CAA de LYON, 6ème chambre - formation à 3, 14/03/2019, 15LY03334, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour

Par un arrêt avant-dire droit du 28 septembre 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a ordonné une expertise aux fins de déterminer la ou les causes des désordres constatés sur l'immeuble appartenant à M. J...en précisant si ces derniers sont imputables aux défectuosités affectant l'immeuble du département de l'Ain, aux travaux entrepris par M. J... tels la réalisation d'une terrasse ou à l'état de l'immeuble de M.J..., ou encore à toute autre cause, et, dans le cas de causes multiples, en indiquant la part d'imputabilité propre à chacune d'entre elles.

L'expert a remis son rapport le 26 novembre 2018.

Par un mémoire enregistré le 18 décembre 2018, M. I...J..., représenté par MeM..., conclut à la condamnation du département de l'Ain à lui verser la somme de 137 721,85 euros en réparation des préjudices subis sur son immeuble du fait des infiltrations d'eau provenant de l'immeuble appartenant au département de l'Ain et à ce que la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel soient mis à la charge du département de l'Ain par les mêmes moyens ;

Il soutient que :
- il accepte les conclusions du rapport d'expertise réalisé par M. A... qui retient la responsabilité du département ; l'état du bâtiment appartenant au département a entraîné des infiltrations importantes d'eau dans le mur de séparation des immeubles générant des dégâts ; il accepte la part de 10 % retenu par l'expert dans les désordres occasionnés à son immeuble et imputé à l'état d'un mur de sa terrasse ;
- il conteste les conclusions du rapport d'expertise quant à l'évaluation de ses préjudices notamment du préjudice financier concernant les frais bancaires ;
- il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais exposés pour assurer sa défense tels les frais de constat d'huissier, d'architecte et de géomètre
Par un mémoire enregistré le 7 janvier 2019, le département de l'Ain, représenté par Me F..., conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens.
Il soutient en outre que :
- la requête est irrecevable compte tenu de ce qu'elle a été présentée à l'encontre du conseil général de l'Ain et du conseil départemental de l'Ain dès lors qu'outre le changement d'appellation en mars 2015, le conseil départemental est un organe délibérant qui ne dispose pas de la personnalité morale ;
- sur la cause des désordres ; l'expert fonde ses hypothèses sur le présupposé de la création de la terrasse postérieurement à l'effondrement du plancher du premier étage dans le bâtiment du département alors que la création de la terrasse est antérieure à l'apparition de tous les désordres ; la réfection de la toiture du bâtiment du département et du déplacement accidentel du pied neuf de noue en février 2014 n'a pas mis fin à l'humidité dans le bâtiment de M. J... alors que la réfection de la terrasse par M. J...à l'été 2016 y a mis fin ; l'humidité est plus forte côté immeuble de M. J...que dans son immeuble ; si le pied de noue a glissé accidentellement, il a été réparé le 17 février 2014 ; la fuite affectant son toit ne peut avoir généré une humidité telle qu'elle transperce l'épaisseur de deux murs en pierre et imbibe les solives des planchers et plafonds situées au-delà de ces deux murs alors que les voliges sont sèches ; la terrasse ouverte à toutes les précipitations fait office de réceptacle des eaux pluviales et son aspect interroge quant à sa qualité ; l'expert impute la persistance de l'humidité au solin sans préciser les dispositions exactes impliquant une obligation d'encastrement et ce alors que l'adhérence actuelle est suffisante et que l'expert ne retient pas l'effet protecteur du forget ; le mur n'a commencé à s'assécher que plus de trois années après la réfection définitive de la toiture en février 2014 mais seulement un an après la réfection de la terrasse ;
- sur les travaux réparatoires : il est pris acte du montant de 33 421 euros à l'exception de la reprise du crépi côté conseil général qui ne saurait être imputée au département en l'absence de toute preuve de la présence de végétation ; il conviendra d'appliquer un coefficient de vétusté d'au moins 50 % notamment sur la reprise du crépi et la reprise du plancher du 1er étage dont la réfection à neuf constitue une nette amélioration de l'existant ;
- sur les pertes financières : il appartient au requérant de démontrer qu'il n'a pas la capacité financière de procéder au préfinancement des travaux ; M. J...n'a produit aucun avis d'imposition ni aucun élément comptable permettant d'établir qu'il ne disposait pas des moyens financiers d'engager des travaux dès 2014 ;
- concernant l'appartement n° 1, ce studio est séparé du bâtiment du département par le couloir et aucune détérioration du plafond dans ce couloir n'a jamais été constatée ni même alléguée ; M. J...a varié de position quant à l'occupation de cet appartement et des locations offertes à M.B... ; l'occupation à titre gratuit en échange de travaux ne peut être considérée comme une perte de loyers ;
- l'expert indique que l'appartement du rez-de-chaussée côté rue, celui du 1er étage côté rue et la partie côté rue du 2ème étage n'ont pas été atteints par les infiltrations ; l'appartement du 2ème étage situé au-dessus du bâtiment du département pouvait être loué dans des conditions normales ; la décision de louer cet appartement pour un montant de 250 euros au lieu de 440 euros n'est pas justifiée ;
- il sollicite l'exclusion de toute indemnisation pour les appartements 1 et 4 qui n'ont pas été touchés directement par les infiltrations étant par rapport au bâtiment du département soit séparé par un couloir soit au-dessus ;
- concernant l'appartement n° 3 du 1er étage côté rue, la présence de M. H...n'a jamais été évoqué précédemment ; la régularité et la valeur probante de ce bail est contestable ;
- concernant l'appartement n° 2, rez-de-chaussée côté jardin, M. J...ne justifie d'aucune démarche en vue de réaliser des travaux ou de rechercher des locataires alors même que la cause des infiltrations a disparu depuis février 2014 ; à défaut, il ne faudra retenir qu'une période d'absence de location de 33 mois avec un loyer de 440 euros ;
- sur le préjudice complémentaire, cette demande infondée n'est pas justifiée dans son quantum ;
- sur les frais d'huissier, d'architecte et de géomètre, M. J...ne produit aucune facture ; ces frais ont été engagés par la seule volonté de M.J... ;

