CAA de NANTES, 3ème chambre, 11/01/2019, 17NT01379, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Pont-Aven à l'indemniser des préjudices qu'il a subi en raison de l'accident dont il a été victime le 12 janvier 2013 dans les escaliers d'une salle municipale.

Par un jugement n° 1405435 du 10 mars 2017, le tribunal administratif de Rennes a condamné la commune de Pont-Aven à verser à M. E...la somme de 5 836 euros en réparation de ses préjudices et à rembourser à hauteur de 2 621,82 euros les débours du régime social des indépendants (RSI) de Bretagne.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 mai et 29 août 2017 la commune de Pont-Aven, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 mars 2017 ;

2°) de rejeter les demandes de M. E...et du RSI de Bretagne ;

3°) de mettre à la charge de M. E...et du RSI de Bretagne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le jugement attaqué, faute d'avoir informé les parties qu'il entendait se fonder sur un moyen d'ordre public, tiré de la responsabilité sans faute de la commune, est irrégulier ;
- en l'absence de lien de causalité et de défaut d'entretien normal de l'ouvrage public litigieux, sa responsabilité n'est pas engagée ;
- M. E...a, par son imprudence, exonéré la commune de toute responsabilité ;
- le tribunal administratif a excessivement indemnisé certains des préjudices de M. E....

Par un mémoire en défense enregistré le 30 juin 2017 M.E..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande indemnitaire. Il demande également à la cour de mettre à la charge de la commune de Pont-Aven la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la commune de Pont-Aven ne sont pas fondés et que ses préjudices s'élèvent à la somme de 12 739 euros.

La requête a été adressée le 11 mai 2017 au RSI de Bretagne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Berthon,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant la commune de Pont-Aven.



Considérant ce qui suit :

1. M. E...a été victime d'une rupture du tendon d'Achille droit le 12 janvier 2013 à 19h30 alors qu'il descendait un escalier de la salle municipale " espace Queinec " à Pont-Aven. Estimant que sa chute était due à un éclairage insuffisant, à la déclivité de l'escalier et à l'absence de rampe, il a recherché la responsabilité de cette collectivité. Devant le refus de l'assureur de la commune de l'indemniser de ses préjudices, il a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande indemnitaire. Par un jugement du 10 mars 2017, ce tribunal a condamné la commune à lui verser la somme de 5 836 euros et à rembourser à hauteur de 2 621,82 euros les débours exposés par le régime social des indépendants (RSI) de Bretagne au profit de son assuré. La commune de Pont-Aven demande l'annulation de ce jugement. M.E..., par la voie de l'appel incident, demande que son indemnité soit portée à la somme de 12 739 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La commune de Pont-Aven soutient que le tribunal aurait entaché son jugement d'irrégularité, faute de lui avoir communiqué un moyen qu'il aurait soulevé d'office, tiré de sa responsabilité pour défaut d'entretien normal d'un ouvrage public.
3. Toutefois, en invoquant dans ses écritures de première instance divers " manquements " de la commune de Pont-Aven rendant dangereuse l'utilisation de l'ouvrage public en cause, M.E..., doit être regardé comme ayant recherché devant le tribunal administratif la responsabilité de cette collectivité à raison du défaut d'entretien normal de son ouvrage. Le jugement attaqué n'est, par suite, entaché d'aucune irrégularité.

Sur la responsabilité de la commune de Pont-Aven :

4. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu du fait d'un ouvrage public, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre l'ouvrage et le dommage dont il se plaint. La personne en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.
5. Il résulte de l'instruction que M. E...a été victime d'un rupture du tendon d'Achille droit le soir du 12 janvier 2013 alors qu'il descendait les dernières marches de l'escalier attenant à la salle municipale où venait d'avoir lieu l'assemblée générale de son association de cyclotourisme. Si la commune de Pont-Aven soutient que M. E...n'aurait pas chuté mais simplement heurté une marche de son pied droit, cette circonstance est en tout état de cause sans incidence sur l'existence du dommage, qui a été médicalement constaté dans les heures qui ont suivi l'accident, et sur le lien de causalité entre ce dernier et l'ouvrage public litigieux qui est établi par les témoignages des personnes présentes au moment des faits.
6. Il résulte également de l'instruction que l'escalier litigieux était assez fortement incliné, non pourvu d'une rambarde et, ainsi que l'attestent notamment les propres déclarations du maire de la commune dans un courrier du 28 octobre 2013, très insuffisamment éclairé, alors même que des lampadaires étaient présents sur la voie publique voisine. Cet escalier présentait donc, en particulier la nuit, un danger pour les usagers dont il est constant qu'il n'était pas signalé. Par suite, la commune ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'entretien normal de cet ouvrage public.
7. Si la commune soutient enfin que M. E...aurait commis une imprudence de nature à l'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité, elle n'en rapporte pas la preuve.
8. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la responsabilité de la commune de Pont-Aven était engagée.
Sur les préjudices :
9. Le tribunal administratif de Rennes a accordé 186 euros à M. E...au titre de ses frais divers. Il y a lieu de confirmer cette somme qui n'est pas contestée par les parties.
10. Les souffrances endurées par M. E...ont été évaluées à 3 sur une échelle de 1 à 7 par le médecin rhumatologue qui l'a examiné en juillet 2013 à la demande de son assureur. Il y a lieu de confirmer le montant de 4 000 euros qui lui a été alloué à ce titre par les premiers juges.
11. L'expert a évalué le déficit fonctionnel temporaire de M. E...à 100% du 21 au 23 janvier 2013, à 50% du 12 au 20 janvier 2013 et du 24 janvier au 24 mars 2013 et à 10% du 25 mars au 7 mai 2013, date de consolidation de son état de santé. Il sera fait une plus juste évaluation de ce chef de préjudice en portant à 560 euros la somme que la commune de Pont-Aven sera condamnée à lui verser.
12. Le déficit fonctionnel permanent de M. E...a été évalué par l'expert à 3%. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de porter l'indemnisation allouée en première instance de 1 000 à 3 000 euros.
13. L'expert a évalué le préjudice esthétique permanent de M.E..., qui résulte d'un léger boitement, à 1 sur une échelle allant de 1 à 7. Il peut ainsi prétendre à être indemnisé de ce chef de préjudice dont il sera fait une juste appréciation en condamnant la commune de Pont-Aven à lui verser la somme de 900 euros.
14. Il résulte de l'instruction que M. E...pratiquait avant son accident diverses activités sportives qu'il ne peut plus exercer avec la même intensité et qu'il a dû renoncer à un raid au Guatémala organisé de longue date. Dans ces circonstances, il y a lieu de confirmer la somme de 500 euros accordée en première instance au titre du préjudice d'agrément subi par l'intéressé.
15. Il ne résulte pas de l'instruction que M. E...aurait subi un préjudice moral en raison du dommage dont il a été victime.
16. Il résulte de ce qui précède que la somme de 5 836 euros que le tribunal administratif de Rennes a condamné la commune de Pont-Aven à verser à M. E...doit être portée à 9 146 euros.
17. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, la commune de Pont-Aven n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à indemniser les préjudices de M. E...et à rembourser les débours exposés par le RSI de Bretagne et que, d'autre part, M. E...est seulement fondé à demander la réformation de ce jugement dans la mesure rappelée au point précédent.

Sur les frais de l'instance :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. E... et le RSI de Bretagne, qui ne sont pas les parties perdantes à l'instance, versent à la commune de Pont-Aven la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Pont-Aven une somme de 1 500 euros à verser à M. E...au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Pont-Aven est rejetée.
Article 2 : La somme de 5 836 euros que le tribunal administratif de Rennes a condamné la commune de Pont-Aven à verser à M. E...est portée à 9 146 euros.
Article 3 : Le jugement n° 1405435 du 10 mars 2017 du tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées devant la cour par M. E...est rejeté.
Article 5 : La commune de Pont-Aven versera 1 500 euros à M. E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Pont-Aven, à M. A... E...et au RSI de Bretagne.


Délibéré après l'audience du 20 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller,
- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 janvier 2019.

Le rapporteur
E. BerthonLe président
O. Coiffet

Le greffier
M. F...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 17NT01379



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