouchant sur les diplômes ou certificats du secteur sanitaire et social dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé ; (...) 6° De permettre aux agents de parfaire leur formation en vue de réaliser des projets personnels et professionnels, grâce notamment au congé de formation professionnelle ; (...) ".
Aux termes de l'article 6 du même décret : " Le plan de formation de l'établissement est établi chaque année selon les modalités définies à l'article 37. Il détermine les actions de formation initiale et continue organisées par l'employeur ou à l'initiative de l'agent avec l'accord de l'employeur relevant des 1°, 2°, 3°, 4° et 5° de l'article 1er. Il prévoit leur financement. (...) ". Aux termes de l'article 7 du même décret : " Les agents bénéficient, sur leur demande, des actions du plan de formation, sous réserve des nécessités de fonctionnement du service. (...) ". Aux termes de l'article 8 du ce décret : " Les agents qui suivent une formation inscrite au plan de formation de l'établissement bénéficient, pendant leur temps de travail, du maintien de leur rémunération. Lorsqu'ils ont la qualité de fonctionnaire ils sont maintenus en position d'activité ou, le cas échéant, de détachement. / Dans les cas prévus aux 3° et 4° de l'article 1er, les agents conservent leur traitement, leur indemnité de résidence et leurs indemnités à caractère familial. Ils conservent les autres indemnités et primes lorsque la durée totale d'absence pendant les heures de service n'excède pas en moyenne une journée par semaine dans l'année. / Dans le cas prévu au 6° de l'article 1er, les agents sont rémunérés dans les conditions définies à l'article 31. ".
3. Il résulte de l'instruction qu'une note interne du 23 juillet 2013 a informé le personnel du centre hospitalier Edouard Toulouse des modalités d'évaluation et de sélection des candidats aux études promotionnelles en apportant des précisions quant aux modalités de la prise en charge financière de ces études. A ce titre, la demande de Mme D... adressée à son employeur, qui tendait à la prise en charge de sa formation à l'institut de formation des cadres de santé d'Aix-en-Provence, portait sur l'application du régime relatif aux actions de formation relevant du 4° de l'article 1er du décret du 21 août 2008. En conséquence, cette demande tendait tant à la prise en charge des frais de formation qu'au maintien du traitement de l'intéressée au cours de la période de formation.
Sur les conclusions de Mme D...relatives à la perte de son traitement, au retard dans l'avancement et au rachat de cotisations de retraite :
4. D'une part, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Cette règle, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.
5. D'autre part, l'expiration du délai permettant d'introduire un recours en annulation contre une décision expresse dont l'objet est purement pécuniaire fait obstacle à ce que soient présentées des conclusions indemnitaires ayant la même portée.
6. Il résulte de l'instruction que Mme D... a eu connaissance de la décision du directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse du 8 janvier 2015 au plus tard le 27 janvier 2015, date de son recours gracieux et qu'elle n'a exercé aucun recours juridictionnel à son encontre. La demande de l'intéressée tend notamment à la condamnation du centre hospitalier Edouard Toulouse à lui verser une indemnité réparant la perte de traitement subie du 9 octobre 2015 au 24 juin 2016, le retard dans l'avancement et le rachat de cotisations de retraite dus à l'illégalité de la décision du 8 janvier 2015. Ces conclusions se rattachent aux conséquences pécuniaires qui sont inséparables de cette décision. Sauf circonstances particulières dont se prévaudrait son destinataire, le délai raisonnable dans lequel doit être engagé le recours en annulation contre une décision expresse dont l'objet est purement pécuniaire ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle cette décision a été notifiée à son destinataire ou portée à sa connaissance et non pas de la date à laquelle l'administration aurait reçu une demande préalable d'indemnité de même objet présentée par le requérant sur le fondement de l'article R. 421-1 du code de justice administrative. Ainsi, la circonstance que Mme D... a présenté une demande préalable d'indemnité, reçue par le centre hospitalier Edouard Toulouse le 18 janvier 2016, est sans incidence sur le déclenchement et le cours du délai. Ni la consultation ultérieure d'un avocat, ni les conséquences de la privation du traitement perçue par l'intéressée ne constituent par ailleurs des circonstances particulières de nature à conserver à l'égard de la requérante le délai de recours contentieux à l'encontre de cette décision. Dans ces conditions, la décision du directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse du 8 janvier 2015 était devenue définitive à la date du 17 mai 2016 à laquelle la demande de Mme D... a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté comme irrecevables ses conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier Edouard Toulouse à lui verser une indemnité réparant la perte de traitement subie du 9 octobre 2015 au 24 juin 2016, le retard dans l'avancement et le rachat de cotisations de retraite.
