Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 10/04/2019, 413252

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Mme E...A...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, en premier lieu, d'annuler la décision du 22 décembre 2010 par laquelle le président de la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay a rejeté sa demande de prise en compte de services antérieurs effectués dans la gendarmerie nationale au titre de son ancienneté dans la fonction publique territoriale, ainsi que la décision du 15 juin 2011 rejetant son recours gracieux dirigé contre cette décision, en deuxième lieu, de lui enjoindre de prendre en compte les services antérieurs en litige et, en dernier lieu, de condamner la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay à l'indemniser du préjudice subi du fait du refus de prendre en compte ces services antérieurs. Par un jugement n° 1101565 du 24 mars 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 15LY01679 du 13 juin 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de MmeD..., annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de la perte de rémunération qu'elle a subie à compter du 1er janvier 2006 et condamné la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay à lui verser une indemnité de 11 264,34 euros, puis rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 août et 10 novembre 2017 et 6 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de Mme D...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la défense ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 ;
- la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. C...Pez-Lavergne, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. B...Pellissier, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay et à la SCP. Poulet, Odent, avocat de MmeD....



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MmeD..., qui a exercé comme engagée volontaire dans la gendarmerie nationale de 1981 à 1997, a été recrutée par la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay le 18 juin 2001 en qualité d'agent administratif non titulaire, puis titularisée dans le grade d'agent administratif territorial à compter du 1er janvier 2003. Elle a, le 7 avril 2010, sollicité la prise en compte, à compter de la date de sa titularisation, de bonifications d'ancienneté militaire. Elle a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 22 décembre 2010, réitérée le 15 juin 2011, par laquelle le président de la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay a rejeté cette demande, d'enjoindre à la communauté d'agglomération de reconstituer sa carrière et de condamner cette dernière à l'indemniser des préjudices subis à raison de ce refus. Cette demande a été rejetée par jugement du 24 mars 2015. Sur appel de MmeD..., la cour administrative d'appel de Lyon a, par un arrêt du 13 juin 2017, annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de la perte de rémunération qu'elle a subie à compter du 1er janvier 2006 et condamné la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay à lui verser une indemnité de 11 264,34 euros. Le pourvoi de la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay doit être regardé comme dirigé contre cet arrêt en tant qu'il a partiellement accueilli l'appel de Mme D....

2. Aux termes de l'article 95 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires : " L'engagé ayant accompli des obligations d'une durée supérieure à celle du service actif bénéficie des dispositions relatives aux emplois réservés. (...) ". Selon l'article 96 de cette loi : " Pour l'accès aux emplois de l'État, des collectivités locales, des établissements publics et des entreprises publiques dont le personnel est soumis à un statut réglementaire, l'engagé visé au premier alinéa de l'article précédent bénéficie, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, des dispositions suivantes : (...) ". Aux termes de l'article 97 de la même loi : " Le temps passé sous les drapeaux pour un engagé accédant à un emploi visé à l'article 96 ci-dessus est compté pour l'ancienneté : / a) Pour les emplois de catégories C et D, ou de même niveau de qualification, pour sa durée effective jusqu'à concurrence de dix ans (...) ". Ces dispositions ont été abrogées et remplacées par celles de la loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires, qui ont réservé ces avantages aux seuls militaires bénéficiant d'" emplois réservés " dans la fonction publique civile.

3. Le droit pour un agent public, ancien militaire, à la prise en compte de ses services militaires antérieurs pour le calcul de son ancienneté est régi par les dispositions en vigueur à la date de sa titularisation dans la fonction publique civile, sauf dispositions contraires. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en faisant application des dispositions précitées de l'article 97 de la loi du 13 juillet 1972, qui étaient toujours en vigueur à la date de la titularisation de Mme D...en qualité d'agent administratif territorial.

4. Toutefois, ces dispositions doivent être interprétées comme réservant le droit de bénéficier d'une reprise d'ancienneté au militaire qui, au moment où il a été nommé dans la fonction publique civile, a été placé en position de détachement dans l'attente de son intégration ou de sa titularisation et a ainsi conservé la qualité de militaire jusqu'à la date à laquelle celle-ci a été prononcée. Elles n'ont ni pour objet ni pour effet d'ouvrir cette possibilité de reprise d'ancienneté à l'agent qui, ayant demandé sa radiation des cadres de l'armée, n'a pas été placé en position de détachement durant la période précédant son intégration ou sa titularisation et n'avait donc plus, à la date de celle-ci, la qualité de militaire. Dès lors, en jugeant que Mme D... avait droit au bénéfice de la reprise d'ancienneté prévue par ces dispositions, alors qu'il résultait des termes mêmes de son arrêt que l'intéressée n'avait plus la qualité de militaire à la date de son intégration dans la fonction publique territoriale, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé en tant qu'il a partiellement accueilli l'appel de MmeD....

5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par ailleurs, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er, 2 et 4 de l'arrêt du 13 juin 2017 de la cour administrative d'appel de Lyon sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : Les conclusions de la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay et de Mme D... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay et à Mme E...A...épouseD....

ECLI:FR:CECHR:2019:413252.20190410
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