CAA de LYON, 1ère chambre - formation à 3, 07/05/2019, 18LY01632, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 12 janvier 2016 et du 4 avril 2016 par lesquels le maire de la commune de La Terrasse a délivré un permis de construire et un permis de construire modificatif à la SAS l'Immobilière de la Vallée du Rhône pour la construction, après démolition d'un bâtiment à usage de garages, d'un immeuble de douze logements collectifs avenue du Grésivaudan, ainsi que la décision du 6 avril 2016 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1603131 du 8 mars 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 mai 2018 et 9 janvier 2019, M. et Mme E..., représentés par Me C..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 mars 2018 ;
2°) d'annuler les permis de construire et permis de construire modificatif des 12 janvier 2016 et 4 avril 2016, ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux ;
3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la commune de La Terrasse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
- le dossier de demande de permis de construire initial ne comporte pas de notice en violation de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ;
- le plan de masse n'est pas côté dans les trois dimensions, en violation de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme ;
- la production au stade du permis modificatif de l'attestation prévue par l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme n'a pu régulariser le permis initial, dès lors qu'elle a été délivrée postérieurement au permis initial et que le maire, lorsqu'il a délivré ce permis, n'était pas en mesure d'apprécier les éventuels risques que le projet est susceptible d'entraîner pour la sécurité publique ;
- le projet, en ce qu'il ne comporte pas d'étude préalable, et ne prévoit pas de système de surverse, méconnaît l'article R. 431-16 f) du code de l'urbanisme et les prescriptions du plan de prévention des risques naturels (PPRN) ;
- le projet de permis modificatif prévoit désormais un accès direct sur l'avenue du Grésivaudan, qui n'a pas donné lieu à l'accord préalable du gestionnaire de la voie en méconnaissance de l'article UA 3 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) ;
- le projet, faute de déclassement préalable et en l'absence d'accord du gestionnaire du domaine en surplomb duquel les éléments en saillie de la construction en façade sud-est doivent être édifiés, méconnaît l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme ; le maire n'a pu légalement donner son accord sur ce point ;
- le projet, en ce qu'il ne respecte pas les règles de construction parasismique applicables aux bâtiments de la classe dite "à risque normal" édictées par l'arrêté du 22 octobre 2010, méconnaît les articles L. 563-1 et R. 563-1 du code de l'environnement, ainsi que l'article UA 2 du règlement du PLU ;
- le projet, en tant qu'il prévoit, notamment, une toiture terrasse dont le choix ne résulte pas d'une composition architecturale d'ensemble, un enduit de couleur blanc en façade, des ouvertures majoritairement plus larges que hautes, un soubassement extérieur en béton, méconnaît l'article UA 11 du règlement du PLU ;
- le projet, par son architecture moderne, porte atteinte au caractère des lieux avoisinants, en méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;
- le projet méconnaît l'article UA 13 du règlement du PLU relatives au caractère unitaire de l'espace-rue ;
- le projet, en ce que sa hauteur de près de 12 mètres dépasse la hauteur moyenne des constructions environnantes, méconnaît l'article UA 10 du règlement du PLU ;
- le projet, compte tenu des caractéristiques des garages prétendument doubles, méconnaît l'article UA 12 du règlement du PLU.

Par un mémoire enregistré le 26 juillet 2018 et un mémoire enregistré le 15 mars 2019 qui n'a pas été communiqué, la SAS L'Immobilière de la Vallée du Rhône, représentée par la SELARL Cabinet Champauzac, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- les articles L. 563-1 et R. 563-1 du code de l'environnement ne sont pas directement opposables aux permis de construire ;
- les moyens soulevés sont infondés.

Par un mémoire enregistré le 9 janvier 2019 qui n'a pas été communiqué, la commune de La Terrasse, représentée par Me D..., conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 mars 2018, à l'annulation des permis de construire et permis de construire modificatif des 12 janvier 2016 et 4 avril 2016 ainsi que de la décision rejetant le recours gracieux de M. et Mme E....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;
- et les observations de Me A... pour M. et Mme E..., ainsi que celles de Me B... pour la SAS l'Immobilière de la vallée du Rhône ;



Considérant ce qui suit :


1. M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 8 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du maire de la commune de La Terrasse des 12 janvier 2016 et 4 avril 2016 délivrant un permis de construire et un permis de construire modificatif à la SAS L'Immobilière de la Vallée du Rhône, ainsi que la décision du 6 avril 2016 rejetant leur recours gracieux contre le permis initial.

