Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 08/02/2019, 406555
Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 08/02/2019, 406555
Conseil d'État - 9ème - 10ème chambres réunies
- N° 406555
- ECLI:FR:CECHR:2019:406555.20190208
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
vendredi
08 février 2019
- Rapporteur
- Mme Ophélie Champeaux
- Avocat(s)
- SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société à responsabilité limitée (SARL) Nick Danese Applied Research a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer, d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 à raison de la remise en cause par l'administration de l'éligibilité au crédit d'impôt pour dépenses de recherche de différents projets et, d'autre part, le remboursement d'une somme de 89 752 euros au titre d'excédents de crédit d'impôt pour dépenses de recherche. Par un jugement no 1103668 du 2 octobre 2014, le tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 14MA04900 du 3 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 3 janvier et 3 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la société Nick Danese Applied Research.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration a assujetti la SARL Nick Danese Applied Research à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 à raison de la remise en cause, pour divers projets, de l'éligibilité au crédit d'impôt pour dépenses de recherche et qu'elle a, par ailleurs, refusé de faire droit à une demande de remboursement de soldes de crédits d'impôt pour dépenses de recherche que la société n'avait pu utiliser pour le paiement de l'impôt dû au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2008. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 3 novembre 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a jugé irrecevables les conclusions qu'elle avait présentées au tribunal administratif de Marseille et tendant, d'une part, à la décharge des cotisations supplémentaires et, d'autre part, au remboursement des excédents de crédit d'impôt.
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
2. La SARL Nick Danese Applied Research soutient que la cour administrative d'appel de Marseille a soulevé d'office l'irrecevabilité tirée du caractère prématuré de la demande présentée au tribunal administratif sans en informer les parties pour recueillir leurs informations, manquant ainsi à l'exigence posée à l'article R. 611-7 du code de justice administrative. Mais, d'une part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration avait soulevé en défense, en première instance, une fin de non-recevoir en ce sens. D'autre part, il appartient au juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, de répondre aux moyens invoqués en première instance par le défendeur, alors même que ce dernier ne les aurait pas expressément repris dans un mémoire en défense devant lui. Par suite, en se fondant, pour rejeter la requête, sur le défaut de recours administratif préalable, la cour n'a pas soulevé d'office cette irrecevabilité. Le moyen ne peut dès lors qu'être écarté.
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :
3. En premier lieu, pour juger que les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés formée devant le tribunal étaient irrecevables, la demande initiale étant prématurée et la société requérante ne l'ayant que tardivement régularisée par un mémoire en réplique produit plus de deux mois après la notification du rejet, par l'administration, de sa réclamation préalable, la cour administrative d'appel de Marseille a, contrairement à ce qui est soutenu, souverainement relevé, sans dénaturer les pièces du dossier, que ce rejet, en date du 25 avril 2012, avait été notifié à la société Nick Danese Applied Research le 10 mai 2012 au plus tard, dès lors qu'elle en avait accusé réception dans un courrier daté de ce jour.
4. En second lieu, la cour administrative d'appel de Marseille a jugé que la demande de remboursement des excédents de crédit d'impôt pour dépenses de recherche présentée au tribunal était également prématurée faute qu'une décision ait alors été prise par l'administration sur sa réclamation préalable.
5. Or aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales : " La direction générale des finances publiques ou la direction générale des douanes et droits indirects, selon le cas, statue sur les réclamations dans le délai de six mois suivant la date de leur présentation. Si elle n'est pas en mesure de le faire, elle doit, avant l'expiration de ce délai, en informer le contribuable en précisant le terme du délai complémentaire qu'elle estime nécessaire pour prendre sa décision. Ce délai complémentaire ne peut, toutefois, excéder trois mois (...) " ; aux termes de l'article R. 199-1 du même livre : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R. 198-10 / Toutefois, le contribuable qui n'a pas reçu la décision de l'administration dans un délai de six mois mentionné au premier alinéa peut saisir le tribunal dès l'expiration de ce délai. / L'administration peut soumettre d'office au tribunal la réclamation présentée par un contribuable. Elle doit en informer ce dernier ". Il résulte de ces dispositions qu'en cas de silence gardé par l'administration fiscale sur la réclamation pendant six mois, le contribuable peut soumettre le litige au tribunal administratif, le délai de recours contentieux ne pouvant par ailleurs courir à son encontre tant qu'une décision expresse de rejet de sa réclamation, laquelle doit être motivée et, conformément aux prévisions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, comporter la mention des voies et délais de recours, ne lui a pas été régulièrement notifiée.