Le mémoire produit par le département de l'Ain et enregistré le 25 janvier 2019 après la clôture de l'instruction n'a pas été communiqué.

Par une ordonnance du 3 décembre 2018, les frais d'expertise ont été liquidés et taxés à la somme totale de 6 839,18 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de MeK..., représentant M.J..., et de MeD..., représentant le Département de l'Ain.


Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêt du 28 septembre 2017, la cour a ordonné, avant de se prononcer sur la requête de M. J...dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Lyon du 22 septembre 2015 ayant rejeté ses prétentions indemnitaires, qu'il soit procédé à une expertise en vue de déterminer la ou les causes des désordres constatés sur l'immeuble lui appartenant en précisant si ces derniers sont imputables aux défectuosités affectant l'immeuble du département de l'Ain, aux travaux entrepris par M. J...tels la réalisation d'une terrasse ou à l'état de l'immeuble de ce dernier, ou encore à toute autre cause, et, dans le cas de causes multiples, en indiquant la part d'imputabilité propre à chacune d'entre elles. L'expert, M.A..., a déposé son rapport le 26 novembre 2018.


Sur la recevabilité de la requête :

2. Si les conclusions indemnitaires présentées par M. J...sont dirigées contre le conseil général ou le conseil départemental du département de l'Ain et non contre le département en tant que tel, il ressort clairement de ses écritures que le requérant a ainsi entendu désigner la collectivité publique que constitue le département de l'Ain. En tout état de cause, la circonstance que les conclusions seraient mal dirigées est sans incidence sur la recevabilité de la requête.

Sur la responsabilité du département de l'Ain :

3. Même en l'absence de faute, le maître de l'ouvrage et, le cas échéant, l'entrepreneur chargé des travaux, ainsi que son sous-traitant ayant réalisé les travaux publics en cause sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages accidentels causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime. Il appartient au tiers, victime d'un dommage de travaux publics, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre, d'une part, les travaux publics et, d'autre part, le dommage dont il se plaint. Dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable.

4. Selon les conclusions du rapport d'expertise réalisé par M.A..., les désordres qui affectent l'immeuble de M. J...résident essentiellement dans un défaut d'entretien du bâtiment du département. L'expert a fixé la part des dommages imputables au département à hauteur de 90 %, laissant une part de 10 % à la charge de M. J...en raison de l'absence d'entretien du mur longeant sa terrasse.

