Conseil d'État, Juge des référés, 20/07/2018, 422124, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, Juge des référés, 20/07/2018, 422124, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - Juge des référés
- N° 422124
- ECLI:FR:CEORD:2018:422124.20180720
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
vendredi
20 juillet 2018
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Mme A...C...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision par laquelle le préfet du Nord, après avoir constaté qu'elle était en fuite au sens de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, a refusé d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à cet enregistrement et de transmettre cette demande à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 150 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 1805275 du 21 juin 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Par une requête enregistrée le 10 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de suspendre l'exécution du refus du préfet du Nord d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile en procédure normale et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'ordonnance à venir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la condition d'urgence est remplie, dès lors qu'elle est, d'une part, privée des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile et, d'autre part, susceptible d'être transférée à tout moment vers la Belgique ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit constitutionnel d'asile en ce qu'elle n'est pas en situation de fuite au sens de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dès lors qu'elle a respecté la mesure d'assignation à résidence de quarante-cinq jours prise à son encontre, qu'elle n'a pas à supporter la charge de la preuve du respect de cette assignation à résidence et qu'elle ne s'est pas soustraite de façon systématique et intentionnelle à l'exécution de la mesure de transfert.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, MmeC..., d'autre part, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 17 juillet 2018 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- la représentante de Mme C...;
- les représentantes du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au jeudi 19 juillet 2018 à 12 heures ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 18 juillet 2018, par lequel le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, conclut au rejet de la requête ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 19 juillet 2018, par lequel Mme C...conclut au mêmes fins que sa requête ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".
2. Le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié. S'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par les articles L. 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En vertu de l'article L. 742-3 de ce code, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat qui est responsable de cet examen en application des dispositions du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Ce transfert ne peut avoir lieu que pendant un délai de six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge. Ce délai est toutefois susceptible d'être porté à dix-huit mois, dans les conditions prévues à l'article 29 de ce règlement, si l'intéressé " prend la fuite ", cette notion devant s'entendre comme visant le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant.
3. Il résulte de l'instruction que MmeC..., ressortissante congolaise née en 1969, est entrée sur le territoire français au début du mois de septembre 2017 et a présenté, le 7 novembre 2017, une demande d'asile au guichet unique pour demandeur d'asile de la préfecture du Nord. La consultation du fichier " Eurodac " ayant permis d'établir que ses empreintes digitales avaient été relevées en Belgique le 20 juillet 2017, à l'occasion d'une précédente demande d'asile, une demande de prise en charge a été adressée aux autorités belges le 8 novembre 2017. Cette demande a été acceptée le 13 novembre 2017, date à partir de laquelle a commencé à courir le délai de six mois dont disposaient les autorités françaises, en application du 1. de l'article 29 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, pour procéder au transfert de Mme C...vers la Belgique. Par un arrêté du 6 décembre 2017, le préfet du Nord a décidé le transfert de l'intéressée aux autorités belges, assorti d'une assignation à résidence d'une durée de quarante-cinq jours à compter du 18 décembre 2017. Par un courrier recommandé avec avis de réception en date du 14 décembre 2017, le préfet a convoqué Mme C... à se rendre les 26 et 27 février 2018 dans les locaux de la préfecture du Nord afin de s'y voir notifier les modalités pratiques de son transfert en Belgique et de se faire délivrer, à cette fin, un laissez-passer. Ce pli n'a jamais été réclamé par MmeC.... Le 20 février 2018, l'officier de police judiciaire du service de la police aux frontières de Lille a dressé un procès-verbal de non respect d'assignation à résidence indiquant que l'intéressée ne s'était jamais présentée au service, en méconnaissance de l'obligation de pointage prévue par la décision d'assignation. Sur la base de ces éléments, le préfet du Nord a, le 2 mars 2018, considéré que Mme C...était en fuite au sens de l'article 29 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et a, en conséquence, avisé les autorités belges que le délai de transfert était porté à dix-huit mois. Le 14 mai 2018, estimant que le délai de six mois pour procéder à son transfert vers la Belgique avait expiré, Mme C...s'est présentée dans les locaux de la préfecture du Nord pour solliciter l'enregistrement de sa demande d'asile en procédure normale. Elle s'est vu opposer une décision de refus. Elle a alors demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution du refus du préfet du Nord d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de procéder à cet enregistrement et de transmettre cette demande à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 150 euros par jour de retard. Mme C...relève appel de l'ordonnance du 21 juin 2018 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
4. Mme C...soutient que le procès-verbal du 20 février 2018 constatant qu'elle n'avait jamais respecté les obligations de pointage, deux fois par semaine, fixées par la décision du 6 décembre 2017 l'assignant à résidence, est entaché d'une erreur matérielle. Pour le démontrer, la requérante produit trois attestations sur l'honneur. La première, établie le 20 juin 2018 par l'avocate de la requérante, relate une conversation téléphonique que ce conseil a eue la veille avec l'agent d'accueil du service de la police aux frontières de Lille, au cours duquel ce dernier, dont l'identité n'est pas précisée, aurait affirmé que Mme C...était venue pointer au moins une fois. Par la deuxième, signée le 16 juillet 2018, la requérante affirme avoir toujours respecté son obligation de pointage, les lundis et mercredis après-midi, entre 14 heures et 16 heures, et rapporte que c'est d'ailleurs l'agent d'accueil qui lui a annoncé, le 5 février 2018, que son assignation à résidence avait expiré. La troisième attestation, également établie le 16 juillet 2018 par M.B..., fait état de la visite que Mme C...a rendue en sa compagnie au service de la police aux frontière de Lille, le 19 juin 2018, visite au cours de laquelle le policier qui les a accueillis aurait reconnu la requérante, affirmé qu'elle était déjà venue pointer et déclaré que c'était lui qui lui avait annoncé que son assignation à résidence avait expiré.
