Conseil d'État, 8ème chambre, 28/02/2019, 419191, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, 8ème chambre, 28/02/2019, 419191, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 8ème chambre
- N° 419191
- ECLI:FR:CECHS:2019:419191.20190228
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
28 février 2019
- Rapporteur
- Mme Liza Bellulo
- Avocat(s)
- CABINET BRIARD
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par deux demandes, M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy, à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2007 ainsi que des pénalités correspondantes et, à titre subsidiaire, de réduire à 40 % le taux de ces pénalités ;
Par une ordonnance du 3 décembre 2013, ces demandes ont été transmises au tribunal administratif de Basse-Terre. Par un jugement nos 1301776, 1301777 du 16 juillet 2015, ce tribunal a rejeté ces demandes.
Par un arrêt n° 15BX03093 du 22 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a accordé à M. B... la décharge des pénalités résultant de la mise en oeuvre de la procédure de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, réformé le jugement du tribunal en ce qu'il avait de contraire et rejeté le surplus des conclusions de sa requête d'appel.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 22 mars et 22 juin 2018 et le 25 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 3 de cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire entièrement droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Liza Bellulo, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de M.B....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'un contrôle de sa situation fiscale au titre de l'année 2007, l'administration fiscale a réintégré dans le revenu imposable de M. B..., en application de la procédure de répression des abus de droit de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, la plus-value que celui-ci avait réalisée à l'occasion de la cession de titres de la société Nextedia. M. B... se pourvoit en cassation contre l'article 3 de l'arrêt du 22 décembre 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir prononcé la décharge des pénalités résultant de la mise en oeuvre de cette procédure, a rejeté le surplus de l'appel qu'il avait formé contre le jugement du 16 juillet 2015 du tribunal administratif de Basse-Terre rejetant ses demandes en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2007, ainsi que des pénalités correspondantes.
2. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification (...) ".
3. Aux termes de l'article 157 du code général des impôts : " N'entrent pas en compte pour la détermination du revenu net global : / (....) 5° bis Les produits et plus-values que procurent les placements effectués dans le cadre du plan d'épargne en actions défini à l'article 163 quinquies D (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 163 quinquies D du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : Les contribuables dont le domicile fiscal est situé en France peuvent ouvrir un plan d'épargne en actions dans les conditions définies par la loi n° 92-666 du 16 juillet 1992 modifiée. / Chaque contribuable ou chacun des époux soumis à imposition commune ne peut être titulaire que d'un plan. Un plan ne peut avoir qu'un titulaire. /Le titulaire d'un plan effectue des versements en numéraire dans une limite de 132 000 euros (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B...a acquis auprès des associés fondateurs de la société Nextedia, le 15 décembre 2005, 44 706 titres de cette société au prix unitaire de 1,84 euros, a inscrit ces titres pour un montant total de 82 259 euros sur son plan d'épargne en actions ouvert auprès du Crédit agricole et les a cédés en juillet 2007 pour un prix global de 3 725 281 euros. Se prévalant des dispositions précitées du 5° bis de l'article 157 du code général des impôts, le contribuable n'a pas pris en compte la plus-value de 3 643 022 euros ainsi réalisée pour la détermination de son revenu global au titre de l'année 2007. L'administration fiscale, se fondant sur ce qu'un autre investisseur avait acquis, le 9 décembre 2005, 70 589 actions nouvellement émises de cette même société au prix unitaire de 21,25 euros, a estimé que le prix d'acquisition convenu entre les parties lors de l'acquisition des titres de la société Nextedia par M. B...avait été délibérément minoré aux seules fins de permettre leur inscription sur son plan d'épargne en actions sans que soit dépassé le plafond de dépôt prévu à l'article 163 quinquies D du code général des impôts.
5. Pour juger que l'administration avait pu à bon droit mettre en oeuvre à l'encontre de M. B... la procédure prévue par les dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, la cour administrative d'appel, statuant par adoption des motifs des premiers juges, s'est fondée sur ce que M.B..., d'une part, ne justifiait pas, ainsi qu'il le soutenait, qu'un accord sur la cession à son profit des titres de la société Nextedia au prix unitaire de 1,84 euros aurait été conclu dès le mois de juillet 2005 tout en étant finalisé seulement en décembre de la même année et, d'autre part, ne produisait aucun élément circonstancié de nature à établir que le prix qui lui avait été consenti était assorti de contreparties permettant de justifier la différence avec le prix unitaire de 21,25 euros arrêté six jours auparavant lors de l'augmentation de capital souscrite par un tiers investisseur, transaction qu'elle a estimé constituer un terme de comparaison pertinent. Elle en a déduit que l'intéressé n'apportait pas la preuve, qui lui incombait compte tenu du sens de l'avis émis par le comité de l'abus de droit fiscal, de l'absence de minoration de la valeur des titres de la société Nextedia qu'il avait inscrits sur son PEA.