Sur la recevabilité des conclusions présentées par la commune de La Terrasse :

2. La commune de La Terrasse, au nom de laquelle les permis de construire en litige ont été délivrés et qui a la qualité de défendeur dans la présente instance, n'est recevable à demander ni l'annulation du jugement attaqué, qui, par son dispositif, rejette intégralement la demande de première instance, ni celle des arrêtés des 12 janvier 2016 et 4 avril 2016 par lesquels un permis de construire et un permis de construire modificatif ont été délivrés à la SAS l'Immobilière de la Vallée du Rhône ou de la décision de son maire portant rejet du recours gracieux de M. et Mme E....

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. Il ressort des pièces du dossier que, conformément aux exigences de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, les requérants ont, par des courriers recommandés envoyés le 2 juin 2016, notifié à la SAS l'Immobilière de la Vallée du Rhône ainsi qu'à la commune de La Terrasse leur demande enregistrée le même jour au greffe du tribunal administratif de Grenoble. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune en première instance sur ce point, doit être écartée.

4. Contrairement à ce que soutient la SAS L'Immobilière de la Vallée du Rhône, M. et Mme E... ont justifié devant le tribunal administratif de leur qualité de propriétaires d'un bien qui jouxte le terrain d'assiette du projet. Ils ont fait valoir devant le tribunal l'importance du projet de construction d'un immeuble de trois étages en limite de propriété et justifient ainsi, eu égard à leur situation particulière de voisins immédiats de ce projet de construction, de leur intérêt pour agir contre les permis en litige.

Sur la légalité des permis en litige :

5. Lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à sa délivrance, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif, dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial. Il y a lieu, dès lors, d'apprécier la légalité du permis de construire initial en tenant compte des modifications apportées par le permis modificatif délivré le 4 avril 2016.

En ce qui concerne la présentation et l'instruction de la demande de permis :

6. En premier lieu, si les requérants soutiennent que le dossier de demande de permis de construire initial ne comportait aucune notice conforme aux dispositions de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme, un tel moyen doit être écarté comme inopérant dès lors que le permis de construire modificatif a eu notamment pour objet la modification et l'enrichissement de cette notice. Il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas même allégué que le projet architectural du dossier de permis de construire modificatif n'aurait pas permis à l'autorité administrative de porter une appréciation éclairée sur l'insertion du projet dans son environnement.

7. En deuxième lieu, la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

8. Si le plan de masse n'est pas coté dans les trois dimensions, contrairement à ce qu'exige l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme, les autres plans joints au dossier de permis modificatif, en particulier le plan en coupe, qui indique notamment le niveau du terrain naturel, permettent d'apprécier le volume de la construction projetée ainsi que sa hauteur.

9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la demande du permis de construire modificatif était assortie d'une attestation de la société Bureau Alpes Contrôles certifiant qu'elle avait fait connaître au maître d'ouvrage du projet son avis sur la prise en compte des règles parasismiques, conformément aux dispositions alors applicables du d) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme. L'absence de cette attestation au dossier de permis de construire initial ne peut plus être utilement invoquée ainsi qu'il est dit au point 5.

10. En quatrième lieu, le e) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable, devenu le f) de cet article, prévoit que le dossier comprend, lorsque la construction projetée est subordonnée par un plan de prévention des risques naturels (PPRN) prévisibles approuvé à la réalisation d'une étude préalable, une attestation établie par l'architecte du projet ou par un expert certifiant la réalisation de cette étude et constatant que le projet prend en compte ces conditions au stade de la conception.