6. Pour juger que la demande présentée au tribunal le 16 septembre 2011 était en l'espèce prématurée, la cour s'est fondée sur ce que l'administration, qui avait été saisie le 8 décembre 2009 au plus tard de la demande de remboursement des excédents de crédit d'impôt pour dépenses de recherche, constitutive d'une réclamation au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, avait fait connaître à la contribuable, par un courrier du 4 octobre 2010, qu'elle ne pourrait se prononcer sur cette demande avant la fin du contrôle visant la société. Dès lors toutefois qu'à cette date, une décision implicite de rejet de la réclamation était déjà née dans les conditions prévues à l'article R. 198-10 précité du livre des procédures fiscales, c'est par une erreur de droit que la cour a estimé que ce courrier, qui au surplus ne comportait pas d'indication quant à la date de la prétendue décision à intervenir, était de nature à faire obstacle à ce que la SARL Nick Danese Applied Research saisisse le tribunal. La société est dès lors fondée à demander l'annulation, dans cette mesure, de l'arrêt attaqué.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Nick Danese Applied Research est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant seulement qu'il statue sur sa demande de remboursement des excédents de crédits d'impôt pour dépenses de recherche qui n'ont pas été utilisés pour le paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2008.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 3 novembre 2016 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il statue sur la demande de remboursement d'excédents de crédits d'impôt pour dépenses de recherche non utilisés pour le paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2008.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : L'Etat versera à la SARL Nick Danese Applied Research une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la SARL Nick Danese Applied Research est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SARL Nick Danese Applied Research et au ministre de l'action et des comptes publics.
ECLI:FR:CECHR:2019:406555.20190208
La société à responsabilité limitée (SARL) Nick Danese Applied Research a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer, d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 à raison de la remise en cause par l'administration de l'éligibilité au crédit d'impôt pour dépenses de recherche de différents projets et, d'autre part, le remboursement d'une somme de 89 752 euros au titre d'excédents de crédit d'impôt pour dépenses de recherche. Par un jugement no 1103668 du 2 octobre 2014, le tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 14MA04900 du 3 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 3 janvier et 3 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la société Nick Danese Applied Research.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration a assujetti la SARL Nick Danese Applied Research à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 à raison de la remise en cause, pour divers projets, de l'éligibilité au crédit d'impôt pour dépenses de recherche et qu'elle a, par ailleurs, refusé de faire droit à une demande de remboursement de soldes de crédits d'impôt pour dépenses de recherche que la société n'avait pu utiliser pour le paiement de l'impôt dû au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2008. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 3 novembre 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a jugé irrecevables les conclusions qu'elle avait présentées au tribunal administratif de Marseille et tendant, d'une part, à la décharge des cotisations supplémentaires et, d'autre part, au remboursement des excédents de crédit d'impôt.
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
2. La SARL Nick Danese Applied Research soutient que la cour administrative d'appel de Marseille a soulevé d'office l'irrecevabilité tirée du caractère prématuré de la demande présentée au tribunal administratif sans en informer les parties pour recueillir leurs informations, manquant ainsi à l'exigence posée à l'article R. 611-7 du code de justice administrative. Mais, d'une part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration avait soulevé en défense, en première instance, une fin de non-recevoir en ce sens. D'autre part, il appartient au juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, de répondre aux moyens invoqués en première instance par le défendeur, alors même que ce dernier ne les aurait pas expressément repris dans un mémoire en défense devant lui. Par suite, en se fondant, pour rejeter la requête, sur le défaut de recours administratif préalable, la cour n'a pas soulevé d'office cette irrecevabilité. Le moyen ne peut dès lors qu'être écarté.