6. En déduisant ainsi de la seule existence de cet écart de prix que la cession à M. B...des titres en litige au prix unitaire de 1,84 euros procédait de la poursuite d'un but exclusivement fiscal par application littérale des textes régissant le PEA à l'encontre des objectifs poursuivis par le législateur, sans rechercher si, à la date d'acquisition de ces titres, l'intéressé avait connaissance de leur valeur vénale réelle, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, M. B... est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'article 3 de l'arrêt attaqué.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 3 de l'arrêt du 22 décembre 2017 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
ECLI:FR:CECHS:2019:419191.20190228
Par deux demandes, M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy, à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2007 ainsi que des pénalités correspondantes et, à titre subsidiaire, de réduire à 40 % le taux de ces pénalités ;
Par une ordonnance du 3 décembre 2013, ces demandes ont été transmises au tribunal administratif de Basse-Terre. Par un jugement nos 1301776, 1301777 du 16 juillet 2015, ce tribunal a rejeté ces demandes.
Par un arrêt n° 15BX03093 du 22 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a accordé à M. B... la décharge des pénalités résultant de la mise en oeuvre de la procédure de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, réformé le jugement du tribunal en ce qu'il avait de contraire et rejeté le surplus des conclusions de sa requête d'appel.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 22 mars et 22 juin 2018 et le 25 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 3 de cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire entièrement droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Liza Bellulo, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de M.B....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'un contrôle de sa situation fiscale au titre de l'année 2007, l'administration fiscale a réintégré dans le revenu imposable de M. B..., en application de la procédure de répression des abus de droit de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, la plus-value que celui-ci avait réalisée à l'occasion de la cession de titres de la société Nextedia. M. B... se pourvoit en cassation contre l'article 3 de l'arrêt du 22 décembre 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir prononcé la décharge des pénalités résultant de la mise en oeuvre de cette procédure, a rejeté le surplus de l'appel qu'il avait formé contre le jugement du 16 juillet 2015 du tribunal administratif de Basse-Terre rejetant ses demandes en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2007, ainsi que des pénalités correspondantes.
2. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification (...) ".
3. Aux termes de l'article 157 du code général des impôts : " N'entrent pas en compte pour la détermination du revenu net global : / (....) 5° bis Les produits et plus-values que procurent les placements effectués dans le cadre du plan d'épargne en actions défini à l'article 163 quinquies D (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 163 quinquies D du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : Les contribuables dont le domicile fiscal est situé en France peuvent ouvrir un plan d'épargne en actions dans les conditions définies par la loi n° 92-666 du 16 juillet 1992 modifiée. / Chaque contribuable ou chacun des époux soumis à imposition commune ne peut être titulaire que d'un plan. Un plan ne peut avoir qu'un titulaire. /Le titulaire d'un plan effectue des versements en numéraire dans une limite de 132 000 euros (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B...a acquis auprès des associés fondateurs de la société Nextedia, le 15 décembre 2005, 44 706 titres de cette société au prix unitaire de 1,84 euros, a inscrit ces titres pour un montant total de 82 259 euros sur son plan d'épargne en actions ouvert auprès du Crédit agricole et les a cédés en juillet 2007 pour un prix global de 3 725 281 euros. Se prévalant des dispositions précitées du 5° bis de l'article 157 du code général des impôts, le contribuable n'a pas pris en compte la plus-value de 3 643 022 euros ainsi réalisée pour la détermination de son revenu global au titre de l'année 2007. L'administration fiscale, se fondant sur ce qu'un autre investisseur avait acquis, le 9 décembre 2005, 70 589 actions nouvellement émises de cette même société au prix unitaire de 21,25 euros, a estimé que le prix d'acquisition convenu entre les parties lors de l'acquisition des titres de la société Nextedia par M. B...avait été délibérément minoré aux seules fins de permettre leur inscription sur son plan d'épargne en actions sans que soit dépassé le plafond de dépôt prévu à l'article 163 quinquies D du code général des impôts.
5. Pour juger que l'administration avait pu à bon droit mettre en oeuvre à l'encontre de M. B... la procédure prévue par les dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, la cour administrative d'appel, statuant par adoption des motifs des premiers juges, s'est fondée sur ce que M.B..., d'une part, ne justifiait pas, ainsi qu'il le soutenait, qu'un accord sur la cession à son profit des titres de la société Nextedia au prix unitaire de 1,84 euros aurait été conclu dès le mois de juillet 2005 tout en étant finalisé seulement en décembre de la même année et, d'autre part, ne produisait aucun élément circonstancié de nature à établir que le prix qui lui avait été consenti était assorti de contreparties permettant de justifier la différence avec le prix unitaire de 21,25 euros arrêté six jours auparavant lors de l'augmentation de capital souscrite par un tiers investisseur, transaction qu'elle a estimé constituer un terme de comparaison pertinent. Elle en a déduit que l'intéressé n'apportait pas la preuve, qui lui incombait compte tenu du sens de l'avis émis par le comité de l'abus de droit fiscal, de l'absence de minoration de la valeur des titres de la société Nextedia qu'il avait inscrits sur son PEA.
6. En déduisant ainsi de la seule existence de cet écart de prix que la cession à M. B...des titres en litige au prix unitaire de 1,84 euros procédait de la poursuite d'un but exclusivement fiscal par application littérale des textes régissant le PEA à l'encontre des objectifs poursuivis par le législateur, sans rechercher si, à la date d'acquisition de ces titres, l'intéressé avait connaissance de leur valeur vénale réelle, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, M. B... est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'article 3 de l'arrêt attaqué.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 3 de l'arrêt du 22 décembre 2017 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.