CAA de NANTES, 2ème chambre, 01/10/2018, 16NT04008, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 2 août 2013 par lequel le préfet de la Vendée l'a autorisé à occuper temporairement une dépendance du domaine public maritime sur la plage Saint-Pierre à Noirmoutier-en-l'Ile en tant qu'il a fixé le montant de la redevance domaniale annuelle mise à sa charge ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux présenté le 29 octobre 2013.

L'intéressé a également demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 janvier 2013 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de la Vendée a fixé les conditions financières de l'autorisation du 2 août 2013 et de la décision rejetant implicitement son recours gracieux présenté le 29 octobre 2013.
Par un jugement n° 1401635, 1402460 du 25 octobre 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 décembre 2016, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 octobre 2016 ;

2°) d'annuler l'article 11 de l'arrêté du 2 août 2013 ainsi que la décision du 28 janvier 2013 et les décisions implicites de rejet de ses recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vendée de maintenir son arrêté du 2 août 2013 à l'exception de son article 11 et au directeur départemental des finances publiques de la Vendée de fixer le montant de la redevance domaniale à 112 euros par an au 1er janvier 2013, réévalué en fonction de l'évolution de l'indice TP02 de l'Insee ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- eu égard aux dispositions de l'article R. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques, qui instituent un système de doubles décisions, les premiers juges ont omis de se prononcer sur la légalité de la décision du directeur départemental des finances publiques, seul compétent pour fixer la tarification des cabines de bain ;
- pour apprécier la légalité des décisions contestées, le tribunal n'a pas examiné la réalité des avantages dont il bénéficie en qualité d'occupant du domaine public ;
- la décision du directeur départemental des finances publiques, qui n'a pas été publiée et ne lui a pas été notifiée, ne lui est pas opposable ;
- les décisions contestées sont illégales dès lors qu'il n'a pas été procédé à une évaluation préalable de l'avantage qu'en retire l'occupant du domaine public conformément à ce que prévoit l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques ;
- le " minimum de perception " auquel se réfèrent les décisions contestées ne constitue pas un " forfait d'avantages de toute nature " et ne tient pas compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation en fonction de la surface de la cabine. Il méconnaît le principe d'égalité entre les usagers du domaine public ;
- les décisions contestées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où le montant de la redevance annuelle ne peut être calculé sur la base des tarifs des locations organisées par une commune ou son délégataire dès lors qu'à Noirmoutier les cabines sont apportées et entretenues par les bénéficiaires des autorisations ; à tout le moins, un abattement des 3/4 de ce tarif doit être appliqué ;
- le niveau de la redevance est également disproportionné au regard de l'utilité des cabines mesurée par rapport à d'autres usages privatifs des plages.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Une mise en demeure a été adressée le 8 mars 2017 au ministre chargé de l'environnement, qui n'a pas produit de mémoire en défense.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Giraud,
- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,
- et les observations de Monsieur A...(sans la présence de son avocat, MeB...).


Une note en délibéré présentée par M. A...a été enregistrée le 14 septembre 2018.



