Conseil d'État, 1ère et 4ème chambres réunies, 09/11/2018, 411364
Conseil d'État, 1ère et 4ème chambres réunies, 09/11/2018, 411364
Conseil d'État - 1ère et 4ème chambres réunies
- N° 411364
- ECLI:FR:CECHR:2018:411364.20181109
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
vendredi
09 novembre 2018
- Rapporteur
- Mme Marie Sirinelli
- Avocat(s)
- SCP FOUSSARD, FROGER ; OCCHIPINTI ; SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
L'association Comité de défense de quartier centre-ville Logis-Lautin a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 janvier 2016 par lequel le maire de la commune de Cagnes-sur-Mer a accordé un permis de construire à la société Art Immobilier Construction en vue de la démolition d'un bâtiment ainsi que de ses annexes et de l'édification d'un immeuble de quatre-vingt-six logements sur un terrain situé 1, 3 et 5 rue Jules Ladoumègue, ainsi que la décision ayant implicitement rejeté son recours gracieux daté du 21 mars 2016 tendant au retrait de l'arrêté du 26 janvier 2016. Par un jugement n° 1603159 du 6 avril 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 9 juin, 11 septembre et 20 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Comité de défense de quartier centre-ville Logis-Lautin demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de renvoyer l'affaire devant une cour administrative d'appel sur le fondement de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Cagnes-sur-Mer la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de l'Association Comité de défense de quartier centre-ville Logis-Lautin, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune de Cagnes-sur-Mer et à Me Occhipinti, avocat de la société Art Immobilier Construction.
Considérant ce qui suit :
1. D'une part, l'article R. 613-1 du code de justice administrative dispose que : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. (...) / Les lettres remises contre signature portant notification de cette ordonnance ou tous autres dispositifs permettant d'attester la date de réception de ladite ordonnance sont envoyés à toutes les parties en cause quinze jours au moins avant la date de la clôture fixée par l'ordonnance. / Lorsqu'une partie appelée à produire un mémoire n'a pas respecté, depuis plus d'un mois, le délai qui lui a été assigné par une mise en demeure comportant les mentions prévues par le troisième alinéa de l'article R. 612-3 ou lorsque la date prévue par l'article R. 611-11-1 est échue, l'instruction peut être close à la date d'émission de l'ordonnance prévue au premier alinéa ". L'article R. 612-3 de ce code prévoit que : " (...) lorsqu'une des parties appelées à produire un mémoire n'a pas respecté le délai qui lui a été imparti (...), le président de la formation de jugement (...) peut lui adresser une mise en demeure. / (...) / Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la mise en demeure peut être assortie de l'indication de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience. Elle reproduit alors les dispositions du dernier alinéa de l'article R. 613-1 et du dernier alinéa de l'article R. 613-2. Les autres parties en sont informées (...) ". Et l'article R. 611-11-1 du même code prévoit que : " Lorsque l'affaire est en état d'être jugée, les parties peuvent être informées de la date ou de la période à laquelle il est envisagé de l'appeler à l'audience. Cette information précise alors la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2. (...) ".
2. D'autre part, l'article R. 613-2 de ce code dispose que : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne. / (...) / Lorsqu'une partie appelée à produire un mémoire n'a pas respecté, depuis plus d'un mois, le délai qui lui a été assigné par une mise en demeure comportant les mentions prévues par le troisième alinéa de l'article R. 612-3 ou lorsque la date prévue par l'article R. 611-11-1 est échue, l'instruction peut être close à la date d'émission de l'avis d'audience. Cet avis le mentionne ".
3. Il résulte de ces dispositions que, devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, l'instruction peut être close à la date d'émission de l'ordonnance qui prononce cette clôture ou de l'avis d'audience dans deux hypothèses distinctes. La première est celle dans laquelle une partie appelée à produire un mémoire n'a pas respecté, depuis plus d'un mois, le délai qui lui a été assigné à cette fin par une mise en demeure assortie de l'indication de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et reproduisant les dispositions prévoyant la possibilité d'une clôture à effet immédiat. La seconde est celle dans laquelle, l'affaire étant en état d'être jugée, les parties ont été informées de la date ou de la période à laquelle il est envisagé de l'appeler à l'audience et de la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close par une clôture à effet immédiat.