Sur les conclusions de Mme D...relatives à la réparation du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence :
7. En revanche, les conclusions de Mme D... présentées devant le tribunal administratif tendant à la réparation du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence résultant de l'illégalité de la décision du directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse du 8 janvier 2015 n'ont pas la même portée que les conséquences pécuniaires de cette décision. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a estimé que ces conclusions n'étaient pas recevables. Dès lors, le jugement attaqué doit être annulé dans cette mesure.
8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par Mme D... devant le tribunal administratif de Marseille tendant à la réparation du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence résultant de l'illégalité de la décision du directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse du 8 janvier 2015.
9. Si l'existence d'un plan de formation au sein d'un établissement hospitalier implique que ses agents disposent d'un droit à suivre les actions de formation qui y sont inscrites, ce droit s'exerce sous réserve, d'une part, de l'adéquation de la demande de l'agent avec les objectifs et moyens du plan et, d'autre part, de l'intérêt du service à la date où est formulée la demande.
10. Pour rejeter la demande de prise en charge de formation présentée par Mme D..., le centre hospitalier Edouard Toulouse s'est fondé, comme l'indique la décision du 8 janvier 2015, sur la corrélation du nombre de départ en études professionnelles avec le nombre de postes prévisionnels futurs selon les fonctions. Quatre agents sur les six ayant été admis au concours d'entrée à l'IFCS d'Aix-en-Provence ont ainsi bénéficié de la prise en charge de leur formation au titre des années 2015 et 2016. Confirmant sur ce point des explications précédemment fournies à la requérante, la lettre du 18 février 2015 rejetant le recours gracieux de l'intéressée ajoute qu'elle n'a pas été retenue au motif qu'elle avait travaillé exclusivement de nuit au sein de l'établissement, alors qu'une expérience de travail de jour aurait permis d'évaluer ses compétences et sa motivation pour devenir cadre. L'administration n'était pas tenue par les dispositions de la note interne du 23 juillet 2013 citée au point 3 prévoyant que le critère de l'ancienneté était déterminant sans pour autant être unique. La requérante n'apporte aucun élément de nature à établir que le profil des agents ayant bénéficié de la prise en charge demandée correspondait moins que le sien aux besoins de recrutement futurs du centre hospitalier. En dépit des qualités professionnelles manifestées par Mme D... relevées sur ses fiches d'évaluation annuelles, en rejetant sa demande de prise en charge, le directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse n'a commis ni une erreur manifeste dans l'appréciation de l'adéquation de cette demande avec les objectifs et moyens du plan de formation et de l'intérêt du service, ni une erreur de droit au regard des dispositions citées au point 2.
11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par Mme D... tendant à la réparation du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence résultant de l'illégalité de la décision du directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse du 8 janvier 2015 ne sont pas fondées et doivent, en conséquence, être rejetées.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier Edouard Toulouse, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme D...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du centre hospitalier Edouard Toulouse présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 juillet 2017 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions présentées par Mme D... tendant à la réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence résultant de l'illégalité de la décision du directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse du 8 janvier 2015.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme D... devant le tribunal administratif de Marseille tendant à la réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence résultant de l'illégalité de la décision du directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse du 8 janvier 2015 et le surplus des conclusions de sa requête devant la Cour sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier Edouard Toulouse tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D...et au centre hospitalier Edouard Toulouse.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2019, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Jorda, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 mai 2019.