11. Il ressort des pièces du dossier que le bâtiment projeté se situe en zone Bv et les stationnements en zone Bg2 du PPRN approuvé le 22 septembre 2015. Dans la zone Bv, zone bleue exposée au risque de ruissellement sur versant, le règlement du PPRN autorise les constructions sans exiger la réalisation d'études préalables. Dans la zone Bg2, zone bleue exposée au risque de glissement de terrain, le règlement du PPRN soumet les seules constructions, dont ne relèvent pas les emplacements de stationnement extérieurs du projet, à la réalisation d'une étude géotechnique de sol ainsi que, le cas échant, d'une étude de structure, et autorise les affouillements et exhaussements adaptés à la nature du terrain et n'aggravant pas le risque d'instabilité en recommandant, sans l'exiger, la réalisation d'une étude géotechnique de stabilité de versant. Le moyen tiré de la méconnaissance du e) de l'article R. 431-16 doit dès lors être écarté.

En ce qui concerne l'accord de l'autorité gestionnaire du domaine public :

12. D'une part, le dossier de demande de permis de construire initial, que le permis de construire modificatif n'a pas modifié sur ce point ainsi qu'il résulte du volet paysager du dossier de demande de permis modificatif, prévoit, en façade sud-est, un panneau en verre fixe de type "Réglite" qui, contrairement à ce qui est soutenu, ne sert pas d'accès au bâtiment projeté. Le moyen selon lequel le projet le permis modificatif n'aurait pu être délivré sans l'accord préalable du service gestionnaire de la voirie, en application de l'article UA3 du règlement du PLU, au motif qu'il créerait un tel accès manque ainsi en fait.

13. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public. ".

14. Il ressort des pièces du dossier que la façade sud-est du projet, implantée à l'alignement de l'avenue Grésivaudan, qui est une route départementale, comporte des jardinières en saillie qui surplombent le trottoir, lequel est l'accessoire de la voie. Si le dossier de permis de construire comportait une attestation du maire de La Terrasse autorisant la SAS l'Immobilière de la Vallée du Rhône à surplomber ainsi le domaine public de 20 centimètres, seule une pièce exprimant l'accord du président du conseil départemental, autorité gestionnaire de la voie en application de l'article L. 3221-4 du code général des collectivités territoriales, pour engager la procédure d'autorisation d'occupation de cette dépendance du domaine public routier départemental sans qu'un déclassement soit requis, serait de nature à satisfaire aux exigences de l'article R. 431-13 cité au point précédent.

En ce qui concerne la prise en compte du risque sismique ou cyclonique :

15. Si les requérants soutiennent que le projet autorisé, situé en zone de sismicité 4, méconnaîtrait les mesures préventives applicables en vertu du code de l'environnement à la catégorie des bâtiments "à risque normal" dont relèveraient les bâtiments collectifs, et en particulier la norme de construction "NF EN 1998-1 septembre 2005 et la valeur d'accélération agr = 0,96 m/s² applicables en vertu de l'arrêté ministériel du 22 octobre 2010 relatif à la classification et aux règles de construction parasismique applicables aux bâtiments de la classe dite "à risque normal", ce moyen doit être écarté comme inopérant, une telle norme relevant d'une législation distincte de celle qui régit les autorisations délivrées en application du code de l'urbanisme, comme le rappelle en l'espèce le permis du 12 janvier 2016 qui prescrit au pétitionnaire de s'assurer que son projet respecte toute législation ou réglementation spécifique à sa construction.

16. Par ailleurs, alors que le permis de construire modificatif vise le PPRN et que le dossier de demande comportait l'attestation visée au point 9, il ne ressort pas des pièces du dossier que le permis de construire modificatif n'aurait pas pris en compte l'existence du risque sismique en méconnaissance des dispositions de l'article UA 2 du règlement du PLU.

En ce qui concerne le respect du PPRN :

17. Ainsi qu'il a été dit, le bâtiment projeté se situe en zone Bv dans laquelle le règlement du PPRN approuvé le 22 septembre 2015, annexé au PLU, prévoit la maîtrise des rejets d'eaux usées et pluviales dans les réseaux existants ou dans un exécutoire superficiel capable de recevoir un débit supplémentaire sans aggraver les risques ou en provoquer de nouveaux. Il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit de se raccorder aux réseaux communaux situés sur l'avenue du Grésivaudan et est complété par un ouvrage de rétention de 11 m3 pour le traitement des toitures, voiries et espaces verts. La seule circonstance que le projet, qui a fait l'objet d'un avis favorable de la direction départementale des territoires sur ce point, ne prévoirait pas le système de surverse préconisé par le bureau d'étude géotechnique pour évacuer un débit de pluie dont la période de retour est supérieur à dix ans, ne saurait suffire à établir qu'il ne serait pas conforme aux prescriptions du PPRN.