4. Il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif de Nice que, par lettre du 7 novembre 2016, celui-ci a adressé à la commune de Cagnes-sur-Mer une mise en demeure de produire ses observations dans un délai de trente jours en lui indiquant la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et en précisant qu'en cas de non-respect du délai imparti, l'instruction était susceptible d'être close dans les conditions prévues par les articles R. 613-1 et R. 613-2 précités. En outre, par des courriers du même jour, le tribunal a informé les autres parties que si la commune de Cagnes-sur-Mer ne respectait pas le délai qui lui était imparti, l'instruction était susceptible d'être close, à l'égard de toutes les parties, par l'émission d'une ordonnance de clôture ou d'un avis d'audience, dans les conditions prévues par ces mêmes articles. Il est constant que la commune a produit son mémoire en défense le 22 novembre 2016, dans le délai de trente jours qui lui était imparti par la mise en demeure. Pourtant, le 10 février 2017, l'instruction a été close, sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance portant clôture d'instruction immédiate.
5. En procédant ainsi à une clôture d'instruction à effet immédiat, alors que la commune de Cagnes-sur-Mer avait respecté le délai qui lui avait été assigné par la mise en demeure adressée le 7 novembre 2016 sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et alors que les parties n'avaient pas été informées de la date à partir de laquelle l'instruction pourrait faire l'objet d'une clôture à effet immédiat sur le fondement de l'article R. 611-11-1 du même code, le tribunal administratif a méconnu les dispositions de l'article R. 613-1 de ce code. Son jugement a, par suite, été rendu au terme d'une procédure irrégulière, sans qu'ait d'incidence à cet égard le délai qui s'est écoulé entre la communication du mémoire de la commune à l'association requérante et la clôture de l'instruction. L'association Comité de défense de quartier centre-ville Logis-Lautin est dès lors fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. L'irrégularité de la procédure suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens du pourvoi.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'association Comité de défense de quartier centre-ville Logis-Lautin, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Cagnes-sur-Mer le versement à cette association d'une somme de 1 500 euros au même titre.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 6 avril 2017 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Nice.
Article 3 : La commune de Cagnes-sur-Mer versera à l'association Comité de défense de quartier centre-ville Logis-Lautin une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Cagnes-sur-Mer et de la société Art Immobilier Construction présentées au titre de l'article L. 761-1 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association Comité de défense de quartier centre-ville Logis-Lautin, à la commune de Cagnes-sur-Mer et à la société Art Immobilier Construction.
ECLI:FR:CECHR:2018:411364.20181109
L'association Comité de défense de quartier centre-ville Logis-Lautin a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 janvier 2016 par lequel le maire de la commune de Cagnes-sur-Mer a accordé un permis de construire à la société Art Immobilier Construction en vue de la démolition d'un bâtiment ainsi que de ses annexes et de l'édification d'un immeuble de quatre-vingt-six logements sur un terrain situé 1, 3 et 5 rue Jules Ladoumègue, ainsi que la décision ayant implicitement rejeté son recours gracieux daté du 21 mars 2016 tendant au retrait de l'arrêté du 26 janvier 2016. Par un jugement n° 1603159 du 6 avril 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 9 juin, 11 septembre et 20 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Comité de défense de quartier centre-ville Logis-Lautin demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de renvoyer l'affaire devant une cour administrative d'appel sur le fondement de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Cagnes-sur-Mer la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de l'Association Comité de défense de quartier centre-ville Logis-Lautin, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune de Cagnes-sur-Mer et à Me Occhipinti, avocat de la société Art Immobilier Construction.
Considérant ce qui suit :
1. D'une part, l'article R. 613-1 du code de justice administrative dispose que : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. (...) / Les lettres remises contre signature portant notification de cette ordonnance ou tous autres dispositifs permettant d'attester la date de réception de ladite ordonnance sont envoyés à toutes les parties en cause quinze jours au moins avant la date de la clôture fixée par l'ordonnance. / Lorsqu'une partie appelée à produire un mémoire n'a pas respecté, depuis plus d'un mois, le délai qui lui a été assigné par une mise en demeure comportant les mentions prévues par le troisième alinéa de l'article R. 612-3 ou lorsque la date prévue par l'article R. 611-11-1 est échue, l'instruction peut être close à la date d'émission de l'ordonnance prévue au premier alinéa ". L'article R. 612-3 de ce code prévoit que : " (...) lorsqu'une des parties appelées à produire un mémoire n'a pas respecté le délai qui lui a été imparti (...), le président de la formation de jugement (...) peut lui adresser une mise en demeure. / (...) / Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la mise en demeure peut être assortie de l'indication de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience. Elle reproduit alors les dispositions du dernier alinéa de l'article R. 613-1 et du dernier alinéa de l'article R. 613-2. Les autres parties en sont informées (...) ". Et l'article R. 611-11-1 du même code prévoit que : " Lorsque l'affaire est en état d'être jugée, les parties peuvent être informées de la date ou de la période à laquelle il est envisagé de l'appeler à l'audience. Cette information précise alors la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2. (...) ".
