Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 25/02/2019, 412493
Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 25/02/2019, 412493
Conseil d'État - 9ème - 10ème chambres réunies
- N° 412493
- ECLI:FR:CECHR:2019:412493.20190225
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
lundi
25 février 2019
- Rapporteur
- Mme Séverine Larere
- Avocat(s)
- SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; SCP PIWNICA, MOLINIE
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
L'association Force 5 a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2013 par lequel le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a autorisé la société Direct Energie Génération à exploiter une centrale de production d'électricité à Landivisiau (Finistère). Par un jugement n° 1301051 du 9 octobre 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 15NT03726 du 15 mai 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par l'Association Force 5 contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 17 juillet et 17 octobre 2017, le 23 octobre 2018 et le 6 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Force 5 demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de Nantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de l'association Force 5 et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Direct Energie Génération et de la Compagnie électrique de Bretagne.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 février 2019, présentée par la société Direct Energie Génération et la Compagnie électrique de Bretagne ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un arrêté du 10 janvier 2013, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a autorisé la société Direct Energie Génération, sur le fondement de l'article L. 311-1 du code de l'énergie, à exploiter une centrale de production d'électricité de type cycle combiné à gaz, d'une capacité de 446 MW, à Landivisiau (Finistère). Par un arrêté du 5 avril 2013, cette autorisation a été transférée à la Compagnie électrique de Bretagne. Par un jugement du 9 octobre 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté, pour irrecevabilité, la demande de l'association Force 5 tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 janvier 2013 au motif qu'elle ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre cet acte. Par l'arrêt attaqué du 15 mai 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par l'association contre ce jugement.
2. D'une part, aux termes de l'article 2 de ses statuts, l'association Force 5 a notamment pour objet " la protection de l'environnement et du cadre de vie ", et "la défense du patrimoine naturel et culturel, et particulièrement du littoral ", étant précisé qu'elle " oeuvrera pour limiter ou supprimer les nuisances de toutes natures et notamment celles générées par les installations classées (...) pour la protection de l'environnement " et que " le ressort territorial de l'association s'étend sur toutes les communes du Pays de Morlaix (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'énergie, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'exploitation d'une installation de production électrique est subordonnée à une autorisation administrative délivrée selon la procédure prévue aux articles L. 311-5 et L. 311-6 ou au terme d'un appel d'offres en application de l'article L. 311-10. (...) ". Selon l'article L. 311-10 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque les capacités de production ne répondent pas aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements, notamment ceux concernant les techniques de production et la localisation géographique des installations, l'autorité administrative peut recourir à la procédure d'appel d'offres. / Les critères mentionnés à l'article L. 311-5 servent à l'élaboration du cahier des charges de l'appel d'offres. (...) ". Aux termes de l'article L. 311-5 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité est délivrée par l'autorité administrative en tenant compte des critères suivants :/ 1° La sécurité et la sûreté des réseaux publics d'électricité, des installations et des équipements associés ;/ 2° Le choix des sites, l'occupation des sols et l'utilisation du domaine public ;/ 3° L'efficacité énergétique ;/ 4° Les capacités techniques, économiques et financières du candidat ou du demandeur ;/ 5° La compatibilité avec les principes et les missions de service public, notamment avec les objectifs de programmation pluriannuelle des investissements et la protection de l'environnement ;/ 6° Le respect de la législation sociale en vigueur. (...) ". Enfin, selon l'article L. 311-11 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative désigne le ou les candidats retenus et délivre les autorisations prévues à l'article L. 311-5 dans des conditions fixées par voie réglementaire (...) ".
4. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées au point 3 ci-dessus que l'autorisation administrative prévue par l'article L. 311-1 du code de l'énergie ne concerne pas seulement les installations de production d'électricité ayant fait l'objet de la procédure d'appel d'offres prévue à l'article L. 311-10 et n'a donc pas pour seul objet de désigner le ou les candidats retenus à l'issue de cette procédure mais constitue l'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité et désigne non seulement le titulaire de cette autorisation mais également le mode de production et la capacité autorisée ainsi que le lieu d'implantation de l'installation. Par suite, en se fondant sur ce que l'arrêté attaqué, qui a été pris sur le fondement de l'article L. 311-1, avait pour seul objet de désigner, à l'issue de la procédure d'appel d'offres qui s'est déroulée du 25 juin 2011 au 19 février 2012, l'entreprise autorisée à exploiter l'installation de production d'électricité mentionnée au point 1 de son arrêt et en en déduisant que cet arrêté n'était pas, en lui-même, susceptible de porter atteinte aux intérêts que l'association requérante s'est donné pour objet de défendre, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède que l'association Force 5 est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à l'association Force 5 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'association Force 5, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 15 mai 2017 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à l'association Force 5 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société Direct Energie Génération et la Compagnie électrique de Bretagne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association Force 5, à la société Direct Energie Génération, à la Compagnie électrique de Bretagne et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.