En ce qui concerne le respect du règlement du PLU :

18. Pour les motifs exposés au point 12, le moyen tiré de ce que le projet prévoirait un nouvel accès dangereux sur l'avenue du Grésivaudan et méconnaîtrait ainsi les dispositions de l'article UA 3 du règlement du PLU limitant le nombre des accès sur les voies publiques, manque en fait.

19. L'article UA 12 du règlement du PLU relatif au stationnement exige, au-delà de 120 m² de surface de plancher, " une place par tranche de 40 m² dont 50% non couverte arrondi à l'unité inférieure ". Le projet prévoit douze garages intérieurs et douze places de parking extérieures traitées en "evergreen", soit une de plus que le nombre requis compte tenu des caractéristiques de la construction. La circonstance que le projet comporte deux ensembles de garages doubles dont la configuration ne permettrait pas aux véhicules de manoeuvrer de manière autonome ne suffit pas à les faire regarder comme étant inutilisables ou inaccessibles dans une mesure permettant de caractériser en l'espèce la méconnaissance par le projet des dispositions de l'article UA 12.

20. Aux termes de l'article UA 11 du règlement du PLU relatif à l'aspect extérieur des constructions et l'aménagement de leurs abords : " (...) Toute nouvelle construction, y compris les bâtiments de conception contemporaine, est autorisée, à condition que soient respectés les paramètres caractéristiques de l'architecture d'origine de la zone : / Pentes, couvertures et débords des toitures, / seules les toitures à plusieurs pans reliés sont autorisées. Les toitures à pans inversés sont interdites. / La pente des toitures est comprise entre 40 et 100 %. Toutefois une pente inférieure ou une toiture terrasse sont autorisées sous réserve de participer à une composition architecturale d'ensemble (vérandas, éléments de liaison, meilleure insertion dans la pente du terrain). (...) / Composition des façades, jeu des pleins et des vides / D'une manière générale, les fenêtres sont plus hautes que larges. / La composition des façades et de la toiture doit retrouver les rythmes verticaux et horizontaux caractéristiques de la zone. / Matériaux et couleurs / les matériaux et les couleurs pouvant être mis en oeuvre pour les revêtements des parties extérieures des constructions sont d'aspect et de couleurs discrets s'alliant avec la conception architecturale du projet et avec son environnement naturel et urbain, conformément au nuancier matériaux et couleurs déposé en mairie. / L'emploi à nu, en parements extérieurs, de matériaux normalement conçus pour être recouverts d'un enduit ou d'un autre type de revêtement est interdit. / en façade, l'emploi de matériaux réfléchissants (à l'exception des panneaux solaires), blancs et de couleurs trop contrastées (et non justifiés par le projet) est interdit. / (...) ".

21. D'une part, le projet comporte certaines façades dont le revêtement blanc lumière n'est pas conforme aux dispositions précitées qui interdisent en façade l'emploi de matériaux blancs.

22. D'autre part, le projet comporte une toiture-terrasse qui résulte d'un choix architectural sans participer à une composition architecturale d'ensemble au sens des dispositions citées au point 20. La SAS l'Immobilière de la Vallée du Rhône oppose le fait que cette toiture est végétalisée et invoque l'article L. 111-6-2 alors en vigueur du code de l'urbanisme, dont les dispositions, désormais reprises à l'article L. 111-16, prévoient que " Nonobstant les règles relatives à l'aspect extérieur des constructions des plans locaux d'urbanisme, (...), le permis de construire (...) ne peut s'opposer à l'utilisation de matériaux renouvelables ou de matériaux ou procédés de construction permettant d'éviter l'émission de gaz à effet de serre, à l'installation de dispositifs favorisant la retenue des eaux pluviales (...) ". Toutefois, ces dispositions n'ont pas pour effet d'écarter l'application d'un PLU qui, sans interdire de tels matériaux ou procédés, impose des pentes minimales pour les toitures.