N° 17MA03827 2
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre hospitalier Edouard Toulouse à lui verser la somme de 43 728 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 8 janvier 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse lui a refusé la prise en charge financière d'une formation de cadre de santé.
Par un jugement n° 1604168 du 12 juillet 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 septembre 2017, Mme D..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 juillet 2017 ;
2°) de condamner le centre hospitalier Edouard Toulouse à lui verser la somme de 43 728 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 8 janvier 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse lui a refusé la prise en charge financière d'une formation de cadre de santé ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Edouard Toulouse la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le principe de sécurité juridique qui fait obstacle à la possibilité de contester indéfiniment une décision individuelle dont son destinataire a eu connaissance est sans application dans les litiges indemnitaires ;
- la décision du 8 janvier 2015 refusant la prise en charge financière d'une formation de cadre de santé n'a pas un objet purement pécuniaire ;
- elle a exercé son action dans un délai raisonnable compte tenu des circonstances particulières dont elle justifie ;
- en tout état de cause, le caractère définitif de cette décision ne rendrait pas irrecevable une action en responsabilité qui ne serait pas exclusivement fondée sur l'illégalité de celle-ci ;
- le motif tiré de ce qu'elle travaille de nuit et qu'elle n'a pu faire la preuve de ses compétences professionnelles n'a pu régulièrement fonder la décision refusant de lui accorder un congé de formation professionnelle au regard des dispositions du décret n° 2008-824 du 21 août 2008 ;
- le directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse a omis de faire application des critères fixés par la note d'information du 23 juillet 2013 ;
- la perte de traitement résultant de l'illégalité de la décision litigieuse s'élève à 19 000 euros ;
- le préjudice financier lié au retard dans l'avancement doit être réparé à hauteur de 2 228 euros ;
- huit mois et demi de cotisations de retraite seront à racheter pour un montant de 7 500 euros ;
- le préjudice moral et les troubles subis dans les conditions d'existence seront réparés à hauteur de 15 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2018, le centre hospitalier Edouard Toulouse, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 5 mars 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er avril 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 2008-824 du 21 août 2008 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., représentant Mme D...et de MeB..., substituant MeC..., représentant le centre hospitalier Edouard Toulouse.
Une note en délibéré, présentée pour MmeD..., a été enregistrée le 14 mai 2019.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., infirmière titulaire employée par le centre hospitalier Edouard Toulouse, affectée au " pool de nuit ", a été admise en 2014 au concours d'entrée à l'institut de formation des cadres de santé (IFCS) d'Aix-en-Provence à la suite d'une préparation prise en charge par son employeur. Elle a demandé, le 8 novembre 2014, la prise en charge financière de la formation correspondante assurée à temps plein de septembre 2015 à juin 2016, en vue de l'obtention du diplôme de cadre de santé et du master " encadrement dans le secteur sanitaire et social parcours cadre de santé ". Par lettre du 8 janvier 2015, le directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse a refusé de faire droit à cette demande. Le 27 janvier suivant, Mme D..., réitérant sa demande de prise en charge financière et sollicitant également l'attribution d'un congé de formation professionnelle, a présenté à l'encontre de cette décision, un recours gracieux qui a été rejeté le 18 février 2015. A la demande de Mme D... et en vue de lui permettre de suivre la formation en cause, le directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse, par décision du 25 août 2015, l'a placée en disponibilité pour une durée d'un an à partir du 9 octobre 2015. L'intéressée fait appel du jugement du 12 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier Edouard Toulouse à lui verser une indemnité en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 8 janvier 2015.
2. En vertu de l'article 22 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le droit à la formation permanente est reconnu aux fonctionnaires. Aux termes de l'article 1er du décret du 21 août 2008 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de la fonction publique hospitalière : " (...) La formation professionnelle tout au long de la vie comprend principalement les actions ayant pour objet : (...) 4° De permettre aux agents de suivre des études favorisant la promotion professionnelle, débouchant sur les diplômes ou certificats du secteur sanitaire et social dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé ; (...) 6° De permettre aux agents de parfaire leur formation en vue de réaliser des projets personnels et professionnels, grâce notamment au congé de formation professionnelle ; (...) ".