5. Il résulte toutefois des éléments complémentaires fournis par le ministre à la suite de l'audience publique qu'à partir des informations qui lui sont transmises par la préfecture du Nord pour chaque personne assignée à résidence, le service de la police aux frontières de Lille crée une feuille individuelle de pointage, dont des exemples ont été versés au dossier. Cette création intervient lors de la première présentation de la personne intéressée dans les locaux du service. Par conséquent, c'est dans la seule hypothèse où l'intéressé n'a jamais déféré à ses obligations de pointage qu'il n'est pas créé de fiche. Au terme de la mesure d'assignation à résidence, ces fiches sont archivées et conservées par le service de la police aux frontières. La consultation des archives, opérée par le service de la police aux frontières de Lille à la demande du ministre pour les besoins de l'instruction, a fait apparaître qu'aucune fiche n'avait été créée au nom de MmeC..., ce qui confirme les mentions du procès-verbal dressé le 20 février 2018. Dès lors qu'il résulte de ces éléments que la requérante n'a jamais respecté les obligations de pointage qui lui avaient été imposées dans le cadre de l'assignation à résidence qui avait été décidée le 6 décembre 2017 en vue de son transfert vers la Belgique, le préfet a pu à bon droit, pour ce seul motif, regarder Mme C...comme étant en fuite au sens de l'article 29 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, et en déduire que le délai imparti pour son transfert vers la Belgique était porté à dix-huit mois. Par suite, le préfet du Nord pouvait refuser d'enregistrer en procédure normale la demande d'asile présentée par Mme C... le 14 mai 2018, alors que ce délai n'avait pas expiré, sans porter aucune atteinte illégale au droit d'asile de l'intéressée.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté la demande qu'elle lui avait présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Par suite, sa requête ne peut qu'être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
ECLI:FR:CEORD:2018:422124.20180720
Mme A...C...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision par laquelle le préfet du Nord, après avoir constaté qu'elle était en fuite au sens de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, a refusé d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à cet enregistrement et de transmettre cette demande à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 150 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 1805275 du 21 juin 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Par une requête enregistrée le 10 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de suspendre l'exécution du refus du préfet du Nord d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile en procédure normale et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'ordonnance à venir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la condition d'urgence est remplie, dès lors qu'elle est, d'une part, privée des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile et, d'autre part, susceptible d'être transférée à tout moment vers la Belgique ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit constitutionnel d'asile en ce qu'elle n'est pas en situation de fuite au sens de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dès lors qu'elle a respecté la mesure d'assignation à résidence de quarante-cinq jours prise à son encontre, qu'elle n'a pas à supporter la charge de la preuve du respect de cette assignation à résidence et qu'elle ne s'est pas soustraite de façon systématique et intentionnelle à l'exécution de la mesure de transfert.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, MmeC..., d'autre part, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 17 juillet 2018 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- la représentante de Mme C...;
- les représentantes du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au jeudi 19 juillet 2018 à 12 heures ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 18 juillet 2018, par lequel le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, conclut au rejet de la requête ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 19 juillet 2018, par lequel Mme C...conclut au mêmes fins que sa requête ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".
2. Le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié. S'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par les articles L. 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En vertu de l'article L. 742-3 de ce code, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat qui est responsable de cet examen en application des dispositions du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Ce transfert ne peut avoir lieu que pendant un délai de six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge. Ce délai est toutefois susceptible d'être porté à dix-huit mois, dans les conditions prévues à l'article 29 de ce règlement, si l'intéressé " prend la fuite ", cette notion devant s'entendre comme visant le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant.
