Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 19/11/2018, 413492
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 19/11/2018, 413492
Conseil d'État - 7ème - 2ème chambres réunies
- N° 413492
- ECLI:FR:CECHR:2018:413492.20181119
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
lundi
19 novembre 2018
- Rapporteur
- M. Marc Firoud
- Avocat(s)
- SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Mme B...A...a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 10 mars 2015 de l'Autorité de la concurrence prononçant son licenciement et de la décision portant rejet de son recours gracieux, et d'autre part, à la condamnation de l'Autorité de la concurrence à lui verser une somme de 12 822,87 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de ce licenciement. Par un jugement n° 1505531 du 21 janvier 2016, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de licenciement du 10 mars 2015 et la décision portant rejet du recours gracieux, et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Par un arrêt n° 16PA00641 du 20 juin 2017, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé contre ce jugement par l'Autorité de la concurrence.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 août et 20 novembre 2017 et 19 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Autorité de la concurrence demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le décret n° 2014-1318 du 3 novembre 2014 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Firoud, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de l'Autorité de la concurrence et à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de MmeA....
1. Considérant qu'il ressort des pièces soumises aux juges du fond que Mme A... a été recrutée le 15 avril 2014 par l'Autorité de la concurrence en qualité d'agent contractuel, afin d'occuper le poste de rapporteur permanent dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; que, par un avenant du 23 septembre 2014, la période d'essai de vingt-six semaines prévue par ce contrat a été renouvelée, pour la même durée, à compter du 14 octobre 2014 ; que, par une décision du 10 mars 2015, l'Autorité de la concurrence a prononcé le licenciement de Mme A...avec effet à l'expiration de sa période d'essai, soit le 14 avril 2015 ; que, par un jugement du 21 janvier 2016, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de licenciement du 10 mars 2015 ainsi que la décision portant rejet du recours gracieux de Mme A...; que, par un arrêt du 20 juin 2017, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par l'Autorité de la concurrence contre ce jugement ; que l'Autorité de la concurrence se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 9 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat, dans sa rédaction issue du décret du 3 novembre 2014 : " Le contrat ou l'engagement peut comporter une période d'essai qui permet à l'administration d'évaluer les compétences de l'agent dans son travail et à ce dernier d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.(...) La durée initiale de la période d'essai peut être modulée à raison d'un jour ouvré par semaine de durée de contrat, dans la limite : (...) - de quatre mois lorsque le contrat est conclu à durée indéterminée. La période d'essai peut être renouvelée une fois pour une durée au plus égale à sa durée initiale. La période d'essai et la possibilité de la renouveler sont expressément stipulées dans le contrat ou l'engagement (...) " ; qu'aucune limite à la durée de la période d'essai n'était antérieurement fixée par les textes applicables à ces agents ; que le décret du 3 novembre 2014 ne prévoit aucune règle relative à l'entrée en vigueur de ces dispositions ;
3. Considérant que les agents contractuels de l'Etat étant placés vis-à-vis de leur administration dans une situation légale et réglementaire, les modifications apportées aux règles qui régissent leur emploi leur sont, en principe, et sauf dispositions contraires, immédiatement applicables ; que, toutefois, les limitations de la durée de la période d'essai et de son éventuel renouvellement désormais prévues par le décret du 3 novembre 2014 ne peuvent s'appliquer, sauf à revêtir un caractère rétroactif, qu'à compter de la date d'entrée en vigueur de ce texte, soit le 6 novembre 2014 ;
4. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Paris, pour estimer que l'Autorité de la concurrence ne pouvait légalement mettre fin au contrat de MmeA..., le 10 mars 2015, sans respecter la procédure de consultation de la commission consultative paritaire requise pour les licenciements intervenant postérieurement à la période d'essai, a jugé que les dispositions du décret du 3 novembre 2014 limitant à quatre mois la durée de la période d'essai pour les contrats à durée indéterminée, ainsi que celle de son éventuel renouvellement, impliquaient, dès lors qu'elles étaient immédiatement applicables aux contrats en cours, que cette durée de quatre mois renouvelable avait commencé à courir à compter de la date du recrutement initial de Mme A...; qu'elle en a ainsi déduit que la période d'essai de l'intéressée s'était achevée huit mois après le 15 avril 2014, date de son recrutement, soit le 15 décembre de la même année ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en statuant ainsi, la cour a commis une erreur de droit ;
5. Considérant que, toutefois, la seconde période d'essai de MmeA..., qui a débuté le 14 octobre 2014, pour une durée initialement prévue de six mois, aurait dû prendre fin, du fait de l'entrée en vigueur du décret du 3 novembre 2014, au plus tard au terme d'un délai de quatre mois courant à compter de cette date, soit le 6 mars 2015 ; qu'ainsi, à la date du 10 mars 2015 à laquelle a été prise la décision contestée prononçant le licenciement de Mme A... avec effet au 14 avril 2015, la période d'essai de Mme A...était achevée ; que ce motif, dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait autre que celles relevées par la cour administrative d'appel, doit être substitué aux motifs de l'arrêt attaqué, dont il justifie le dispositif ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de l'Autorité de la concurrence doit être rejeté ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Autorité de la concurrence la somme de 3 000 euros à verser à Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de l'Autorité de la concurrence est rejeté.
