CAA de NANCY, , 11/01/2019, 18NC01459, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANCY, , 11/01/2019, 18NC01459, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANCY -
- N° 18NC01459
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
vendredi
11 janvier 2019
- Avocat(s)
- MCL AVOCATS
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société JD Charpente-Couverture a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg de condamner la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin à lui verser une provision de 46 852,17 euros en application des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 1706401 du 27 avril 2018 le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 mai 2018, la société JD Charpente-Couverture, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance 27 avril 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de condamner la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin à lui verser la somme de 46 852,17 euros, à titre de provision sur le solde du décompte général et définitif du lot n° 3 du marché de travaux relatif à la requalification du site de Kleinau Malmerspach ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin le versement de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance ne pouvait régulièrement intervenir avant que le premier juge ait prononcé, alors que l'instruction avait été rouverte, une nouvelle clôture de l'instruction ;
- la minute de cette ordonnance ne comporte ni la signature du juge des référés ni la mention " signé " ;
- le décompte général du marché est tacitement devenu définitif en application des stipulations de l'article 13.4.4 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) - Travaux ;
- aucun désordre ni aucune malfaçon ne peuvent lui être imputés et ainsi, la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin n'établit pas l'existence d'une créance à son encontre ;
- la retenue de garantie prévue à l'article 5.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) avait été remplacée par la constitution d'une caution personnelle et solidaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2018, la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin, représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance de référé du 27 avril 2017 en tant qu'elle a reconnu l'existence du décompte général et définitif du marché ;
2°) de confirmer le surplus de cette ordonnance ;
3°) de mettre à la charge de la société JD Charpente-Couverture le versement d'une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'absence de nouvelle clôture de l'instruction n'a pu léser la société requérante et n'a pas méconnu en l'espèce le principe du caractère contradictoire de la procédure ;
- il revient à la cour de vérifier que la minute de l'ordonnance attaquée est signée par le juge des référés ;
- le premier juge a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que le décompte général et définitif avait été tacitement accepté ;
- le procès-verbal des opérations préalables à la réception des travaux ne constitue pas une décision portant réception des travaux laquelle ne doit laisser aucun doute sur la commune intention des parties de procéder à une telle réception ;
- les travaux du lot dont était titulaire la société JD Charpente-Couverture qui comportaient de nombreuses malfaçons, n'ont jamais été réceptionnés et ont fait l'objet de plusieurs mises en demeure ;
- le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à une demande d'expertise portant sur ces travaux ;
- elle détient des créances à l'égard de la société JD Charpente-Couverture ;
- l'obligation dont se prévaut la société requérante au titre du règlement du solde du marché est donc sérieusement contestable tant dans son principe que son montant.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 modifié par l'arrêté du 3 mars 2014 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 3 septembre 2018, la présidente de la cour a désigné M. A...B..., comme juge de référés en application des dispositions de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre de son projet de requalification du site de Kleinau à Malmerspach (Haut-Rhin), comportant notamment la réhabilitation d'un bâtiment industriel, sous la maîtrise d'oeuvre de la société Axis Architecture, la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin a, en septembre 2015, confié à la société JD Charpente-Couverture les travaux correspondant au lot n° 3 " Charpente / Couverture " de ce marché et dont le montant contractuel résultant de l'avenant conclu le 16 novembre 2015 a été porté à la somme de 484 909,36 euros hors-taxe. Le 6 avril 2017, simultanément à la signature d'un procès-verbal d'opérations préalables à la réception des travaux avec le maître d'oeuvre, cette société a présenté un projet de décompte final faisant apparaitre un solde en sa faveur d'un montant de 46 852,17 euros dont, en se prévalant ensuite d'une acceptation tacite de ce décompte par le maître d'ouvrage, elle a demandé le règlement par un mémoire du 28 septembre 2017. La communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin lui ayant opposé un refus, elle a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation de celle-ci à lui verser cette somme à titre de provision sur le règlement du solde du marché. Elle fait appel de l'ordonnance du 27 avril 2018 par laquelle le juge des référés a rejeté cette demande. La communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin a, quant à elle, formé partiellement appel incident de cette même ordonnance.
Sur la recevabilité de l'appel incident de la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin :
2. Une requête d'appel n'est recevable que dans la mesure où elle tend à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement ou de l'ordonnance attaquée.
