Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 12/12/2018, 415765

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1607309 du 16 novembre 2017, enregistrée le 17 novembre 2017 au secrétariat du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête enregistrée le 10 mai 2016 au greffe de ce tribunal, présentée par le syndicat UNSA - Intérieur-ATS.

Par cette requête et par un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 juillet 2016 et 14 octobre 2017, l'UNSA-Intérieur-ATS demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant sa demande du 5 janvier 2016 tendant à la modification de la composition des commissions locales d'action sociale pour que celle-ci tienne compte des votes émis par les personnels civils de la gendarmerie nationale lors des élections de leurs instances représentatives.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 2006-21 du 6 janvier 2006 ;
- le décret n° 2014-1217 du 21 octobre 2014 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Yves Ollier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.



Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur :

1. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté ministériel du 9 juillet 2015 relatif aux commissions locales d'action sociale et au réseau local d'action sociale du ministère de l'intérieur, publié au bulletin officiel du ministère de l'intérieur le 13 août 2017 : " Il est institué, dans chaque département ou collectivité de métropole et d'outre-mer, par arrêté préfectoral, une commission locale d'action sociale dont la composition, les attributions et le fonctionnement sont régis par le présent arrêté " ; qu'aux termes de l'article 2 de cet arrêté : " La commission locale d'action sociale comprend 13, 15, 17 ou 21 membres (...) représentant les principales organisations syndicales représentatives des personnels du ministère de l'intérieur et 5 membres de droit (...) " ; qu'aux termes de son article 3 : " Les sièges sont répartis entre les représentants du personnel exerçant leurs fonctions au sein d'un service de préfecture et les représentants des personnels en fonction dans un service de la police nationale, implantés sur le territoire de référence (...) " ; que, par une lettre du 16 novembre 2015, en réponse à une lettre de l'UNSA Gendarmerie et du SNPC FO/Gendarmerie, la directrice des ressources humaines du ministère de l'intérieur a indiqué, d'une part, que les personnels civils de la gendarmerie étaient éligibles aux actions menées par les commissions locales d'action sociale et qu'ils pouvaient être désignés par une organisation syndicale pour siéger au sein de ces instances, d'autre part, que la composition de ces commissions ne pouvait " s'adosser " qu'aux résultats des élections dans les instances départementales et que le vote au comité technique de la gendarmerie nationale, qui est une instance nationale, ne pouvait être pris en compte à cet égard ; que, par une lettre du 5 janvier 2016, l'UNSA Gendarmerie et le SNPC FO/Gendarmerie ont demandé au ministre de l'intérieur de modifier la composition de ces commissions pour que des représentants des personnels civils de la gendarmerie y soient désignés, sur la base de la représentation de ces personnels au sein des vingt-quatre comités d'hygiène et de sécurité de la gendarmerie nationale ; qu'il ressort des pièces du dossier que cette demande a été reçue par le ministre de l'intérieur le 14 janvier 2016 ; qu'une décision implicite de rejet est née le 14 mars 2016 du silence gardé sur cette demande, qui tendait à la modification des dispositions réglementaires relatives à la composition des commissions locales d'action sociale du ministère de l'intérieur ; que cette décision fait grief au syndicat requérant ; que la fin de non-recevoir soulevée par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur doit, par suite, être écartée ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

2. Considérant que l'article 9 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose que : " Les fonctionnaires participent par l'intermédiaire de leurs délégués siégeant dans des organismes consultatifs à l'organisation et au fonctionnement des services publics, à l'élaboration des règles statutaires et à l'examen des décisions individuelles relatives à leur carrière. / Ils participent à la définition et à la gestion de l'action sociale, culturelle, sportive et de loisirs dont ils bénéficient ou qu'ils organisent. (...) " ; que lorsque le ministre, dans le cadre de son pouvoir d'organisation du service, crée une instance de concertation composée de représentants du personnel désignés par les organisations syndicales en fonction de leur représentativité, il lui appartient d'apprécier cette représentation au niveau où l'instance est appelée à siéger, ou, à défaut, à un niveau aussi proche que possible de celui-ci ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les personnels civils de la gendarmerie, qui sont éligibles aux actions des commissions locales d'action sociale du ministère de l'intérieur, n'y sont pas représentés, alors que la représentation de ces personnels au sein des comités d'hygiène et de sécurité des conditions de travail, créés par un arrêté du 26 novembre 2014, a été fixée sur la base des suffrages recueillis dans chaque région par les organisations syndicales lors des élections du 4 décembre 2014 pour la désignation des représentants du personnel au sein du comité technique de la gendarmerie nationale ; que le ministre ne pouvait se fonder sur les seules circonstances qu'il n'était pas en mesure d'apprécier la représentativité des organisations syndicales représentant les personnels civils de la gendarmerie nationale au niveau départemental et que les résultats mentionnés ci-dessus n'avaient pas été recueillis dans le cadre d'élections à des instances départementales mais à l'occasion du vote pour l'élection d'une instance nationale pour refuser de prendre ceux-ci en compte et rejeter la demande dont il était saisi ; que le syndicat requérant est, par suite, fondé à demander l'annulation de la décision de refus qui lui a été opposée ;



D E C I D E :
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Article 1er : La décision implicite du ministre de l'intérieur, résultant du silence gardé sur la demande de l'UNSA Gendarmerie et du SNPC FO/Gendarmerie tendant à ce que la composition des commissions locales d'action sociale soit modifiée pour que des représentants des personnels civils de la gendarmerie y soient désignés, sur la base de la représentation de ces personnels au sein des comités d'hygiène et de sécurité de la gendarmerie nationale, est annulée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat UNSA-Intérieur-ATS et au ministre de l'intérieur.

ECLI:FR:CECHR:2018:415765.20181212
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