5. Le département de l'Ain conteste les conclusions de l'expert en faisant valoir, en premier lieu, que l'expert s'est fondé sur un présupposé inexact résultant de ce que la création de la terrasse par M. J...est postérieure à l'effondrement du plancher du premier étage du bâtiment appartenant au département, alors que la création de la terrasse, dont la réalisation n'est pas conforme aux règles de l'art, serait antérieure à l'apparition des désordres affectant le bâtiment du département et qui dateraient de 2013. Cependant, il résulte de l'instruction que M. J... a procédé à une déclaration préalable de travaux comprenant notamment une terrasse en toiture qui a donné lieu à un arrêté du maire de Belley le 8 avril 2011 et a déclaré plusieurs sinistres auprès de son assurance à la suite d'infiltrations qui se sont produites les 27 juillet 2009, 27 mars 2011, 1er mars 2012, 4 et 15 février 2013. Dans le cadre de la déclaration du sinistre du 15 février 2013, le rapport d'expertise de la société Aviva fait état, d'une part, de ce que l'expert, désigné par l'assureur du département de l'Ain, avait adressé un courrier au conseil général à l'issue du premier sinistre lui demandant de procéder à la réfection de la toiture et notamment du caniveau en très mauvais état et, d'autre part, " de l'existence de dommages très importants affectant l'immeuble du département à la suite d'infiltrations d'eaux à travers la toiture à l'intérieur du bâtiment dont les poutres sont pourries ". En outre, le rapport d'expertise de M. A...indique " qu'une analyse basée sur une éventuelle concomitance entre la construction de la terrasse et l'apparition des désordres n'expliquerait en rien la ruine de la charpente du toit du bâtiment du département, d'autant que le toit est aussi ruiné du côté de la rue ". Il s'ensuit que le département ne peut sérieusement soutenir que les désordres affectant son immeuble ne seraient pas survenus avant 2013.

6. En deuxième lieu, le département fait encore valoir que les désordres affectant l'immeuble de M. J...ont cessé après la réfection de sa terrasse en 2016 et non après les travaux de réfection de la toiture du bâtiment appartenant au département et réalisés en 2014 et que la fuite affectant son toit ne peut avoir généré une telle humidité. Cependant, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise réalisé par M. A...que " la source principale des désordres est l'infiltration importante de l'eau dans le mur délimitant les deux propriétés. L'eau a pénétré pendant plusieurs années par les noues et les caniveaux défectueux de l'immeuble du conseil général. Le mur étant pour sa majeure partie en pisé, l'eau s'est infiltrée dans sa masse et a humidifié les faces des murs ainsi que les solivages et les poutres des deux immeubles situées au contact des lieux d'infiltration ". L'expert indique encore, dans sa réponse aux dires des parties sur le pré-rapport, que ce mur séparatif en pisé et au contact des lieux d'infiltration n'est soumis ni au vent ni au soleil et que, par suite, le temps de séchage peut prendre deux voire trois années. En outre, l'expert a constaté qu'en décembre 2017, une zone humide subsistait et que " cette zone était éloignée de la zone d'influence potentielle de fuites du sol de la terrasse de M.J... ".

7. En troisième lieu, si l'expert impute la persistance de l'humidité à la fin de séchage du mur et " vraisemblablement à des infiltrations subsistant au niveau du solin du toit de l'immeuble du département qui n'a pas été conçu dans les règles de l'art ", cette constatation de l'expert quant à la conformité du solin n'est pas sérieusement contestée par le département de l'Ain qui se borne à soutenir, sans l'établir, que le solin est parfaitement conforme.

8. En quatrième lieu, si, comme il a déjà été dit au point 4, l'expert estime que les dommages subis par le requérant sont imputables pour 90 % au défaut d'entretien du bâtiment du département, il a également relevé que le mur de la terrasse appartenant à M. J...n'est pas correctement entretenu et a contribué, à hauteur de 10 %, à la réalisation des préjudices allégués. Il s'ensuit qu'en s'abstenant de procéder à l'entretien du mur de sa terrasse, M. J... a commis une faute de nature à exonérer partiellement le département de l'Ain de sa responsabilité. Il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en laissant à la charge de M. J...10 % des préjudices indemnisables.

Sur l'évaluation des préjudices :

9. Lorsqu'un dommage causé à un immeuble engage la responsabilité d'une collectivité publique, le propriétaire peut prétendre à une indemnité couvrant, d'une part, les troubles qu'il a pu subir, du fait notamment de pertes de loyers, jusqu'à la date à laquelle, la cause des dommages ayant pris fin et leur étendue étant connue, il a été en mesure d'y remédier et, d'autre part, une indemnité correspondant au coût des travaux de réfection. Ce coût doit être évalué à cette date, sans pouvoir excéder la valeur vénale, à la même date, de l'immeuble exempt des dommages imputables à la collectivité.

