CAA de LYON, 1ère chambre - formation à 3, 04/12/2018, 17LY04082, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société AD Consult a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 22 mai 2015 par lequel le maire de la commune de Chamonix a refusé de lui délivrer un permis de construire valant division pour la construction de cinq chalets comportant seize logements, dont un chalet collectif de huit logements, sur des parcelles situées au lieu-dit Le Crêt.

Par un jugement n° 1504720 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce refus de permis de construire.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 décembre 2017, la commune de Chamonix-Mont-Blanc, représentée par la SELARL CDMF-Avocats affaires publiques, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 5 octobre 2017 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par la société AD Consult devant ce tribunal ;
3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la société AD Consult au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a retenu comme fondé le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué, qui comporte les considérations sur lesquelles ils se fonde, alors par ailleurs que le pétitionnaire avait été préalablement informé des raisons motivant le refus d'un précédent projet de nature comparable sur le même terrain ;
- c'est également à tort que le tribunal a censuré le motif de rejet tiré de la méconnaissance de l'article UE 11 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU), alors que le projet est en rupture d'échelle par sa volumétrie, sa densité et son implantation, avec le bâti existant et que son architecture symétrique porte atteinte à l'intérêt des lieux avoisinants caractérisés par des vues directes sur le Mont-Blanc, le glacier de Taconnaz, le glacier des Bossons et l'Aiguille du Midi ;
- le moyen de première instance, tiré de l'incompétence du signataire manque en fait ;
- subsidiairement, le nombre de logements envisagés excède le ratio de deux logements par bâtiment prescrit par l'article UE 2 du règlement du PLU et la desserte du projet par le chemin Napoléon ne satisfait pas aux exigences de l'article UE 3 du règlement du PLU ; ces motifs pourraient être substitués aux motifs de refus initialement opposés.

Par un mémoire enregistré les 31 mai 2018 et un mémoire enregistré le 8 novembre 2018 qui n'a pas été communiqué, la société AD Consult, représentée par la SCP Perez-Bensmihan, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :
1°) d'enjoindre à la commune de Chamonix-Mont-Blanc de lui délivrer le permis demandé dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Chamonix-Mont-Blanc les entiers dépens ainsi qu'une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- ainsi que l'a retenu le tribunal, la motivation du refus de permis de construire est largement insuffisante et ce refus est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- aucune substitution ne saurait être admise s'agissant d'un refus d'autorisation censuré pour une irrégularité de forme ;
- dès lors qu'elle a confirmé sa demande par courrier du 8 mars 2018, le permis de construire demandé pourra lui être délivré sur injonction prescrite en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n°°2015-990 du 6 août 2015 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;
- et les observations de Me A... pour la commune de Chamonix-Mont-Blanc ;



Considérant ce qui suit :


1. La commune de Chamonix-Mont-Blanc relève appel du jugement du 5 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, sur demande de la société AD Consult, annulé l'arrêté de son maire du 22 mai 2015 refusant de délivrer à cette société un permis de construire valant division pour la construction de cinq chalets comportant seize logements dont un chalet collectif de huit logements, sur des parcelles situées au lieu-dit Le Crêt.

Sur le bien-fondé des moyens d'annulation retenus par les premiers juges :

2. Pour annuler le refus de permis de construire en litige, le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur le caractère insuffisant de sa motivation.

3. Pour refuser le permis de construire sollicité, le maire de Chamonix-Mont-Blanc s'est borné à indiquer que le projet "par sa situation, son architecture, ses dimensions ou son aspect extérieur", est "de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants (art. R111-21 du code de l'urbanisme et article UE11 du règlement du PLU)" sans préciser les éléments de fait sur lesquels il s'est appuyé pour porter une telle appréciation. Dans ces conditions, et alors même qu'un précédent refus avait déjà été opposé à la société AD Consult sur le même fondement et sur le même terrain d'assiette pour un projet différent, la commune de Chamonix-Mont-Blanc n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu comme fondé ce moyen d'annulation.

4. Le tribunal administratif de Grenoble a également, au titre de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, retenu comme fondé un autre moyen d'annulation, tiré de ce que le refus de permis de construire en litige était en outre entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article UE 11 du règlement du PLU de la commune de Chamonix-Mont-Blanc relatives à l'aspect extérieur des constructions.

