Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 17/09/2018, 416308

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler le titre de pension civile d'invalidité n° B 13 050317 H qui lui a été concédé par arrêté du ministre de l'économie et des finances du 29 juillet 2013, d'enjoindre à l'administration de réviser son titre de pension civile d'invalidité afin que le montant de sa retraite soit revalorisé et d'intervenir dans un litige l'opposant à son employeur à propos d'un indu sur rémunération, et, d'autre part, d'annuler la décision du 13 décembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à bénéficier des dispositions de l'article L. 30 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans le calcul de ses droits à pension.

Par un jugement n°s 1414168, 1622211/3-3 du 7 avril 2016, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 13 décembre 2016 du ministre de la défense et rejeté le surplus des conclusions présentées par MmeB....

Par un pourvoi, enregistré le 5 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 1er de ce jugement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraites ;
- la loi du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Firoud, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Capron, avocat de MmeB....



1. Considérant qu'il ressort des énonciations du jugement attaqué que Mme B..., ancienne adjointe administrative du ministère de la défense, a été admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 29 décembre 2012 ; que le montant de sa pension, concédée par arrêté du 29 juillet 2013 du ministre de l'économie et des finances et liquidée en application des articles L. 4-2° et L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, a été élevé au minimum garanti prévu à l'article L. 17 du même code ; que, par différents courriers, Mme B...a demandé la révision de sa pension, estimant le montant de celle-ci trop faible au regard de son taux d'invalidité ; qu'après réexamen la situation de Mme B..., et à la suite d'un avis de la commission de réforme, le ministre de la défense a, par décision du 13 décembre 2016, rejeté cette demande de révision de pension au motif que le taux d'invalidité global retenu était inférieur au taux de 60 % prévu à l'article L. 30 du même code ; que, par un jugement du 24 octobre 2017, contre lequel le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation, le tribunal administratif a, à la demande de Mme B..., annulé cette décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 30 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable à la date du litige : " Lorsque le fonctionnaire est atteint d'une invalidité d'un taux au moins égal à 60 %, le montant de la pension prévue aux articles L. 28 et L. 29 ne peut être inférieur à 50 % du traitement mentionné à l'article L. 15 et revalorisé dans les conditions prévues à l'article L. 16 " ;

3. Considérant qu'il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour annuler la décision par laquelle le ministre de la défense a rejeté la demande de Mme B...tendant à bénéficier des dispositions de l'article L. 30 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans le calcul de ses droits à pension, le tribunal administratif de Paris a estimé, après avoir ajouté au premier taux d'invalidité fixé à 44,44 % un second taux d'invalidité fixé à 15 %, que le taux global d'invalidité de Mme B...devait être évalué à 60 % et, par suite, que le bénéfice de l'article L. 30 ne pouvait pas lui être refusé ; que toutefois, en l'absence de règle permettant d'opérer un tel arrondi en faveur de l'agent concerné, le tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit en arrondissant ce taux global d'invalidité à 60 % alors qu'il devait demeurer fixé à 59,44 % ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à demander l'annulation de l'article 1er du jugement qu'il attaque ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que compte tenu de l'avis de la commission de réforme du 1er décembre 2016 évaluant à 50 % l'invalidité correspondant aux troubles psychiques de Mme B... à la date de sa radiation des cadres ; et compte tenu de l'expertise du docteur Chopin Hohenberg du 5 juillet 2016 ainsi que de celle du docteur Segalas-Talous du 31 janvier 2013 estimant que cette pathologie psychique préexistait à la titularisation de Mme B... et que l'invalidité en résultant devait être estimée à la date de cette titularisation au taux de 10 % ; il y a lieu de retenir, au titre de l'article L. 30 précité du code des pensions civiles et militaires de retraite, un taux d'invalidité de 44,44 % pour cette pathologie ; qu'en effet, il y a lieu, pour déterminer l'invalidité ouvrant droit au bénéfice des dispositions précitées de l'article L. 30, de retrancher du taux d'invalidité global retenu celui de l'invalidité préexistante et de diviser le taux ainsi obtenu par celui de la validité qui était celle de l'agent au moment de sa titularisation ; qu'il convient ensuite d'ajouter à ce taux de 44,44 % celui résultant de l'autre infirmité reconnue par la commission de réforme, à savoir l'insuffisance respiratoire, au taux plein de 15 % ; qu'il suit de là que le taux global d'invalidité de Mme B...pour l'ensemble de ses pathologies doit être évalué à la date de sa radiation des cadres à 59,44 % ; que ce taux étant inférieur au taux de 60 %, elle ne peut prétendre au minimum de pension prévu par l'article L. 30 précité du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'il résulte de ce qui précède que, si la décision prise par le ministre de la défense le 13 décembre 2016 retient un taux global d'invalidité erroné, Mme B...n'est pas, cependant, fondée à demander l'annulation de cette décision en tant qu'elle lui refuse le bénéfice de l'article L. 30 précité du code des pensions civiles et militaires de retraite pour le calcul de ses droits à pension ;

7. Considérant que les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'article 1er du jugement du 24 octobre 2017 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Les conclusions de Mme B...devant le tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de la décision du 13 décembre 2016 du ministre de la défense en tant qu'elle lui refuse le bénéfice de l'article L. 30 du code des pensions civiles et militaires de retraite pour le calcul de ses droits à pension sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme B...devant le Conseil d'Etat au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à Mme A...B....
Copie en sera adressée à la ministre des armées.

ECLI:FR:CECHR:2018:416308.20180917
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