En ce qui concerne les travaux de remise en état :

10. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le coût total des travaux destinés à remédier aux désordres est estimé à 39 821 euros TTC. Figurent dans ce montant le coût de reprise du solin de l'immeuble du département (3 400 euros) et le coût de la reprise du crépi côté département (2 880 euros). Ces dépenses correspondent à des travaux à la charge du département sur son immeuble et ne sont donc pas susceptibles d'entrer dans le calcul de l'indemnité due à M. J...au titre des travaux de réparation des désordres constatés sur son immeuble. Doit être également exclue, ainsi que l'indique l'expert, la somme de 3 720 euros correspondant à la réfection du mur du crépi de la terrasse de M.J..., travaux à sa charge exclusive.
11. Déduction faite des montants de 6 280 et 3 720 euros et compte tenu du partage de responsabilité retenu au point 8, M. J...est en droit de prétendre à l'octroi d'une indemnité égale à 90 % de 29 821 euros soit 26 839 euros. Il n'y a pas lieu d'appliquer au montant des travaux ainsi calculé un coefficient de vétusté dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les travaux litigieux seraient à l'origine d'une plus-value quant à la valeur de l'immeuble appartenant à M. J...et cela alors qu'il n'est pas établi que l'immeuble aurait été en très mauvais état antérieurement aux désordres constatés. A cet égard le département de l'Ain ne peut se prévaloir de la plus-value qui résulterait de la réfection des planchers, lesquels constituent un élément essentiel à l'habitabilité d'un logement et ont été gravement endommagés par l'humidité résultant du défaut d'entretien de l'immeuble du département. Compte tenu de la date du dépôt du rapport d'expertise le 26 novembre 2018, il n'y a pas lieu que la somme de 26 839 euros soit indexée sur l'indice du coût de la construction.

En ce qui concerne la perte de loyers :

12. Il résulte de l'instruction que les opérations d'expertise ont été closes le 14 novembre 2018 et que l'expert a déposé son rapport le 26 novembre 2018. L'étendue des dommages et la description des travaux à réaliser ont donc été connues par M. J...à cette dernière date. Par suite, la période à prendre en compte doit être calculée, pour chacun des quatre appartements situés dans l'immeuble, de la date à partir de laquelle l'appartement a été inoccupé par suite des désordres qui l'affectaient jusqu'au moment où la cause des dommages ayant pris fin et leur étendue étant connue, M. J...a été en mesure d'y remédier. Il convient également de prendre en compte les éventuels travaux réalisés par M. J...avant le dépôt du rapport d'expertise de M. A...et qui ont permis de remédier, pour partie, aux désordres affectant les appartements et, par suite, ont permis la location des appartements avant le dépôt du rapport d'expertise.

13. S'agissant du studio situé au rez-de-chaussée, si M.G..., locataire, a quitté ce logement en raison de l'humidité selon les termes de son courrier de préavis du 29 mai 2013, M. J... fait état de ce qu'il a été occupé à titre gratuit par M. B...en échange, selon les termes non contestés de l'expertise, de travaux dans l'immeuble. Par suite, M.J..., qui n'établit pas l'inhabitabilité de ce logement séparé du mur en pisé par un couloir, ne peut alléguer une perte mensuelle de loyer de 310 euros pendant 59 mois, dès lors que l'absence de perception de loyers durant la période susmentionnée résulte d'un choix de gestion dont il doit répondre. Par ailleurs, le requérant ne soutient pas que le montant des travaux effectués par son locataire serait sensiblement moindre que les loyers auxquels il aurait pu prétendre.

14. S'agissant de l'appartement duplex n° 2 situé au rez de chaussée, Mme L...a, par courrier du 3 mars 2013, donné son préavis compte tenu de l'humidité de l'appartement. M. J... n'a pu relouer cet appartement, dont l'expert souligne qu'il a subi des désordres importants et n'était habitable qu'en mars 2018. Par suite, il y a lieu d'indemniser à hauteur de 90 % de 26 550 euros la perte de loyer subi de mars 2013 à mars 2018 en tenant compte du loyer mensuel de 450 euros, soit 23 895 euros.

