CAA de BORDEAUX, 4ème chambre - formation à 3, 30/11/2018, 16BX01127, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme G...B...et d'autres requérants ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2012 par lequel le maire de Toulouse a délivré à la SNC COGEDIM Midi-Pyrénées le permis de construire qu'elle avait sollicité pour la réalisation d'un immeuble de seize logements.

Par un jugement n° 1300486 du 5 février 2016, le tribunal administratif de Toulouse a annulé ce permis de construire.
Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 avril 2016, et un mémoire complémentaire, enregistré le 28 septembre 2016, la SNC COGEDIM Midi-Pyrénées, représentée par la SCP Courrech et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 février 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme B...et autres devant le tribunal administratif de Toulouse ;

3°) de mettre à la charge solidaire de M. et Mme B...et des autres demandeurs une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le dossier de demande était complet au regard des exigences de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme ; en tout état de cause, le tribunal aurait pu faire application sur ce point de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
- la différence entre la hauteur du projet et celle autorisée dans la zone du futur plan local d'urbanisme est faible et cela ne compromettra pas l'exécution du futur plan.


Par un mémoire, enregistré le 8 juillet 2016, la commune de Toulouse, représentée par la SCP Bouyssou et associés, déclare qu'elle fait sienne l'argumentation de la SNC COGEDIM Midi-Pyrénées.

Par un mémoire, enregistré le 20 juillet 2016, M. et MmeB..., M. et MmeC..., MmeM..., MmeD..., MmeE..., M.E..., MmeA..., Mme F...et Mme L..., représentés par le Cabinet Depuy, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge solidaire de la SNC COGEDIM Midi-Pyrénées et de la commune de Toulouse une somme globale de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 18 décembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 26 janvier 2018 à 12h00.
Par lettre du 9 avril 2018, le cabinet Depuy a fait savoir à la cour que M. et Mme K...C...sont désignés en tant que représentants uniques selon les dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,
- et les observations de Me I...se substituant à la SCP Courrech et associés, représentant la SNC COGEDIM, et de MeJ... H... se substituant au Cabinet Depuy, représentant M. et MmeC....
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 11 septembre 2012, le maire de Toulouse a délivré à la SNC COGEDIM Midi-Pyrénées le permis de construire qu'elle avait sollicité pour la réalisation d'un immeuble de seize logements. La SNC COGEDIM Midi-Pyrénées relève appel du jugement du 5 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté à la demande de M. et Mme B... et autres.
Sur les motifs d'annulation retenus par le tribunal :
2. En vertu des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un permis de construire en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance. Dans le cas où il estime en revanche qu'aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, examine ces moyens. Il lui appartient de les écarter si aucun d'entre eux n'est fondé et, à l'inverse, en application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer, si un ou plusieurs d'entre eux lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime, en l'état du dossier, de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges.
3. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 11 septembre 2012, le tribunal administratif de Toulouse a retenu les moyens tirés, d'une part, du caractère insuffisant du dossier de demande et, d'autre part, de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le maire en n'ayant pas sursis à statuer sur la demande de la requérante. En application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient à la cour de se prononcer sur ces motifs d'annulation contestés devant elle.
4. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse ".
5. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
6. S'il est vrai que la planche PC6 du dossier de demande présente une esquisse assez sommaire du projet et de son environnement, la planche PC7et8, composée de photographies de la maison existante à démolir et des rues à l'angle desquelles elle se trouve ainsi que d'une vue aérienne sur laquelle sont reportés les angles de prise de vue, permet de constater que le projet en litige se situe dans un quartier composé majoritairement de pavillons et de maisons de ville et de leurs jardins. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal a, pour annuler le permis de construire en litige, estimé que le dossier de demande était incomplet au regard des dispositions précitées de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme.
7. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme applicable au litige : " A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 111-8, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan ".
8. D'une part, il est constant que le nouveau projet de plan local d'urbanisme de Toulouse métropole a été arrêté le 28 juin 2012. Il n'est pas contesté qu'à la date du 11 septembre 2012, à laquelle a été délivré le permis en litige, le projet de document d'urbanisme en cours de révision était suffisamment avancé pour que le maire soit à même d'apprécier si, eu égard à ses caractéristiques, la construction projetée était de nature à compromettre l'exécution du futur plan.
9. D'autre part, il ressort encore des pièces du dossier que le terrain d'assiette de ce projet, de 739 m², classé en zone UB, est désormais classé en secteur UL6, défini dans le rapport de présentation comme " quartier périphérique d'urbanisation mixte ", " à dominante d'habitat individuel accolé ou non avec une part faible d'habitat collectifs ". Le projet en litige prévoit la réalisation d'un immeuble unique d'habitat collectif, situé en première ligne sur un terrain à l'angle de deux rues, dont la majeure partie est en R+3. Or, le rapport de présentation précise que " la principale caractéristique " de la zone UL " est son R+2 ". De la même façon, alors que l'article 10 du règlement de la zone UL prévoit qu'en secteur UL6, la hauteur absolue des constructions ne peut excéder 8,5 mètres, la hauteur du bâtiment projeté, doté de surcroit d'un toit à double pente sur sa majeure partie, est de 11,67 mètres à la sablière, soit une différence de 3,17 mètres. Dans ces conditions, le permis de construire délivré entre en contradiction avec la volonté affichée des auteurs du nouveau plan local d'urbanisme d'abaisser la hauteur précédemment autorisée des constructions dans cette zone. Dès lors, en n'opposant pas à la demande de la pétitionnaire un sursis à statuer sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme, le maire de la commune de Toulouse a commis une erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de ce qui précède que la SNC COGEDIM Midi-Pyrénées n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé le permis de construire qui lui avait été délivré.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme C...et autres, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la SNC COGEDIM Midi-Pyrénées au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge respective de la SNC COGEDIM Midi-Pyrénées et de la commune de Toulouse une somme globale de 1 500 euros chacune à verser à M. et Mme C...et autres en application de ces mêmes dispositions.
DECIDE
Article 1er : La requête de la SNC COGEDIM Midi-Pyrénées est rejetée.
Article 2 : La SNC COGEDIM Midi-Pyrénées et la commune de Toulouse verseront chacune une somme globale de 1 500 euros à M. et Mme C...et autres en application de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC COGEDIM Midi-Pyrénées, à M. et Mme K... C..., représentants uniques, pour tous leurs cosignataires, et à la commune de Toulouse.
Délibéré après l'audience du 26 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,
M. Romain Roussel, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 30 novembre 2018.

Le rapporteur,
Romain Roussel
Le président,
Philippe Pouzoulet Le greffier,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 16BX01127



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