3. En l'espèce, la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin ne conteste pas, dans son appel incident, le dispositif de l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de provision présentée par la société JD Charpente-Couverture mais elle se borne à demander l'annulation de cette ordonnance en tant que dans ses motifs, y est admise l'existence d'un décompte général définitif qui lui serait opposable. De telles conclusions sont, par suite, irrecevables et doivent être rejetées comme telles quand bien même la communauté de communes demeure recevable à présenter tout moyen en défense tendant au rejet de l'appel principal formé par la société JD Charpente-Couverture contre l'ordonnance attaquée.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 742-5 du code de justice administrative : " La minute de l'ordonnance est signée du seul magistrat qui l'a rendue. ". L'examen du dossier de première instance confirme que la minute de l'ordonnance attaquée a été signée par le juge des référés, contrairement à ce que soutient la société appelante dont le moyen doit, par suite, être écarté comme manquant en fait.
5. En second lieu, s'il est loisible au juge des référés lorsqu'il statue dans le cadre des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, sans tenir d'audience publique, de fixer, avant de rendre son ordonnance, une date de clôture de l'instruction, il doit néanmoins s'assurer du caractère contradictoire de la procédure, selon les modalités adaptées à l'urgence.
6. Il ressort des pièces du dossier qu'alors que la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin avait déjà, au cours de l'instance de référé, produit son mémoire en défense en temps utile, la société JD Charpente-Couverture a, moins de trois heures avant la clôture de l'instruction fixée par le juge des référés au 26 février 2018 à 12 h 00, produit un mémoire, dans lequel elle se prévalait notamment de l'irrecevabilité des écritures de l'autre partie. Ce mémoire, mis à la disposition de celle-ci une heure après, par le moyen de l'application Télérecours, a suscité de la part de la communauté de communes la production le même jour à 16 h 18, de pièces justificatives, ainsi que, le 26 février 2018, d'un nouveau mémoire en défense qui, après réouverture de l'instruction par ordonnance du 12 mars 2018, ont été communiquées à la société requérante. Un nouveau mémoire a été produit, le 12 avril 2018 par la communauté de communes et a été communiqué le lendemain à la société JD Charpente-Couverture. Contrairement à ce que soutient cette dernière et dès lors que lui avait été imparti un délai de huit jours pour produire d'éventuelles observations en réponse à cette communication, le juge des référés n'était pas tenu, avant de prendre son ordonnance, de fixer une nouvelle date de clôture de l'instruction ni d'organiser une audience publique. Ayant ainsi été mise en mesure de présenter ses observations, elle n'est pas fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée, qui est intervenue au-delà du délai de huit jours dont elle bénéficiait pour le faire, aurait méconnu les exigences du caractère contradictoire de la procédure et serait entachée d'irrégularité.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
7. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état.
8. Le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché qui constitue le principal document contractuel applicable au marché, inclut, au nombre des pièces contractuelles, les stipulations du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux) approuvé par l'arrêté ministériel du 8 septembre 2009 en leur version en vigueur au premier mois d'établissement des prix stipulés au marché ce qui implique qu'il s'agit de la version de ce document résultant de l'arrêté du 3 mars 2014, sous réserve, en outre et quand bien même n'y seraient-elles pas énumérées de manière exhaustive à l'article 10 du CCAP, des dérogations qui y seraient apportées.
9. En premier lieu, les articles 41.1 à 41.7 du CCAG Travaux définissent les conditions dans lesquelles doivent s'opérer les opérations de réception des travaux à l'issue desquelles le maître d'oeuvre établit un procès-verbal et formule des propositions tendant à la réception, avec ou sans réserves, et à la détermination d'une date d'achèvement des travaux. Selon l'article 41.3, il appartient au maître de l'ouvrage, dans tous les cas, de notifier au titulaire du marché une décision prononçant ou non la réception, dans les trente jours suivant la date du procès-verbal. Dans le cas où la réception est prononcée, avec ou sans réserves, celle-ci prend alors effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux. A défaut de notification de sa décision dans le délai ainsi fixé, les propositions du maître d'oeuvre s'imposent au maître de l'ouvrage et au titulaire du marché.
10. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue des opérations préalables à la réception des travaux du lot n° 3, réalisées le 6 avril 2017, le maître d'oeuvre et l'entreprise titulaire ont signé un procès-verbal dont il ressortait qu'était proposée la réception des ouvrages, avec une date d'achèvement fixée le jour même. Ce procès-verbal mentionnait également que devaient néanmoins être réalisées les épreuves relatives au clocheton de l'ouvrage. Or, et par dérogation aux stipulations de l'article 41.4 du CCAG qui autorisent, dans ce cas, le maître de l'ouvrage à décider de prononcer la réception sous réserve de l'exécution concluante de ces épreuves, l'article 7.2.2 du CCAP, portant stipulations particulières relatives à la réception, prévoit que cette dernière ne peut, au contraire, être prononcée que sous réserve de l'exécution concluante des épreuves. L'existence d'une telle réserve fait, par suite, obstacle à ce que la réception puisse résulter de l'absence de décision explicite du maître de l'ouvrage pendant un délai de trente jours.
11. Dans ces conditions, et bien que la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin, dont le représentant a assisté aux opérations préalables à la réception, conformément à l'article 41.1.1 du CCAG Travaux, n'ait notifié à la société JD Charpente-Couverture aucune décision explicite, dans le délai de trente jours ayant suivi l'établissement du procès-verbal du 6 avril 2017, la réception des travaux ne peut, du fait de l'existence d'une réserve relative à la mise à l'épreuve de l'ouvrage, être regardée comme ayant été tacitement acquise à cette date.
12. En second lieu, aux termes de l'article 3.3.2. du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché : " Après achèvement des travaux, l'entrepreneur (...) dresse le projet de décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, les évaluations étant faites en tenant compte des prestations réellement exécutées.(...) Le titulaire transmet son projet de décompte final au maître d'oeuvre, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans le délai de 45 jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu'elle est prévue à l'article 41.3 du CCAG ou, en l'absence d'un telle notification, à la fin de l'un des délais de 30 jours fixés aux articles 41.1.3 et 41.3 du CCAG ". Ces stipulations doivent être regardées comme dérogeant à celles de l'article 13.3.2. du CCAG Travaux qui imposent au titulaire de notifier également son projet de décompte final au représentant du pouvoir adjudicateur et fixent le délai de notification à 45 jours, à charge ensuite au maître d'oeuvre de procéder, dans les conditions prévues à l'article 13.3.3. du CCAG Travaux à l'établissement du décompte final puis, conformément à l'article 13.4.1. à celui du projet de décompte général. Toutefois, elles n'y dérogent pas en tant que la transmission, par le titulaire du marché, de son projet de décompte final est subordonnée soit à la réception d'une décision explicite de réception soit à l'écoulement du délai de trente jours à l'issue duquel une réception tacite est réputée acquise.
13. Il résulte de ce qui a été dit au point 11 ci-dessus, que la réception des travaux du lot n° 3 n'a pas été explicitement prononcée et qu'elle ne pouvait être acquise de manière tacite. Dans ces conditions, la remise en mains propres au maître d'oeuvre, par la société JD Charpente-Couverture, de son projet de décompte final dès le 6 avril 2017, n'a pas été de nature à déclencher la procédure d'établissement du décompte général définie aux articles 13.4.1 et suivants du CCAG Travaux. La communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin ne pouvait, par suite, être regardée comme ayant manqué à son obligation de notifier le décompte général dans les conditions énoncées 13.4.3. et 13.4.5. du CCAG Travaux et il en résulte que la circonstance qu'elle n'ait pas répondu, dans les dix jours qui ont suivi la réception, le 31 juillet 2017, du projet de décompte général que lui a adressé la société JD Charpente-Couverture, n'a pas pu avoir pour conséquence de faire de ce projet, le décompte général et définitif du marché.
14. Il s'en suit que l'obligation dont se prévaut la société JD Charpente-Couverture au titre du solde de son marché, pour un montant de 46 852,17 euros, ne peut être regardée comme non sérieusement contestable.
15. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le caractère non sérieusement contestable des créances dont se prévaut la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin à l'égard de la société JD Charpente-Couverture, que cette dernière n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que réclame la société JD Charpente-Couverture au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
17. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société JD Charpente-Couverture le versement à la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de la société JD Charpente-Couverture et les conclusions d'appel incident de la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin sont rejetées.
Article 2 : La société JD Charpente-Couverture versera une somme de 1 500 euros à la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société JD Charpente-Couverture et à la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin.
Fait à Nancy, le 11 janvier 2019
Le juge des référés
Signé : Eric B...
