CAA de NANTES, 3ème Chambre, 05/10/2018, 16NT03990, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...et Mme H...B..., agissant en leur nom propre et en tant que représentants légaux de leur fille mineure G...B..., M. I...B..., Mme J...B...et M. K...B...ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier de Saint-Nazaire à leur verser la somme totale de 135 000 euros en réparation de la faute caractérisée commise par cet établissement hospitalier en ne détectant pas la malformation dont était atteint l'enfant D...B....

Par un jugement n° 1301083 du 19 octobre 2016, le tribunal administratif de Nantes a condamné le centre hospitalier de Saint-Nazaire à verser à M. C...et à Mme H...B..., parents de D...B..., une somme globale de 50 000 euros et a rejeté les demandes présentées par les autres membres de la familleB....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 décembre 2016, les consortsB..., représentés par MeF..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 octobre 2016 en tant qu'il n'a pas indemnisé les préjudices subis par Mlle G...B..., M. I...B..., Mme J...B...et M. K...B...;

2°) de condamner le centre hospitalier de Saint-Nazaire à verser 20 000 euros à Mlle G...B...et 5 000 euros chacun à M. I...B..., Mme J...B...et M. K...B..., ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de notification de leur demande indemnitaire préalable ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Nazaire la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Nantes, les dispositions de l'article L. 114-5 du code de l'action social et des familles ne font pas obstacle à l'indemnisation des préjudices propres des autres membres de la famille.

Par un courrier enregistré le 28 février 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique informe la cour qu'elle ne souhaite pas intervenir dans l'instance.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 avril 2018 le centre hospitalier de Saint-Nazaire, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge des consorts B...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par les consorts B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Berthon,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., représentant les consortsB..., et de MeM..., représentant le centre hospitalier de Saint-Nazaire.


Considérant ce qui suit :

1. Mme H...B...a accouché le 13 septembre 2007 au centre hospitalier de Saint-Nazaire du jeune D...B..., qui a souffert d'une malformation cardiaque non détectée pendant la grossesse. Malgré les soins et les nombreuses interventions chirurgicales réparatrices dont il a bénéficié, D...B...est aujourd'hui lourdement handicapé. Mme H...B...et M. C...B..., les parents de NoahnnB..., en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure, Mlle G...B..., Mme J...B...et M. I... B..., les grands-parents de D...B...et M. I...B..., l'oncle de D...B..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier de Saint-Nazaire à réparer les préjudices qu'ils ont subi en raison de l'absence de détection prénatale de la malformation cardiaque dont a souffert D...B.... M. C...B..., en qualité de représentant légal de sa fille mineure, Mlle G...B..., Mme J...B..., M. I... B...et M. K...B...relèvent appel du jugement du 19 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes indemnitaires.
2. Aux termes de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles : " Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance. (...) / Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. ".
3. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Nantes, il ne résulte pas de ces dispositions, dont l'objet est uniquement d'exclure tout droit à réparation des préjudices de l'enfant et des charges particulières découlant de ces préjudices pour les parents ou pour les tiers, qu'en cas de faute caractérisée d'un établissement de santé seuls le père et la mère d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse peuvent demander à être indemnisés au titre de leurs préjudices propres, à l'exclusion des proches ayant subi un préjudice de même nature.
4. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que G...B..., qui n'avait que trois ans lors de la naissance de son frère, a été fortement affectée par le handicap de celui-ci, qu'elle a souffert des absences répétées de ses parents, mobilisés par les soins et les hospitalisations répétées du jeuneD..., et qu'elle a dû en conséquence être suivie au plan psychologique. Il sera fait une juste appréciation de l'important préjudice moral qu'elle a subi en lui accordant, après application du taux de perte de chance de 50 % retenu par le tribunal administratif de Nantes et qui n'est pas contesté en appel, une somme de 10 000 euros.
5. Le préjudice moral des grands-parents et de l'oncle de D...B..., dont il résulte de l'instruction et n'est pas contesté qu'ils ont activement soutenu Estelle et C...B...à l'occasion de la prise en charge de D...B..., sera indemnisé en leur attribuant à chacun, après application du taux de perte de chance de 50 %, une somme de 1 000 euros.
6. La somme totale de 13 000 euros que le centre hospitalier de Saint-Nazaire est condamné à verser aux requérants en complément des sommes allouées en première instance portera intérêt au taux légal à compter du 10 janvier 2013, date de réception de leur réclamation indemnitaire préalable par le centre hospitalier de Saint-Nazaire.
7. Il résulte de ce qui précède que les consorts B...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes indemnitaires.

Sur les frais de l'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Nazaire une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par les consorts B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :
Article 1er : Le centre hospitalier de Saint-Nazaire est condamné à verser 10 000 euros à M. C... B..., en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure, G...B..., et 1000 euros chacun à Mme J...B..., à M. I...B...et à M. K...B.... Ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 10 janvier 2013.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le jugement n° 1301083 du tribunal administratif de Nantes en date du 19 octobre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le centre hospitalier de Saint-Nazaire versera aux consorts B...une somme globale de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à M. I... B..., à Mme J...B..., à M. K... B..., à Mme H...B..., au centre hospitalier de Saint-Nazaire et à la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique.


Délibéré après l'audience du 20 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M Coiffet, président-assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller,
- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 octobre 2018.

Le rapporteur,
E. BerthonLe président,
O. Coiffet
Le greffier,
M. L... La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT03990



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