5. Cet article UE 11 reproduit les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme selon lequel " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " en rappelant qu'elles sont applicables en présence d'un PLU et dispose par ailleurs que : " Les constructions, installations et divers modes d'utilisation du sol doivent être adaptées dans leurs dimensions, leur architecture, leur situation et leur aspect extérieur au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu'éventuellement aux perspectives monumentales. / Afin d'aider le demandeur ou l'auteur du projet à aboutir à une bonne intégration de la construction envisagée à son environnement naturel et bâti, ainsi qu'à son adaptation au terrain, il lui est conseillé de se référer au Cahier des Recommandations Architecturales joint au présent règlement. / Des modifications ayant pour but d'améliorer l'intégration de la construction à son environnement et son adaptation au terrain pourront être exigées pour l'obtention du permis de construire. (...) ". L'article UE 11 du règlement du PLU définit, en outre, des prescriptions applicables à différentes aires en fonction de leur caractère architectural spécifique.

6. Il ressort des pièces du dossier que le projet de construction doit s'implanter au lieu-dit Le Crêt, dans le quartier des Bossons, caractérisé par une vue directe sur le Mont-Blanc, le glacier de Taconnaz, le glacier des Bossons et l'aiguille du Midi, et par un habitat diversifié, dont l'affectation principale est le logement et l'hébergement sous forme de maisons individuelles isolées ou groupées. La commune soutient que le projet ne s'insère pas dans son environnement immédiat en ce qu'il induit par sa volumétrie, sa densité et son implantation, une rupture avec le bâti existant et en ce qu'il reproduit une architecture symétrique et quasi-systématique qui contribue à banaliser la forme urbaine. Il ressort cependant des pièces du dossier que le projet prévoit la construction de cinq chalets en R + 1, dont la hauteur est en adéquation avec celles des bâtiments voisins et dont l'implantation décalée tient compte de la déclivité du terrain. L'aspect extérieur, comprenant un soubassement maçonné et un bardage en bois de sapin à l'étage, reprend le caractère architectural local. La notice descriptive prévoit de maintenir l'aspect naturel de prairie des espaces non aménagés. La commune ne démontre pas davantage en appel qu'en première instance que les caractéristiques des chalets projetés ne permettraient pas une intégration harmonieuse du projet dans son environnement ou qu'elles seraient incompatibles avec l'objectif des auteurs du PLU de conserver à la zone UE, son caractère aéré et peu dense. La commune de Chamonix-Mont-Blanc n'est ainsi pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont également retenu que le refus de permis de construire en litige procédait d'une inexacte application des dispositions de l'article UE 11 du règlement du PLU de la commune citées au point 5 dont les exigences ne sont pas moindres que celles de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.

7. La commune de Chamonix-Mont-Blanc demande que soient substitués au motif énoncé dans l'arrêté du 22 mai 2015, d'autres motifs tirés de la méconnaissance des articles UE 2 et UE 3 du règlement du PLU. Toutefois, le refus de permis de construire en litige étant annulé notamment pour un vice de forme affectant sa motivation, cette éventuelle substitution ne peut être utilement demandée.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Chamonix-Mont-Blanc n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé le refus opposé par son maire à la demande de permis de construire de la société AD Consult.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

10. L'annulation de l'arrêté du maire de la commune de Chamonix-Mont-Blanc du 22 mai 2015, notamment pour un vice de forme faisant obstacle à l'examen du bien-fondé des motifs dont la commune de Chamonix-Mont-Blanc a proposé qu'ils soient substitués à celui sur lequel elle a fondé le refus en litige, n'implique pas la délivrance du permis de construire, comme le demande la société AD Consult, mais seulement que le maire de Chamonix-Mont-Blanc, ressaisi de la demande de permis par l'effet de l'annulation du refus en litige, statue à nouveau sur cette demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la commune de Chamonix-Mont-Blanc demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de la société AD Consult, qui n'est pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Chamonix-Mont-Blanc une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société AD Consult.


DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Chamonix-Mont-Blanc est rejetée.
Article 2 : La commune de Chamonix-Mont-Blanc versera la somme de 2 000 euros à la société AD Consult au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Chamonix-Mont-Blanc et à la société AD Consult.
Délibéré après l'audience du 13 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 décembre 2018.
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N° 17LY04082
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