Aux termes de l'article 6 du même décret : " Le plan de formation de l'établissement est établi chaque année selon les modalités définies à l'article 37. Il détermine les actions de formation initiale et continue organisées par l'employeur ou à l'initiative de l'agent avec l'accord de l'employeur relevant des 1°, 2°, 3°, 4° et 5° de l'article 1er. Il prévoit leur financement. (...) ". Aux termes de l'article 7 du même décret : " Les agents bénéficient, sur leur demande, des actions du plan de formation, sous réserve des nécessités de fonctionnement du service. (...) ". Aux termes de l'article 8 du ce décret : " Les agents qui suivent une formation inscrite au plan de formation de l'établissement bénéficient, pendant leur temps de travail, du maintien de leur rémunération. Lorsqu'ils ont la qualité de fonctionnaire ils sont maintenus en position d'activité ou, le cas échéant, de détachement. / Dans les cas prévus aux 3° et 4° de l'article 1er, les agents conservent leur traitement, leur indemnité de résidence et leurs indemnités à caractère familial. Ils conservent les autres indemnités et primes lorsque la durée totale d'absence pendant les heures de service n'excède pas en moyenne une journée par semaine dans l'année. / Dans le cas prévu au 6° de l'article 1er, les agents sont rémunérés dans les conditions définies à l'article 31. ".
3. Il résulte de l'instruction qu'une note interne du 23 juillet 2013 a informé le personnel du centre hospitalier Edouard Toulouse des modalités d'évaluation et de sélection des candidats aux études promotionnelles en apportant des précisions quant aux modalités de la prise en charge financière de ces études. A ce titre, la demande de Mme D... adressée à son employeur, qui tendait à la prise en charge de sa formation à l'institut de formation des cadres de santé d'Aix-en-Provence, portait sur l'application du régime relatif aux actions de formation relevant du 4° de l'article 1er du décret du 21 août 2008. En conséquence, cette demande tendait tant à la prise en charge des frais de formation qu'au maintien du traitement de l'intéressée au cours de la période de formation.
Sur les conclusions de Mme D...relatives à la perte de son traitement, au retard dans l'avancement et au rachat de cotisations de retraite :
4. D'une part, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Cette règle, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.
5. D'autre part, l'expiration du délai permettant d'introduire un recours en annulation contre une décision expresse dont l'objet est purement pécuniaire fait obstacle à ce que soient présentées des conclusions indemnitaires ayant la même portée.
6. Il résulte de l'instruction que Mme D... a eu connaissance de la décision du directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse du 8 janvier 2015 au plus tard le 27 janvier 2015, date de son recours gracieux et qu'elle n'a exercé aucun recours juridictionnel à son encontre. La demande de l'intéressée tend notamment à la condamnation du centre hospitalier Edouard Toulouse à lui verser une indemnité réparant la perte de traitement subie du 9 octobre 2015 au 24 juin 2016, le retard dans l'avancement et le rachat de cotisations de retraite dus à l'illégalité de la décision du 8 janvier 2015. Ces conclusions se rattachent aux conséquences pécuniaires qui sont inséparables de cette décision. Sauf circonstances particulières dont se prévaudrait son destinataire, le délai raisonnable dans lequel doit être engagé le recours en annulation contre une décision expresse dont l'objet est purement pécuniaire ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle cette décision a été notifiée à son destinataire ou portée à sa connaissance et non pas de la date à laquelle l'administration aurait reçu une demande préalable d'indemnité de même objet présentée par le requérant sur le fondement de l'article R. 421-1 du code de justice administrative. Ainsi, la circonstance que Mme D... a présenté une demande préalable d'indemnité, reçue par le centre hospitalier Edouard Toulouse le 18 janvier 2016, est sans incidence sur le déclenchement et le cours du délai. Ni la consultation ultérieure d'un avocat, ni les conséquences de la privation du traitement perçue par l'intéressée ne constituent par ailleurs des circonstances particulières de nature à conserver à l'égard de la requérante le délai de recours contentieux à l'encontre de cette décision. Dans ces conditions, la décision du directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse du 8 janvier 2015 était devenue définitive à la date du 17 mai 2016 à laquelle la demande de Mme D... a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté comme irrecevables ses conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier Edouard Toulouse à lui verser une indemnité réparant la perte de traitement subie du 9 octobre 2015 au 24 juin 2016, le retard dans l'avancement et le rachat de cotisations de retraite.