La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme
Le Greffier,
F. Dupuy
7
18NC01459
Procédure contentieuse antérieure :
La société JD Charpente-Couverture a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg de condamner la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin à lui verser une provision de 46 852,17 euros en application des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 1706401 du 27 avril 2018 le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 mai 2018, la société JD Charpente-Couverture, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance 27 avril 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de condamner la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin à lui verser la somme de 46 852,17 euros, à titre de provision sur le solde du décompte général et définitif du lot n° 3 du marché de travaux relatif à la requalification du site de Kleinau Malmerspach ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin le versement de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance ne pouvait régulièrement intervenir avant que le premier juge ait prononcé, alors que l'instruction avait été rouverte, une nouvelle clôture de l'instruction ;
- la minute de cette ordonnance ne comporte ni la signature du juge des référés ni la mention " signé " ;
- le décompte général du marché est tacitement devenu définitif en application des stipulations de l'article 13.4.4 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) - Travaux ;
- aucun désordre ni aucune malfaçon ne peuvent lui être imputés et ainsi, la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin n'établit pas l'existence d'une créance à son encontre ;
- la retenue de garantie prévue à l'article 5.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) avait été remplacée par la constitution d'une caution personnelle et solidaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2018, la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin, représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance de référé du 27 avril 2017 en tant qu'elle a reconnu l'existence du décompte général et définitif du marché ;
2°) de confirmer le surplus de cette ordonnance ;
3°) de mettre à la charge de la société JD Charpente-Couverture le versement d'une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'absence de nouvelle clôture de l'instruction n'a pu léser la société requérante et n'a pas méconnu en l'espèce le principe du caractère contradictoire de la procédure ;
- il revient à la cour de vérifier que la minute de l'ordonnance attaquée est signée par le juge des référés ;
- le premier juge a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que le décompte général et définitif avait été tacitement accepté ;
- le procès-verbal des opérations préalables à la réception des travaux ne constitue pas une décision portant réception des travaux laquelle ne doit laisser aucun doute sur la commune intention des parties de procéder à une telle réception ;
- les travaux du lot dont était titulaire la société JD Charpente-Couverture qui comportaient de nombreuses malfaçons, n'ont jamais été réceptionnés et ont fait l'objet de plusieurs mises en demeure ;
- le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à une demande d'expertise portant sur ces travaux ;
- elle détient des créances à l'égard de la société JD Charpente-Couverture ;
- l'obligation dont se prévaut la société requérante au titre du règlement du solde du marché est donc sérieusement contestable tant dans son principe que son montant.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 modifié par l'arrêté du 3 mars 2014 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 3 septembre 2018, la présidente de la cour a désigné M. A...B..., comme juge de référés en application des dispositions de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre de son projet de requalification du site de Kleinau à Malmerspach (Haut-Rhin), comportant notamment la réhabilitation d'un bâtiment industriel, sous la maîtrise d'oeuvre de la société Axis Architecture, la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin a, en septembre 2015, confié à la société JD Charpente-Couverture les travaux correspondant au lot n° 3 " Charpente / Couverture " de ce marché et dont le montant contractuel résultant de l'avenant conclu le 16 novembre 2015 a été porté à la somme de 484 909,36 euros hors-taxe. Le 6 avril 2017, simultanément à la signature d'un procès-verbal d'opérations préalables à la réception des travaux avec le maître d'oeuvre, cette société a présenté un projet de décompte final faisant apparaitre un solde en sa faveur d'un montant de 46 852,17 euros dont, en se prévalant ensuite d'une acceptation tacite de ce décompte par le maître d'ouvrage, elle a demandé le règlement par un mémoire du 28 septembre 2017. La communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin lui ayant opposé un refus, elle a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation de celle-ci à lui verser cette somme à titre de provision sur le règlement du solde du marché. Elle fait appel de l'ordonnance du 27 avril 2018 par laquelle le juge des référés a rejeté cette demande. La communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin a, quant à elle, formé partiellement appel incident de cette même ordonnance.
Sur la recevabilité de l'appel incident de la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin :
2. Une requête d'appel n'est recevable que dans la mesure où elle tend à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement ou de l'ordonnance attaquée.
