Conseil d'État, , 04/09/2018, 423739, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

M. B...C...et Mme A...E..., épouseD..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de les admettre au séjour en qualité de demandeur d'asile en procédure normale durant la durée de l'instruction de leur demande d'asile dans le délai de trois jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir et, d'autre part, de leur délivrer une attestation de demandeur d'asile et de leur remettre un dossier de demande d'asile dans le délai de trois jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 1803327 du 7 août 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.

Par une requête, enregistrée le 30 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme C...demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de leur accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler cette ordonnance ;

3°) d'enjoindre à l'Etat d'enregistrer leur demande d'asile en procédure normale sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à chacun des requérants de la somme 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Ils soutiennent que :
- l'ordonnance litigieuse est entachée d'une dénaturation des faits dès lors qu'ils n'ont pas changé d'adresse de domiciliation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que leur refus de se rendre en Pologne pour qu'il soit statué sur leur demande d'asile au sein de l'Union européenne n'est pas susceptible de caractériser la fuite au sens du règlement Dublin III.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2016 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;





1. Considérant aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ; qu'en vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée ; qu'à cet égard, il appartient au juge d'appel de prendre en considération les éléments recueillis par le juge du premier degré dans le cadre de la procédure écrite et orale qu'il a diligentée ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction diligentée par le juge des référés du tribunal administratif de Nice que les épouxC..., de nationalité russe, sont entrés sur le territoire français avec leurs deux enfants le 18 novembre 2017 pour y solliciter le statut de réfugié ; que le relevé de leurs empreintes digitales a fait apparaître, après leur transmission au système Eurodac, qu'ils avaient été enregistrés comme demandeurs d'asile en Pologne ; que les autorités polonaises, saisies par les autorités françaises d'une demande de remise en application du règlement communautaire du 26 juin 2013, ont explicitement accepté le transfert des intéressés le 18 janvier 2018, date à laquelle a commencé à courir le délai de six mois prévu par les dispositions de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 pour procéder au transfert des époux C...vers la Pologne ; que, par un arrêté du 14 mai 2018, le préfet des Alpes-Maritimes a décidé le transfert des intéressés aux autorités polonaises, responsables de l'examen de leur demande d'asile ; qu'une feuille de route leur a été remise en main propre et avec l'assistance d'un interprète le 31 mai 2018 afin de se présenter en gare de Toulon le 5 juin 2018 en vue de leur réacheminement en Pologne ; qu'il est constant que les requérants ne se sont pas présentés à la date convenue à la gare de Toulon ; qu'ils se sont ensuite présentés à la préfecture des
Alpes-Maritimes, le 25 juillet 2018, pour déposer une demande d'asile en France, dépôt qui leur a été refusé ; que M. et Mme C...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de les admettre provisoirement au séjour en qualité de demandeur d'asile en procédure normale durant la durée d'instruction de leur demande d'asile et de leur remettre un dossier de demande d'asile accompagnée d'une attestation de demandeur d'asile ; que, par une ordonnance du 7 août 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande ; que les époux C...relèvent appel de cette ordonnance ;

3. Considérant que le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté la requête de M. et Mme C...en jugeant que le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas porté une atteinte grave et manifestement illégale à leur droit d'asile par son refus d'enregistrer leur demande d'asile et de leur délivrer une attestation de demandeur d'asile dès lors que le comportement des époux C...était de nature à caractériser une situation de fuite au sens des dispositions de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 en ce que, en premier lieu, la circonstance selon laquelle les indications de leur feuille de route seraient trop compliquées à suivre par des étrangers ne parlant pas le français n'est pas de nature à justifier leur refus de les respecter, en deuxième lieu, ils n'établissent ni même n'allèguent avoir prévenu l'administration d'un éventuel changement de domicile, en troisième lieu, ils ne se sont jamais présentés, même spontanément, aux autorités pendant la durée de validité de la décision de transfert et, en dernier lieu, ils ont expressément indiqué aux services de police qui ont procédé à la notification de leur feuille de route qu'ils ne souhaitaient pas se rendre en Pologne, excluant par avance toute coopération avec les autorités administratives françaises pour l'application de la décision de transfert non contestée ; que le juge des référés a en conséquence estimé que la Pologne était toujours responsable de leur demande d'asile le 25 juillet 2018 ; que les requérants n'apportent en appel aucun élément susceptible d'infirmer la solution ainsi retenue par le juge de première instance ; que, notamment, il résulte des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Nice que les billets de transport avaient été réservés par l'administration, les intéressés, contrairement à leur allégations, n'ayant pas à prendre en charge financièrement leur transfert, et qu'ils ont fait volontairement obstacle à l'exécution de la mesure de réadmission ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il est manifeste que l'appel de M. et Mme C...ne peut être accueilli ; qu'il y a donc lieu de rejeter leur requête, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 de ce code, sans qu'il y ait lieu d'admettre les intéressés au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;




O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B...C..., à Mme A...E..., épouseD..., et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

ECLI:FR:CEORD:2018:423739.20180904
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