Considérant ce qui suit :
1. M. A...dispose, depuis le 1er janvier 2007, d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime pour une cabine de bain de 3 m² sur la plage de Saint-Pierre située sur la commune de Noirmoutier-en-l'Ile. Par un arrêté du 2 août 2013, le préfet de la Vendée, a renouvelé cette autorisation pour une durée de 5 ans, expirant le 31 décembre 2017. Aux termes de l'article 11 de cet arrêté, la redevance annuelle se décompose comme suit : " 8 euros par m² réévalué au 1er janvier de chaque année en fonction de l'évolution de l'indice TP02 publié par l'Insee avec un minimum de perception de 140 euros pour l'année 2013, de 180 euros pour l'année 2014, 220 euros pour l'année 2015, 260 euros pour l'année 2016 et 300 euros pour l'année 2017 " alors que l'arrêté du 25 janvier 2011 fixait la redevance à 3,35 euros par m² avec un minimum de 85 euros. M. A... relève appel du jugement du 25 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'article 11 de l'arrêté du 2 août 2013 et de la décision du 28 janvier 2013 du directeur départemental des finances publiques de la Vendée visée dans cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 2122-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " L'autorisation est délivrée par la personne publique propriétaire. / Pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public de l'Etat, l'autorisation est délivrée par le préfet, agissant en qualité de représentant des ministres chargés de la gestion du domaine public de l'Etat dans le département, sous réserve des dispositions particulières qui attribuent compétence à d'autres autorités administratives, notamment à l'autorité militaire. ". Aux termes de l'article R. 2122-6 du même code : " Le titre fixe la durée de l'autorisation et les conditions juridiques et financières de l'occupation ou de l'utilisation du domaine public. ". Aux termes de l'article R. 2125-1 de ce code : " Sous réserve des dispositions réglementaires particulières qui déterminent au plan national le tarif des redevances pour certaines catégories d'occupation ou d'utilisation du domaine public de l'Etat, le directeur départemental des finances publiques fixe les conditions financières des titres d'occupation ou d'utilisation du domaine public de l'Etat, après avis du service gestionnaire du domaine public. / Le service gestionnaire dispose d'un délai de deux mois à compter de la demande qui lui est faite par le directeur départemental des finances publiques pour se prononcer sur les conditions financières de l'occupation ou de l'utilisation du domaine public. L'absence de réponse dans ce délai vaut avis favorable. / Les conditions financières de l'occupation ou de l'utilisation du domaine public de l'Etat confié en gestion à un établissement public de l'Etat sont fixées, sauf si son statut en dispose autrement, par l'autorité compétente de l'établissement gestionnaire dès lors que celui-ci tient expressément du texte qui lui confie ou concède la gestion du domaine le pouvoir d'y délivrer des titres d'occupation. ". Il résulte de ces dispositions que, par une décision, le directeur départemental des finances publiques fixe les conditions financières des titres d'occupation du domaine public et que le préfet délivre les autorisations dans les conditions prévues par le directeur départemental des finances publiques. Ainsi, le tribunal administratif, en jugeant que " la lettre du directeur départemental des finances publiques datée du 28 janvier 2013 n'était en réalité qu'une proposition de redevance dépourvue de caractère décisoire " et que celle-ci était insusceptible de recours a commis une irrégularité. Dès lors, M. A...est fondé à soutenir que le tribunal administratif a omis de se prononcer sur la légalité de la décision du directeur départemental des finances publiques et que par suite le jugement attaqué doit être annulé dans cette mesure. Il y a lieu, par suite, pour la cour, d'annuler ce jugement en tant qu'il a statué sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du directeur départemental des finances publiques du 28 janvier 2013 et de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande présentée devant le tribunal administratif par M. A... tendant à l'annulation de cette décision et saisi de l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Vendée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, la décision du directeur départemental des finances publiques du 28 janvier 2013 fixant les conditions tarifaires d'occupation du domaine public, compte tenu de sa nature, n'avait pas à être notifiée à M.A.... Ainsi le moyen tiré de ce que cette décision serait illégale faute de lui être opposable en l'absence de toute notification ou de toute publication doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation. ". M. A...soutient qu'il n'a pas été procédé à une évaluation préalable de l'avantage qu'il retire de l'autorisation d'occupation du domaine public. Ni les dispositions précitées de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, ni aucune autre disposition de ce code, ne prévoient toutefois que l'évaluation des avantages procurés à chacun des bénéficiaires des autorisations d'occupation du domaine public fasse