3. En l'espèce, la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin ne conteste pas, dans son appel incident, le dispositif de l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de provision présentée par la société JD Charpente-Couverture mais elle se borne à demander l'annulation de cette ordonnance en tant que dans ses motifs, y est admise l'existence d'un décompte général définitif qui lui serait opposable. De telles conclusions sont, par suite, irrecevables et doivent être rejetées comme telles quand bien même la communauté de communes demeure recevable à présenter tout moyen en défense tendant au rejet de l'appel principal formé par la société JD Charpente-Couverture contre l'ordonnance attaquée.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 742-5 du code de justice administrative : " La minute de l'ordonnance est signée du seul magistrat qui l'a rendue. ". L'examen du dossier de première instance confirme que la minute de l'ordonnance attaquée a été signée par le juge des référés, contrairement à ce que soutient la société appelante dont le moyen doit, par suite, être écarté comme manquant en fait.
5. En second lieu, s'il est loisible au juge des référés lorsqu'il statue dans le cadre des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, sans tenir d'audience publique, de fixer, avant de rendre son ordonnance, une date de clôture de l'instruction, il doit néanmoins s'assurer du caractère contradictoire de la procédure, selon les modalités adaptées à l'urgence.
6. Il ressort des pièces du dossier qu'alors que la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin avait déjà, au cours de l'instance de référé, produit son mémoire en défense en temps utile, la société JD Charpente-Couverture a, moins de trois heures avant la clôture de l'instruction fixée par le juge des référés au 26 février 2018 à 12 h 00, produit un mémoire, dans lequel elle se prévalait notamment de l'irrecevabilité des écritures de l'autre partie. Ce mémoire, mis à la disposition de celle-ci une heure après, par le moyen de l'application Télérecours, a suscité de la part de la communauté de communes la production le même jour à 16 h 18, de pièces justificatives, ainsi que, le 26 février 2018, d'un nouveau mémoire en défense qui, après réouverture de l'instruction par ordonnance du 12 mars 2018, ont été communiquées à la société requérante. Un nouveau mémoire a été produit, le 12 avril 2018 par la communauté de communes et a été communiqué le lendemain à la société JD Charpente-Couverture. Contrairement à ce que soutient cette dernière et dès lors que lui avait été imparti un délai de huit jours pour produire d'éventuelles observations en réponse à cette communication, le juge des référés n'était pas tenu, avant de prendre son ordonnance, de fixer une nouvelle date de clôture de l'instruction ni d'organiser une audience publique. Ayant ainsi été mise en mesure de présenter ses observations, elle n'est pas fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée, qui est intervenue au-delà du délai de huit jours dont elle bénéficiait pour le faire, aurait méconnu les exigences du caractère contradictoire de la procédure et serait entachée d'irrégularité.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
7. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état.
8. Le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché qui constitue le principal document contractuel applicable au marché, inclut, au nombre des pièces contractuelles, les stipulations du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux) approuvé par l'arrêté ministériel du 8 septembre 2009 en leur version en vigueur au premier mois d'établissement des prix stipulés au marché ce qui implique qu'il s'agit de la version de ce document résultant de l'arrêté du 3 mars 2014, sous réserve, en outre et quand bien même n'y seraient-elles pas énumérées de manière exhaustive à l'article 10 du CCAP, des dérogations qui y seraient apportées.
9. En premier lieu, les articles 41.1 à 41.7 du CCAG Travaux définissent les conditions dans lesquelles doivent s'opérer les opérations de réception des travaux à l'issue desquelles le maître d'oeuvre établit un procès-verbal et formule des propositions tendant à la réception, avec ou sans réserves, et à la détermination d'une date d'achèvement des travaux. Selon l'article 41.3, il appartient au maître de l'ouvrage, dans tous les cas, de notifier au titulaire du marché une décision prononçant ou non la réception, dans les trente jours suivant la date du procès-verbal. Dans le cas où la réception est prononcée, avec ou sans réserves, celle-ci prend alors effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux. A défaut de notification de sa décision dans le délai ainsi fixé, les propositions du maître d'oeuvre s'imposent au maître de l'ouvrage et au titulaire du marché.
10. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue des opérations préalables à la réception des travaux du lot n° 3, réalisées le 6 avril 2017, le maître d'oeuvre et l'entreprise titulaire ont signé un procès-verbal dont il ressortait qu'était proposée la réception des ouvrages, avec une date d'achèvement fixée le jour même. Ce procès-verbal mentionnait également que devaient néanmoins être réalisées les épreuves relatives au clocheton de l'ouvrage. Or, et par dérogation aux stipulations de l'article 41.4 du CCAG qui autorisent, dans ce cas, le maître de l'ouvrage à décider de prononcer la réception sous réserve de l'exécution concluante de ces épreuves, l'article 7.2.2 du CCAP, portant stipulations particulières relatives à la réception, prévoit que cette dernière ne peut, au contraire, être prononcée que sous réserve de l'exécution concluante des épreuves. L'existence d'une telle réserve fait, par suite, obstacle à ce que la réception puisse résulter de l'absence de décision explicite du maître de l'ouvrage pendant un délai de trente jours.
11. Dans ces conditions, et bien que la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin, dont le représentant a assisté aux opérations préalables à la réception, conformément à l'article 41.1.1 du CCAG Travaux, n'ait notifié à la société JD Charpente-Couverture aucune décision explicite, dans le délai de trente jours ayant suivi l'établissement du procès-verbal du 6 avril 2017, la réception des travaux ne peut, du fait de l'existence d'une réserve relative à la mise à l'épreuve de l'ouvrage, être regardée comme ayant été tacitement acquise à cette date.
12. En second lieu, aux termes de l'article 3.3.2. du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché : " Après achèvement des travaux, l'entrepreneur (...) dresse le projet de décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, les évaluations étant faites en tenant compte des prestations réellement exécutées.(...) Le titulaire transmet son projet de décompte final au maître d'oeuvre, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans le délai de 45 jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu'elle est prévue à l'article 41.3 du CCAG ou, en l'absence d'un telle notification, à la fin de l'un des délais de 30 jours fixés aux articles 41.1.3 et 41.3 du CCAG ". Ces stipulations doivent être regardées comme dérogeant à celles de l'article 13.3.2. du CCAG Travaux qui imposent au titulaire de notifier également son projet de décompte final au représentant du pouvoir adjudicateur et fixent le délai de notification à 45 jours, à charge ensuite au maître d'oeuvre de procéder, dans les conditions prévues à l'article 13.3.3. du CCAG Travaux à l'établissement du décompte final puis, conformément à l'article 13.4.1. à celui du projet de décompte général. Toutefois, elles n'y dérogent pas en tant que la transmission, par le titulaire du marché, de son projet de décompte final est subordonnée soit à la réception d'une décision explicite de réception soit à l'écoulement du délai de trente jours à l'issue duquel une réception tacite est réputée acquise.
13. Il résulte de ce qui a été dit au point 11 ci-dessus, que la réception des travaux du lot n° 3 n'a pas été explicitement prononcée et qu'elle ne pouvait être acquise de manière tacite. Dans ces conditions, la remise en mains propres au maître d'oeuvre, par la société JD Charpente-Couverture, de son projet de décompte final dès le 6 avril 2017, n'a pas été de nature à déclencher la procédure d'établissement du décompte général définie aux articles 13.4.1 et suivants du CCAG Travaux. La communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin ne pouvait, par suite, être regardée comme ayant manqué à son obligation de notifier le décompte général dans les conditions énoncées 13.4.3. et 13.4.5. du CCAG Travaux et il en résulte que la circonstance qu'elle n'ait pas répondu, dans les dix jours qui ont suivi la réception, le 31 juillet 2017, du projet de décompte général que lui a adressé la société JD Charpente-Couverture, n'a pas pu avoir pour conséquence de faire de ce projet, le décompte général et définitif du marché.
14. Il s'en suit que l'obligation dont se prévaut la société JD Charpente-Couverture au titre du solde de son marché, pour un montant de 46 852,17 euros, ne peut être regardée comme non sérieusement contestable.
15. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le caractère non sérieusement contestable des créances dont se prévaut la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin à l'égard de la société JD Charpente-Couverture, que cette dernière n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que réclame la société JD Charpente-Couverture au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
17. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société JD Charpente-Couverture le versement à la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de la société JD Charpente-Couverture et les conclusions d'appel incident de la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin sont rejetées.
Article 2 : La société JD Charpente-Couverture versera une somme de 1 500 euros à la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société JD Charpente-Couverture et à la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin.
Fait à Nancy, le 11 janvier 2019
Le juge des référés
Signé : Eric B...
La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme
Le Greffier,
F. Dupuy
7
18NC01459