ECLI:FR:CECHR:2019:412493.20190225
L'association Force 5 a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2013 par lequel le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a autorisé la société Direct Energie Génération à exploiter une centrale de production d'électricité à Landivisiau (Finistère). Par un jugement n° 1301051 du 9 octobre 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 15NT03726 du 15 mai 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par l'Association Force 5 contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 17 juillet et 17 octobre 2017, le 23 octobre 2018 et le 6 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Force 5 demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de Nantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de l'association Force 5 et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Direct Energie Génération et de la Compagnie électrique de Bretagne.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 février 2019, présentée par la société Direct Energie Génération et la Compagnie électrique de Bretagne ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un arrêté du 10 janvier 2013, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a autorisé la société Direct Energie Génération, sur le fondement de l'article L. 311-1 du code de l'énergie, à exploiter une centrale de production d'électricité de type cycle combiné à gaz, d'une capacité de 446 MW, à Landivisiau (Finistère). Par un arrêté du 5 avril 2013, cette autorisation a été transférée à la Compagnie électrique de Bretagne. Par un jugement du 9 octobre 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté, pour irrecevabilité, la demande de l'association Force 5 tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 janvier 2013 au motif qu'elle ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre cet acte. Par l'arrêt attaqué du 15 mai 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par l'association contre ce jugement.
2. D'une part, aux termes de l'article 2 de ses statuts, l'association Force 5 a notamment pour objet " la protection de l'environnement et du cadre de vie ", et "la défense du patrimoine naturel et culturel, et particulièrement du littoral ", étant précisé qu'elle " oeuvrera pour limiter ou supprimer les nuisances de toutes natures et notamment celles générées par les installations classées (...) pour la protection de l'environnement " et que " le ressort territorial de l'association s'étend sur toutes les communes du Pays de Morlaix (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'énergie, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'exploitation d'une installation de production électrique est subordonnée à une autorisation administrative délivrée selon la procédure prévue aux articles L. 311-5 et L. 311-6 ou au terme d'un appel d'offres en application de l'article L. 311-10. (...) ". Selon l'article L. 311-10 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque les capacités de production ne répondent pas aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements, notamment ceux concernant les techniques de production et la localisation géographique des installations, l'autorité administrative peut recourir à la procédure d'appel d'offres. / Les critères mentionnés à l'article L. 311-5 servent à l'élaboration du cahier des charges de l'appel d'offres. (...) ". Aux termes de l'article L. 311-5 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité est délivrée par l'autorité administrative en tenant compte des critères suivants :/ 1° La sécurité et la sûreté des réseaux publics d'électricité, des installations et des équipements associés ;/ 2° Le choix des sites, l'occupation des sols et l'utilisation du domaine public ;/ 3° L'efficacité énergétique ;/ 4° Les capacités techniques, économiques et financières du candidat ou du demandeur ;/ 5° La compatibilité avec les principes et les missions de service public, notamment avec les objectifs de programmation pluriannuelle des investissements et la protection de l'environnement ;/ 6° Le respect de la législation sociale en vigueur. (...) ". Enfin, selon l'article L. 311-11 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative désigne le ou les candidats retenus et délivre les autorisations prévues à l'article L. 311-5 dans des conditions fixées par voie réglementaire (...) ".
4. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées au point 3 ci-dessus que l'autorisation administrative prévue par l'article L. 311-1 du code de l'énergie ne concerne pas seulement les installations de production d'électricité ayant fait l'objet de la procédure d'appel d'offres prévue à l'article L. 311-10 et n'a donc pas pour seul objet de désigner le ou les candidats retenus à l'issue de cette procédure mais constitue l'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité et désigne non seulement le titulaire de cette autorisation mais également le mode de production et la capacité autorisée ainsi que le lieu d'implantation de l'installation. Par suite, en se fondant sur ce que l'arrêté attaqué, qui a été pris sur le fondement de l'article L. 311-1, avait pour seul objet de désigner, à l'issue de la procédure d'appel d'offres qui s'est déroulée du 25 juin 2011 au 19 février 2012, l'entreprise autorisée à exploiter l'installation de production d'électricité mentionnée au point 1 de son arrêt et en en déduisant que cet arrêté n'était pas, en lui-même, susceptible de porter atteinte aux intérêts que l'association requérante s'est donné pour objet de défendre, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède que l'association Force 5 est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à l'association Force 5 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'association Force 5, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 15 mai 2017 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à l'association Force 5 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société Direct Energie Génération et la Compagnie électrique de Bretagne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association Force 5, à la société Direct Energie Génération, à la Compagnie électrique de Bretagne et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.