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :
3. En premier lieu, pour juger que les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés formée devant le tribunal étaient irrecevables, la demande initiale étant prématurée et la société requérante ne l'ayant que tardivement régularisée par un mémoire en réplique produit plus de deux mois après la notification du rejet, par l'administration, de sa réclamation préalable, la cour administrative d'appel de Marseille a, contrairement à ce qui est soutenu, souverainement relevé, sans dénaturer les pièces du dossier, que ce rejet, en date du 25 avril 2012, avait été notifié à la société Nick Danese Applied Research le 10 mai 2012 au plus tard, dès lors qu'elle en avait accusé réception dans un courrier daté de ce jour.
4. En second lieu, la cour administrative d'appel de Marseille a jugé que la demande de remboursement des excédents de crédit d'impôt pour dépenses de recherche présentée au tribunal était également prématurée faute qu'une décision ait alors été prise par l'administration sur sa réclamation préalable.
5. Or aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales : " La direction générale des finances publiques ou la direction générale des douanes et droits indirects, selon le cas, statue sur les réclamations dans le délai de six mois suivant la date de leur présentation. Si elle n'est pas en mesure de le faire, elle doit, avant l'expiration de ce délai, en informer le contribuable en précisant le terme du délai complémentaire qu'elle estime nécessaire pour prendre sa décision. Ce délai complémentaire ne peut, toutefois, excéder trois mois (...) " ; aux termes de l'article R. 199-1 du même livre : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R. 198-10 / Toutefois, le contribuable qui n'a pas reçu la décision de l'administration dans un délai de six mois mentionné au premier alinéa peut saisir le tribunal dès l'expiration de ce délai. / L'administration peut soumettre d'office au tribunal la réclamation présentée par un contribuable. Elle doit en informer ce dernier ". Il résulte de ces dispositions qu'en cas de silence gardé par l'administration fiscale sur la réclamation pendant six mois, le contribuable peut soumettre le litige au tribunal administratif, le délai de recours contentieux ne pouvant par ailleurs courir à son encontre tant qu'une décision expresse de rejet de sa réclamation, laquelle doit être motivée et, conformément aux prévisions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, comporter la mention des voies et délais de recours, ne lui a pas été régulièrement notifiée.
6. Pour juger que la demande présentée au tribunal le 16 septembre 2011 était en l'espèce prématurée, la cour s'est fondée sur ce que l'administration, qui avait été saisie le 8 décembre 2009 au plus tard de la demande de remboursement des excédents de crédit d'impôt pour dépenses de recherche, constitutive d'une réclamation au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, avait fait connaître à la contribuable, par un courrier du 4 octobre 2010, qu'elle ne pourrait se prononcer sur cette demande avant la fin du contrôle visant la société. Dès lors toutefois qu'à cette date, une décision implicite de rejet de la réclamation était déjà née dans les conditions prévues à l'article R. 198-10 précité du livre des procédures fiscales, c'est par une erreur de droit que la cour a estimé que ce courrier, qui au surplus ne comportait pas d'indication quant à la date de la prétendue décision à intervenir, était de nature à faire obstacle à ce que la SARL Nick Danese Applied Research saisisse le tribunal. La société est dès lors fondée à demander l'annulation, dans cette mesure, de l'arrêt attaqué.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Nick Danese Applied Research est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant seulement qu'il statue sur sa demande de remboursement des excédents de crédits d'impôt pour dépenses de recherche qui n'ont pas été utilisés pour le paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2008.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 3 novembre 2016 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il statue sur la demande de remboursement d'excédents de crédits d'impôt pour dépenses de recherche non utilisés pour le paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2008.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : L'Etat versera à la SARL Nick Danese Applied Research une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la SARL Nick Danese Applied Research est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SARL Nick Danese Applied Research et au ministre de l'action et des comptes publics.