15. S'agissant de l'appartement 3 situé au premier étage, côté rue, sa location a pris fin en janvier 2013, M. E...l'ayant quitté en raison de l'humidité. A cet égard, l'expert indique que les photographies versées par M. J...permettent de constater la présence de moisissures sur les murs. Au vu de ces éléments, le caractère inhabitable de ce logement peut être tenu pour suffisamment établi pour cette période. M. J...fait état de ce que cet appartement a été reloué le 1er janvier 2016 à M. H...en échange de travaux de réfection. Par suite, postérieurement au 1er janvier 2016, M. J...ne peut alléguer des pertes de loyers dès lors que l'absence de perception de loyers résulte d'un choix de gestion de sa part, et alors qu'il n'est pas établi qu'il aurait été dans l'impossibilité de louer l'appartement en contrepartie d'un loyer d'un montant identique à celui perçu avant janvier 2013. Il s'ensuit qu'il y a seulement lieu de retenir la période d'inoccupation allant de janvier 2013 à janvier 2016 compte tenu du caractère inhabitable de l'appartement, soit une période de 36 mois. Par suite, la perte de loyer de 36 mois sera indemnisée, en tenant compte du loyer mensuel de 360 euros, à hauteur de 90 % de la somme de 12 960 euros, soit 11 664 euros.

16. S'agissant de l'appartement 4 situé au deuxième étage, si M. J...indique qu'il a été loué à Mme B...à compter du 1er décembre 2012 pour un loyer mensuel de 440 euros et a ensuite été loué, à compter du 1er février 2015, à M. C...au prix de 250 euros compte tenu, selon les termes du contrat de location, " des dégâts des parties communes sinistrées ", il n'établit ni la date exacte du départ de sa locataire ni l'inhabitabilité de cet appartement. Par suite, il n'y a pas lieu de retenir de perte de loyer concernant ce logement.

En ce qui concerne les frais bancaires :

17. M. J...demande l'indemnisation à hauteur de 6 070,85 euros des frais bancaires résultant des intérêts courus et de l'assurance arrêtés au 16 juin 2015 ainsi que de l'indemnité conventionnelle de 7 %, frais prévus par son contrat de prêt bancaire. Si M. J...indique avoir contracté un prêt bancaire pour l'achat de l'immeuble dont il s'agit, il n'établit pas le lien de causalité entre les frais litigieux et les désordres subis par son immeuble en se bornant à produire un décompte de créance de son organisme bancaire du 2 août 2018 qui ne fait pas mention de ce que ce décompte résulte du contrat de prêt souscrit en vue de l'acquisition de l'immeuble situé 65 rue Saint-Martin à Belley. Par suite, ce chef de préjudice doit être écarté.

En ce qui concerne le préjudice complémentaire lié aux désordres à venir en corrélation avec l'importance des désordres survenus :

18. M. J... ne justifie ni du fondement ni du montant de cette demande d'indemnisation. Par suite, la demande d'indemnisation au titre de ce chef de préjudice ne peut qu'être rejetée.

En ce qui concerne le préjudice lié aux troubles dans les conditions d'existence :

19. M. J...ne justifie pas de sa demande de dommages et intérêts au titre des troubles dans ses conditions d'existence.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. J...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande et à demander que le département de l'Ain soit condamné à lui verser une indemnité de 62 398 euros.

Sur les dépens :

21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge définitive du département de l'Ain le montant des frais des expertises de première instance et d'appel liquidés et taxés aux sommes respectives de 2 322,90 euros par ordonnance en date du 10 juin 2014 du président du tribunal administratif de Lyon et de 6 839,18 euros par ordonnance du 3 décembre 2018 du président de la cour administrative d'appel.

Sur les frais liés au litige :

22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de l'Ain le versement à M. J...d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a également lieu d'indemniser M. J...des frais exposés, en lien avec les dommages causés à son immeuble et qui ont été utiles à la solution du litige, résultant d'un constat d'huissier pour un montant de 382,24 euros, de la réalisation d'un plan masse, plans des niveaux et coupes pour des montants de 240 et 75 euros et de l'établissement d'un avis relatif au mur séparatif entre les deux propriétés pour un montant de 492 euros.

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le département de l'Ain, partie perdante, bénéficie d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 22 septembre 2015 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : Le département de l'Ain est condamné à verser à M. J... la somme de 62 398 euros en réparation des désordres causés à son immeuble.
Article 3 : Les frais d'expertise de première instance liquidés et taxés à la somme de 2 322,90 euros et les frais d'expertise d'appel liquidés et taxés à la somme de 6 839,18 euros sont mis à la charge du département de l'Ain.
Article 4 : Le département de l'Ain versera une somme de 2 689,24 euros à M. J...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. J...est rejeté.
Article 6 : Les conclusions du département de l'Ain tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... J...et au département de l'Ain. Copie en sera adressée à l'expert, M.A....


Délibéré après l'audience du 31 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 14 mars 2019.
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N° 15LY03334




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