23. Par suite, le permis de construire du 12 janvier 2016, qui n'a pas été modifié sur ce point par le permis modificatif du 4 avril 2016, méconnaît les prescriptions de l'article UA 11 du règlement du PLU relatives aux matériaux et couleurs ainsi qu'aux caractéristiques des toitures.

24. En revanche, les ouvertures, qui ne sont pas majoritairement plus larges que hautes, tendent à reproduire l'architecture d'inspiration contemporaine de l'immeuble collectif situé à quelques mètres et le revêtement décoratif en béton matricé du soubassement ne saurait être assimilé à l'emploi à nu d'un matériau normalement conçu pour être recouvert, prohibé par les dispositions citées au point 20.

25. Aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, désormais repris à l'article R. 111-27 de ce code, auquel renvoie l'article UA 11 du règlement du PLU de La Tearrasse : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

26. Pour soutenir que ces dispositions ont été méconnues, les requérants exposent que le projet se situe dans la partie sud de l'avenue du Grésivaudan, n'accueillant que des bâtiments d'habitation présentant une homogénéité architecturale et relèvent l'importance des dimensions ainsi que le caractère résolument contemporain de l'architecture du projet, marqué par la présence d'un toit-terrasse. Toutefois, si les maisons proches du terrain d'assiette du projet sont dotées de toitures à pans, d'autres bâtiments situés à proximité sont quant à eux pourvus de toitures-terrasses comparables à celle que prévoit le projet. Alors que la coupure entre la partie nord et sud de la voie n'est pas démontrée, et compte tenu des dimensions des immeubles d'habitation collective situés dans l'environnement immédiat du projet, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de La Terrasse a, en délivrant les permis en litige, entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard de ces dispositions.

27. Compte tenu de l'hétérogénéité des bâtiments dans le secteur où il s'implante, le projet, dont la hauteur n'excède pas par ailleurs la limite de 12 mètres fixée par l'article UA 10 du règlement du PLU, ne peut être regardé comme méconnaissant la règle fixant la hauteur maximale des constructions à la hauteur moyenne des constructions environnantes qui ne concerne que les secteurs partiellement bâtis présentant une unité d'aspect, ni l'article UA 13 de ce règlement qui impose que les façades sur voies soient conçues " de façon à assurer un caractère unitaire de l'espace-rue ".

Sur l'application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme :

28. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sa rédaction en vigueur à la date du présent arrêt : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. ".

29. Les illégalités relevées aux points 14, 21 et 22, qui n'affectent qu'une partie identifiable du projet, sont susceptibles d'être régularisées. Il y a lieu, en conséquence, en application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, d'annuler les permis de construire et permis modificatifs en litige en tant seulement que le projet surplombe une dépendance du domaine publique sans l'accord du gestionnaire de ce domaine et qu'il prévoit une toiture-terrasse ainsi qu'un revêtement blanc en façade et de fixer à deux mois le délai imparti au pétitionnaire pour solliciter la régularisation du projet sur ces points.

30. Il résulte de ce qui précède que, dans la mesure précisée aux points 14, 21 et 22, M. et Mme E... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande et à demander, dans cette même mesure, outre la réformation de ce jugement, l'annulation des permis de construire en litige ainsi que de la décision du 6 avril 2016 rejetant leur recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la SAS L'Immobilière de la Vallée du Rhône demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de M. et Mme E..., qui ne sont pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de La Terrasse le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme E....

DÉCIDE :
Article 1er : Le permis de construire du 12 janvier 2016 et le permis de construire modificatif du 4 avril 2016 ainsi que la décision du 6 avril 2016 prise sur recours gracieux sont annulés en tant que le projet surplombe une dépendance du domaine public sans l'accord du gestionnaire de ce domaine et qu'il prévoit une toiture-terrasse et un revêtement blanc en façade.
Article 2 : Le délai accordé à la SAS l'Immobilière de la Vallée du Rhône pour solliciter la régularisation de son projet est fixé à deux mois.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 mars 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 4 : La commune de La Terrasse versera à M. et Mme E... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E..., à la SAS L'Immobilière de la Vallée du Rhône et à la commune de La Terrasse.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grenoble.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2019 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 mai 2019.
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