2. D'autre part, l'article R. 613-2 de ce code dispose que : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne. / (...) / Lorsqu'une partie appelée à produire un mémoire n'a pas respecté, depuis plus d'un mois, le délai qui lui a été assigné par une mise en demeure comportant les mentions prévues par le troisième alinéa de l'article R. 612-3 ou lorsque la date prévue par l'article R. 611-11-1 est échue, l'instruction peut être close à la date d'émission de l'avis d'audience. Cet avis le mentionne ".
3. Il résulte de ces dispositions que, devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, l'instruction peut être close à la date d'émission de l'ordonnance qui prononce cette clôture ou de l'avis d'audience dans deux hypothèses distinctes. La première est celle dans laquelle une partie appelée à produire un mémoire n'a pas respecté, depuis plus d'un mois, le délai qui lui a été assigné à cette fin par une mise en demeure assortie de l'indication de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et reproduisant les dispositions prévoyant la possibilité d'une clôture à effet immédiat. La seconde est celle dans laquelle, l'affaire étant en état d'être jugée, les parties ont été informées de la date ou de la période à laquelle il est envisagé de l'appeler à l'audience et de la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close par une clôture à effet immédiat.
4. Il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif de Nice que, par lettre du 7 novembre 2016, celui-ci a adressé à la commune de Cagnes-sur-Mer une mise en demeure de produire ses observations dans un délai de trente jours en lui indiquant la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et en précisant qu'en cas de non-respect du délai imparti, l'instruction était susceptible d'être close dans les conditions prévues par les articles R. 613-1 et R. 613-2 précités. En outre, par des courriers du même jour, le tribunal a informé les autres parties que si la commune de Cagnes-sur-Mer ne respectait pas le délai qui lui était imparti, l'instruction était susceptible d'être close, à l'égard de toutes les parties, par l'émission d'une ordonnance de clôture ou d'un avis d'audience, dans les conditions prévues par ces mêmes articles. Il est constant que la commune a produit son mémoire en défense le 22 novembre 2016, dans le délai de trente jours qui lui était imparti par la mise en demeure. Pourtant, le 10 février 2017, l'instruction a été close, sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance portant clôture d'instruction immédiate.
5. En procédant ainsi à une clôture d'instruction à effet immédiat, alors que la commune de Cagnes-sur-Mer avait respecté le délai qui lui avait été assigné par la mise en demeure adressée le 7 novembre 2016 sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et alors que les parties n'avaient pas été informées de la date à partir de laquelle l'instruction pourrait faire l'objet d'une clôture à effet immédiat sur le fondement de l'article R. 611-11-1 du même code, le tribunal administratif a méconnu les dispositions de l'article R. 613-1 de ce code. Son jugement a, par suite, été rendu au terme d'une procédure irrégulière, sans qu'ait d'incidence à cet égard le délai qui s'est écoulé entre la communication du mémoire de la commune à l'association requérante et la clôture de l'instruction. L'association Comité de défense de quartier centre-ville Logis-Lautin est dès lors fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. L'irrégularité de la procédure suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens du pourvoi.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'association Comité de défense de quartier centre-ville Logis-Lautin, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Cagnes-sur-Mer le versement à cette association d'une somme de 1 500 euros au même titre.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 6 avril 2017 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Nice.
Article 3 : La commune de Cagnes-sur-Mer versera à l'association Comité de défense de quartier centre-ville Logis-Lautin une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Cagnes-sur-Mer et de la société Art Immobilier Construction présentées au titre de l'article L. 761-1 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association Comité de défense de quartier centre-ville Logis-Lautin, à la commune de Cagnes-sur-Mer et à la société Art Immobilier Construction.