Sur les conclusions de Mme D...relatives à la réparation du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence :
7. En revanche, les conclusions de Mme D... présentées devant le tribunal administratif tendant à la réparation du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence résultant de l'illégalité de la décision du directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse du 8 janvier 2015 n'ont pas la même portée que les conséquences pécuniaires de cette décision. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a estimé que ces conclusions n'étaient pas recevables. Dès lors, le jugement attaqué doit être annulé dans cette mesure.
8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par Mme D... devant le tribunal administratif de Marseille tendant à la réparation du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence résultant de l'illégalité de la décision du directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse du 8 janvier 2015.
9. Si l'existence d'un plan de formation au sein d'un établissement hospitalier implique que ses agents disposent d'un droit à suivre les actions de formation qui y sont inscrites, ce droit s'exerce sous réserve, d'une part, de l'adéquation de la demande de l'agent avec les objectifs et moyens du plan et, d'autre part, de l'intérêt du service à la date où est formulée la demande.
10. Pour rejeter la demande de prise en charge de formation présentée par Mme D..., le centre hospitalier Edouard Toulouse s'est fondé, comme l'indique la décision du 8 janvier 2015, sur la corrélation du nombre de départ en études professionnelles avec le nombre de postes prévisionnels futurs selon les fonctions. Quatre agents sur les six ayant été admis au concours d'entrée à l'IFCS d'Aix-en-Provence ont ainsi bénéficié de la prise en charge de leur formation au titre des années 2015 et 2016. Confirmant sur ce point des explications précédemment fournies à la requérante, la lettre du 18 février 2015 rejetant le recours gracieux de l'intéressée ajoute qu'elle n'a pas été retenue au motif qu'elle avait travaillé exclusivement de nuit au sein de l'établissement, alors qu'une expérience de travail de jour aurait permis d'évaluer ses compétences et sa motivation pour devenir cadre. L'administration n'était pas tenue par les dispositions de la note interne du 23 juillet 2013 citée au point 3 prévoyant que le critère de l'ancienneté était déterminant sans pour autant être unique. La requérante n'apporte aucun élément de nature à établir que le profil des agents ayant bénéficié de la prise en charge demandée correspondait moins que le sien aux besoins de recrutement futurs du centre hospitalier. En dépit des qualités professionnelles manifestées par Mme D... relevées sur ses fiches d'évaluation annuelles, en rejetant sa demande de prise en charge, le directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse n'a commis ni une erreur manifeste dans l'appréciation de l'adéquation de cette demande avec les objectifs et moyens du plan de formation et de l'intérêt du service, ni une erreur de droit au regard des dispositions citées au point 2.
11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par Mme D... tendant à la réparation du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence résultant de l'illégalité de la décision du directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse du 8 janvier 2015 ne sont pas fondées et doivent, en conséquence, être rejetées.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier Edouard Toulouse, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme D...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du centre hospitalier Edouard Toulouse présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 juillet 2017 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions présentées par Mme D... tendant à la réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence résultant de l'illégalité de la décision du directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse du 8 janvier 2015.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme D... devant le tribunal administratif de Marseille tendant à la réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence résultant de l'illégalité de la décision du directeur du centre hospitalier Edouard Toulouse du 8 janvier 2015 et le surplus des conclusions de sa requête devant la Cour sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier Edouard Toulouse tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D...et au centre hospitalier Edouard Toulouse.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2019, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Jorda, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 mai 2019.
N° 17MA03827 2