3. Il résulte de l'instruction que MmeC..., ressortissante congolaise née en 1969, est entrée sur le territoire français au début du mois de septembre 2017 et a présenté, le 7 novembre 2017, une demande d'asile au guichet unique pour demandeur d'asile de la préfecture du Nord. La consultation du fichier " Eurodac " ayant permis d'établir que ses empreintes digitales avaient été relevées en Belgique le 20 juillet 2017, à l'occasion d'une précédente demande d'asile, une demande de prise en charge a été adressée aux autorités belges le 8 novembre 2017. Cette demande a été acceptée le 13 novembre 2017, date à partir de laquelle a commencé à courir le délai de six mois dont disposaient les autorités françaises, en application du 1. de l'article 29 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, pour procéder au transfert de Mme C...vers la Belgique. Par un arrêté du 6 décembre 2017, le préfet du Nord a décidé le transfert de l'intéressée aux autorités belges, assorti d'une assignation à résidence d'une durée de quarante-cinq jours à compter du 18 décembre 2017. Par un courrier recommandé avec avis de réception en date du 14 décembre 2017, le préfet a convoqué Mme C... à se rendre les 26 et 27 février 2018 dans les locaux de la préfecture du Nord afin de s'y voir notifier les modalités pratiques de son transfert en Belgique et de se faire délivrer, à cette fin, un laissez-passer. Ce pli n'a jamais été réclamé par MmeC.... Le 20 février 2018, l'officier de police judiciaire du service de la police aux frontières de Lille a dressé un procès-verbal de non respect d'assignation à résidence indiquant que l'intéressée ne s'était jamais présentée au service, en méconnaissance de l'obligation de pointage prévue par la décision d'assignation. Sur la base de ces éléments, le préfet du Nord a, le 2 mars 2018, considéré que Mme C...était en fuite au sens de l'article 29 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et a, en conséquence, avisé les autorités belges que le délai de transfert était porté à dix-huit mois. Le 14 mai 2018, estimant que le délai de six mois pour procéder à son transfert vers la Belgique avait expiré, Mme C...s'est présentée dans les locaux de la préfecture du Nord pour solliciter l'enregistrement de sa demande d'asile en procédure normale. Elle s'est vu opposer une décision de refus. Elle a alors demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution du refus du préfet du Nord d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de procéder à cet enregistrement et de transmettre cette demande à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 150 euros par jour de retard. Mme C...relève appel de l'ordonnance du 21 juin 2018 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
4. Mme C...soutient que le procès-verbal du 20 février 2018 constatant qu'elle n'avait jamais respecté les obligations de pointage, deux fois par semaine, fixées par la décision du 6 décembre 2017 l'assignant à résidence, est entaché d'une erreur matérielle. Pour le démontrer, la requérante produit trois attestations sur l'honneur. La première, établie le 20 juin 2018 par l'avocate de la requérante, relate une conversation téléphonique que ce conseil a eue la veille avec l'agent d'accueil du service de la police aux frontières de Lille, au cours duquel ce dernier, dont l'identité n'est pas précisée, aurait affirmé que Mme C...était venue pointer au moins une fois. Par la deuxième, signée le 16 juillet 2018, la requérante affirme avoir toujours respecté son obligation de pointage, les lundis et mercredis après-midi, entre 14 heures et 16 heures, et rapporte que c'est d'ailleurs l'agent d'accueil qui lui a annoncé, le 5 février 2018, que son assignation à résidence avait expiré. La troisième attestation, également établie le 16 juillet 2018 par M.B..., fait état de la visite que Mme C...a rendue en sa compagnie au service de la police aux frontière de Lille, le 19 juin 2018, visite au cours de laquelle le policier qui les a accueillis aurait reconnu la requérante, affirmé qu'elle était déjà venue pointer et déclaré que c'était lui qui lui avait annoncé que son assignation à résidence avait expiré.
5. Il résulte toutefois des éléments complémentaires fournis par le ministre à la suite de l'audience publique qu'à partir des informations qui lui sont transmises par la préfecture du Nord pour chaque personne assignée à résidence, le service de la police aux frontières de Lille crée une feuille individuelle de pointage, dont des exemples ont été versés au dossier. Cette création intervient lors de la première présentation de la personne intéressée dans les locaux du service. Par conséquent, c'est dans la seule hypothèse où l'intéressé n'a jamais déféré à ses obligations de pointage qu'il n'est pas créé de fiche. Au terme de la mesure d'assignation à résidence, ces fiches sont archivées et conservées par le service de la police aux frontières. La consultation des archives, opérée par le service de la police aux frontières de Lille à la demande du ministre pour les besoins de l'instruction, a fait apparaître qu'aucune fiche n'avait été créée au nom de MmeC..., ce qui confirme les mentions du procès-verbal dressé le 20 février 2018. Dès lors qu'il résulte de ces éléments que la requérante n'a jamais respecté les obligations de pointage qui lui avaient été imposées dans le cadre de l'assignation à résidence qui avait été décidée le 6 décembre 2017 en vue de son transfert vers la Belgique, le préfet a pu à bon droit, pour ce seul motif, regarder Mme C...comme étant en fuite au sens de l'article 29 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, et en déduire que le délai imparti pour son transfert vers la Belgique était porté à dix-huit mois. Par suite, le préfet du Nord pouvait refuser d'enregistrer en procédure normale la demande d'asile présentée par Mme C... le 14 mai 2018, alors que ce délai n'avait pas expiré, sans porter aucune atteinte illégale au droit d'asile de l'intéressée.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté la demande qu'elle lui avait présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Par suite, sa requête ne peut qu'être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.