l'objet d'un écrit susceptible d'être communiqué aux intéressés. Il ressort au surplus des pièces du dossier, que les barèmes retenus ont été élaborés en liaison avec la sous-préfecture, la direction départementale des territoires et de la mer, les mairies et l'association des propriétaires de cabines de bains de Noirmoutier. Les services de l'Etat ont également pris l'attache des départements voisins pour instaurer des barèmes cohérents prenant en considération les directives législatives, les préoccupations environnementales, les spécificités locales et les avantages retirés par les utilisateurs du domaine public. Il a notamment été tenu compte du fait que les plages de Noirmoutier n'étaient pas concédées et que les cabines de plage ne procuraient aucun revenu à leurs propriétaires, qui devaient les acheter, les installer et les entretenir. Il a ainsi été prévu d'échelonner sur 5 ans l'augmentation de la redevance domaniale prévue pour prendre en considération l'ensemble de ces éléments. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la redevance litigieuse n'aurait pas été fixée au terme d'une procédure conforme aux dispositions précitées de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques.
5. En troisième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques que la redevance imposée à un occupant du domaine public doit être calculée non seulement en fonction de la valeur locative d'une propriété privée comparable à la dépendance du domaine public pour laquelle la permission est délivrée mais aussi en fonction de l'avantage spécifique procuré par cette jouissance privative du domaine public. Ces dispositions ne font pas obstacle à la fixation, en valeur absolue, du minimum de perception applicable à l'ensemble des occupants se trouvant dans la même situation par rapport aux autres usagers de la plage qui ne bénéficient pas de cabine de bain. La circonstance que la cabine de bain de M. A... ne mesurerait que 3 m² est ainsi sans incidence sur la légalité des décisions contestées. Cette décision pouvait par ailleurs prévoir un minimum de perception de 140 euros pour l'année 2013, de 180 euros pour l'année 2014, de 220 euros pour l'année 2015, de 260 euros pour l'année 2016 et de 300 euros pour l'année 2017, sans méconnaître le principe d'égalité entre les usagers du domaine public.
6. En dernier lieu, il est constant que les cabines de plage de Noirmoutier, et notamment celles de la plage Saint-Pierre à Noirmoutier-en-l'Ile, sont situées dans un cadre naturel remarquable à proximité immédiate d'espaces boisés protégés et de la mer. Les bénéficiaires de ces autorisations, qui n'ont pas d'obligation de démonter leurs cabines l'hiver, peuvent ainsi en profiter en toutes saisons, et y laisser leurs équipements de plage et de vacances. Les autorisations sont accordées pour une durée de 5 ans. Le nombre de cabines est limité à 213 sur toute l'île de Noirmoutier. Les bénéficiaires d'une autorisation bénéficient ainsi d'une prérogative particulièrement rare, dont il a été tenu compte pour le calcul de la redevance mise à leur charge. L'autorité administrative a également pu se référer aux redevances appliquées dans les départements limitrophes pour revaloriser les tarifs particulièrement bas appliqués à Noirmoutier, tout en tenant compte du fait que les cabines de l'île n'étaient pas situées sur des plages concédées et que leurs propriétaires devaient acheter la cabine, l'installer et l'entretenir sans en tirer aucun revenu. Enfin, si M. A...propose des comparaisons entre la redevance litigieuse et les tarifs de l'immobilier locatif sur Noirmoutier, la redevance des cultures marines et bateaux de plaisance, ou les redevances appliquées dans le port de Bordeaux ou sur les bords de la Charente, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces installations présentent entre elles des similitudes suffisantes justifiant des tarifs identiques. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que la redevance fixée à l'article 11 de l'arrêté litigieux serait disproportionnée et que le préfet de la Vendée aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du directeur départemental des finances publiques du 28 janvier 2013 et, d'autre part, qu'il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du préfet de la Vendée. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 octobre 2016 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du directeur départemental des finances publiques du 28 janvier 2013.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la décision du directeur départemental des finances publiques du 28 janvier 2013 sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A..., au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de l'action et des comptes publics.
Une copie sera adressée au directeur départemental des finances publiques de la Vendée.


Délibéré après l'audience du 11 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. Giraud, premier conseiller.


Lu en audience publique, le 1er octobre 2018.
Le rapporteur,
T. GIRAUDLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.



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N° 16NT4008



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