Article 2 : L'Autorité de la concurrence versera à Mme A...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Autorité de la concurrence et à Mme B...A....
ECLI:FR:CECHR:2018:413492.20181119
Mme B...A...a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 10 mars 2015 de l'Autorité de la concurrence prononçant son licenciement et de la décision portant rejet de son recours gracieux, et d'autre part, à la condamnation de l'Autorité de la concurrence à lui verser une somme de 12 822,87 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de ce licenciement. Par un jugement n° 1505531 du 21 janvier 2016, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de licenciement du 10 mars 2015 et la décision portant rejet du recours gracieux, et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Par un arrêt n° 16PA00641 du 20 juin 2017, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé contre ce jugement par l'Autorité de la concurrence.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 août et 20 novembre 2017 et 19 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Autorité de la concurrence demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le décret n° 2014-1318 du 3 novembre 2014 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Firoud, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de l'Autorité de la concurrence et à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de MmeA....
1. Considérant qu'il ressort des pièces soumises aux juges du fond que Mme A... a été recrutée le 15 avril 2014 par l'Autorité de la concurrence en qualité d'agent contractuel, afin d'occuper le poste de rapporteur permanent dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; que, par un avenant du 23 septembre 2014, la période d'essai de vingt-six semaines prévue par ce contrat a été renouvelée, pour la même durée, à compter du 14 octobre 2014 ; que, par une décision du 10 mars 2015, l'Autorité de la concurrence a prononcé le licenciement de Mme A...avec effet à l'expiration de sa période d'essai, soit le 14 avril 2015 ; que, par un jugement du 21 janvier 2016, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de licenciement du 10 mars 2015 ainsi que la décision portant rejet du recours gracieux de Mme A...; que, par un arrêt du 20 juin 2017, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par l'Autorité de la concurrence contre ce jugement ; que l'Autorité de la concurrence se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 9 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat, dans sa rédaction issue du décret du 3 novembre 2014 : " Le contrat ou l'engagement peut comporter une période d'essai qui permet à l'administration d'évaluer les compétences de l'agent dans son travail et à ce dernier d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.(...) La durée initiale de la période d'essai peut être modulée à raison d'un jour ouvré par semaine de durée de contrat, dans la limite : (...) - de quatre mois lorsque le contrat est conclu à durée indéterminée. La période d'essai peut être renouvelée une fois pour une durée au plus égale à sa durée initiale. La période d'essai et la possibilité de la renouveler sont expressément stipulées dans le contrat ou l'engagement (...) " ; qu'aucune limite à la durée de la période d'essai n'était antérieurement fixée par les textes applicables à ces agents ; que le décret du 3 novembre 2014 ne prévoit aucune règle relative à l'entrée en vigueur de ces dispositions ;
3. Considérant que les agents contractuels de l'Etat étant placés vis-à-vis de leur administration dans une situation légale et réglementaire, les modifications apportées aux règles qui régissent leur emploi leur sont, en principe, et sauf dispositions contraires, immédiatement applicables ; que, toutefois, les limitations de la durée de la période d'essai et de son éventuel renouvellement désormais prévues par le décret du 3 novembre 2014 ne peuvent s'appliquer, sauf à revêtir un caractère rétroactif, qu'à compter de la date d'entrée en vigueur de ce texte, soit le 6 novembre 2014 ;
4. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Paris, pour estimer que l'Autorité de la concurrence ne pouvait légalement mettre fin au contrat de MmeA..., le 10 mars 2015, sans respecter la procédure de consultation de la commission consultative paritaire requise pour les licenciements intervenant postérieurement à la période d'essai, a jugé que les dispositions du décret du 3 novembre 2014 limitant à quatre mois la durée de la période d'essai pour les contrats à durée indéterminée, ainsi que celle de son éventuel renouvellement, impliquaient, dès lors qu'elles étaient immédiatement applicables aux contrats en cours, que cette durée de quatre mois renouvelable avait commencé à courir à compter de la date du recrutement initial de Mme A...; qu'elle en a ainsi déduit que la période d'essai de l'intéressée s'était achevée huit mois après le 15 avril 2014, date de son recrutement, soit le 15 décembre de la même année ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en statuant ainsi, la cour a commis une erreur de droit ;
5. Considérant que, toutefois, la seconde période d'essai de MmeA..., qui a débuté le 14 octobre 2014, pour une durée initialement prévue de six mois, aurait dû prendre fin, du fait de l'entrée en vigueur du décret du 3 novembre 2014, au plus tard au terme d'un délai de quatre mois courant à compter de cette date, soit le 6 mars 2015 ; qu'ainsi, à la date du 10 mars 2015 à laquelle a été prise la décision contestée prononçant le licenciement de Mme A... avec effet au 14 avril 2015, la période d'essai de Mme A...était achevée ; que ce motif, dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait autre que celles relevées par la cour administrative d'appel, doit être substitué aux motifs de l'arrêt attaqué, dont il justifie le dispositif ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de l'Autorité de la concurrence doit être rejeté ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Autorité de la concurrence la somme de 3 000 euros à verser à Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de l'Autorité de la concurrence est rejeté.
Article 2 : L'Autorité de la concurrence versera à Mme A...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Autorité de la concurrence et à Mme B...A....