Conseil d'État, 5ème et 6ème chambres réunies, 09/11/2018, 414479

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

MmeD... C..., Mme E... C..., M. F... C... et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser des indemnités réparant les conséquences de l'aggravation de l'état de santé puis du décès de M. A...C..., liés à sa contamination par le virus de l'hépatite C à l'occasion de transfusions sanguines. L'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM) a demandé que ses débours soient mis à la charge de l'Etablissement français du sang (EFS). Par un jugement n° 1200060 du 15 octobre 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande des consorts C...et mis à la charge de l'EFS le versement à l'ENIM de la somme de 73 828,86 euros.

Saisie par les consorts C...et par l'EFS, la cour administrative d'appel de Douai a, par un arrêt n° 14DA01924, 14DA01943 du 20 juillet 2017, mis à la charge de l'ONIAM le versement aux consorts C...de diverses indemnités et a ramené à 38 403,82 euros la somme due par l'EFS à l'ENIM.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 21 septembre et 21 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Etablissement français du sang demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il ne fait pas droit à l'intégralité de ses conclusions d'appel ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'ENIM la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Louise Cadin, auditeur,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Etablissement français du sang.




1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... C...a reçu au centre hospitalier de Dunkerque, le 8 août 1981, des produits sanguins fournis par le poste de transfusion sanguine de cet établissement et par l'Association pour l'essor de la transfusion sanguine de Lille, qui ont entraîné sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que la réparation des préjudices consécutifs à cette contamination a été mise à la charge du centre hospitalier de Dunkerque, en qualité de gestionnaire du poste de transfusion sanguine de l'établissement, par un jugement du 19 décembre 2002 du tribunal administratif de Lille ; qu'à la suite de l'aggravation de l'état de santé de M. C...puis de son décès survenu le 7 février 2006, ses ayants droit ont, le 5 janvier 2012, demandé au tribunal administratif de mettre diverses indemnités à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ; que l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM) a demandé que ses débours soient mis à la charge de l'Etablissement français du sang (EFS), venu aux droits et obligations des établissements de transfusion sanguine ; que, par un jugement du 15 octobre 2014, le tribunal administratif a rejeté la demande des consorts C...et mis à la charge de l'EFS le versement à l'ENIM de la somme de 73 828,86 euros ; que, par un arrêt du 20 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Douai, saisie par les consorts C...et par l'EFS, a mis à la charge de l'ONIAM le versement aux consorts C...de diverses indemnités et ramené à 38 403,82 euros la somme due par l'EFS à l'ENIM ; que l'EFS, qui demandait à être entièrement déchargé, se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa requête d'appel ;

2. Considérant que la réparation des conséquences d'une contamination par les virus de l'hépatite B et C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang est régie par l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, qui prévoit notamment que la victime est indemnisée par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale ; que le huitième alinéa de cet article, issu de l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, dispose que l'office et les tiers payeurs ne peuvent exercer d'action subrogatoire contre l'Etablissement français du sang, venu aux droits et obligations de l'établissement de transfusion sanguine qui a fourni les produits contaminés, " si l'établissement de transfusion sanguine n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou encore dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 114-1 du code des assurances : " Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. / (...) / Quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier (...) " ;

4. Considérant que, pour rejeter la demande de l'EFS tendant à être déchargée de toute condamnation, la cour administrative d'appel a retenu que la prescription biennale opposée à l'EFS par la société Axa assurances, assureur de l'Association pour l'essor de la transfusion sanguine de Lille, aux droits et obligations de laquelle est venu l'EFS, ne pouvait être assimilée ni à une absence d'assurance de cet établissement, ni à un dépassement de la garantie d'assurance, notamment par le dépassement des plafonds, ni à l'expiration du délai de validité de la couverture d'assurance, au sens des dispositions précitées de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique ; qu'en statuant ainsi la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; que, par suite, l'EFS n'est pas fondé à demander l'annulation de son arrêt ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'ENIM qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de l'Etablissement français du sang est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Etablissement français du sang et à l'Etablissement national des invalides de la marine.
Copie en sera adressée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse générale de prévoyance des marins ainsi qu'à la ministre des solidarités et de la santé.

ECLI:FR:CECHR:2018:414479.20181109
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