CAA de NANCY, 1ère chambre - formation à 3, 19/07/2018, 17NC02273, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 25 juin 2015 par laquelle le maire d'Epernay l'a muté dans l'intérêt du service à la direction des sports sur un poste de gardien de gymnase ainsi que la décision du 17 septembre 2015 de rejet de son recours gracieux formé le 24 juillet 2015.

Par un jugement n° 1502422 du 4 juillet 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 septembre 2017, 9 février et 7 mars 2018, M. E..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 4 juillet 2017 ;

2°) d'annuler les décisions du maire d'Epernay des 25 juin et 17 septembre 2015 ;

3°) de condamner la commune d'Epernay à lui payer une indemnité de 15 000 euros en réparation des préjudices résultant de ces décisions fautives ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Epernay le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. E...soutient que :
- la décision prononçant sa mutation d'office dans l'intérêt du service constitue une sanction disciplinaire déguisée ;
- la matérialité des faits sur lesquels se fonde la décision portant mutation d'office n'est pas établie ;
- les préjudices matériels et immatériels résultant pour lui de la faute commise par la commune s'élèvent à 15 000 euros.


Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 novembre 2017 et 12 février 2018, la commune d'Epernay, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire au rejet des conclusions indemnitaires de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune d'Epernay soutient que :
- la requête, qui ne comporte aucun moyen d'appel, est irrecevable ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;
- la décision portant mutation d'office étant justifiée par l'intérêt du service, elle n'est pas fautive et ne peut donc ouvrir un droit à indemnité à M.E... ;
- les préjudices allégués ne sont pas établis ;
- les préjudices allégués sont sans lien avec la décision attaquée.


Par ordonnance du 22 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 8 mars 2018.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 2006-1691 du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux ;
- le code de justice administrative.



Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant M. E....


Considérant ce qui suit :

1. M. E...a été recruté en 1999 par la commune d'Epernay en qualité d'adjoint technique territorial pour exercer les fonctions de gardien de gymnase. Après sa réussite en 2012 aux épreuves du brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport, il a été affecté à compter du 2 avril 2013 à la Maison pour tous (MPT) implantée dans le quartier de Bernon en tant qu'animateur au secteur jeunes. Par une décision du 25 juin 2015, le maire d'Epernay a décidé la mutation d'office dans l'intérêt du service de M. E...au service des sports pour y exercer à nouveau les fonctions de gardien de gymnase à compter du 6 juillet 2015. Le recours gracieux formé par M. E...le 24 juillet 2015 a été rejeté par le maire par un courrier du 17 septembre 2015. M. E...fait appel du jugement du 4 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation des décisions des 25 juin et 17 septembre 2015, d'autre part, à la condamnation de la commune d'Epernay à lui payer une indemnité de 15 000 euros en réparation des préjudices résultant pour lui de ces décisions.

Sur le bien fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 52 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires ". L'article 3 du décret n° 2006-1691 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux dispose : " les adjoints techniques territoriaux sont chargés de tâches techniques d'exécution. / Ils exercent leurs fonctions dans les domaines du bâtiment, des travaux publics, de la voirie et des réseaux divers, des espaces naturels et des espaces verts, de la mécanique et de l'électromécanique, de la restauration, de l'environnement et de l'hygiène, de la logistique et de la sécurité, de la communication et du spectacle, de l'artisanat d'art (...) ".

3. M.E... soutient, en premier lieu, que la décision prononçant sa mutation d'office dans l'intérêt du service constitue une sanction disciplinaire déguisée. Toutefois, la seule circonstance que cette décision soit intervenue très peu de temps après la mise à pied qui lui a été notifiée le 17 juin 2015 ne saurait suffire à caractériser l'existence d'une sanction disciplinaire déguisée. Au demeurant, il ressort des termes mêmes des décisions des 25 juin et 17 septembre 2015 que la mutation d'office de M. E...est intervenue en raison notamment de ses difficultés relationnelles avec sa hiérarchie et ne fait aucunement référence aux faits d'avril 2015 qui ont donné lieu à la sanction disciplinaire notifiée le 17 juin 2015. Par ailleurs, l'affectation de M. E...à un poste de gardien de gymnase, que le cadre d'emploi d'adjoint technique territorial auquel il appartient lui donne vocation à occuper, ne comporte aucun déclassement et ne lui occasionne aucune baisse de rémunération. Dans ces conditions, les décisions attaquées ne peuvent être regardées comme une sanction déguisée.

4. M. E...soutient, en second lieu, que la matérialité des faits sur lesquels se fondent les deux décisions attaquées n'est pas établie. Les comptes-rendus de ses entretiens annuels d'évaluation pour 2013 et 2014 font toutefois état de ses relations en " dents de scie " avec ses collègues et sa hiérarchie et insistent sur la nécessité d'améliorer ses relations avec l'ensemble de ses collègues et de travailler son savoir être. Par ailleurs, les attestations produites par la commune et émanant de certains de ses responsables hiérarchiques ou collègues témoignent de l'impulsivité dont peut faire preuve M. E...lorsque sont prises des décisions avec lesquelles il est en désaccord. Les relations conflictuelles de M. E...avec sa hiérarchie sont ainsi établies par les pièces du dossier. Par suite, eu égard aux motifs qui les justifient, les décisions des 25 juin et 17 septembre 2015 affectant M. E...à un poste de gardien de gymnase ont été prises dans l'intérêt du service.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par la ville d'Epernay, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté les conclusions en annulation de sa demande. La commune d'Epernay n'ayant ainsi commis aucune faute, les conclusions indemnitaires présentées par M. E...doivent également être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d'Epernay, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. E...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. E...une somme de 1 500 euros à verser à la commune d'Epernay sur le fondement des mêmes dispositions.


Par ces motifs,


DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : M. E...versera à la ville d'Epernay une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E...et à la commune d'Epernay.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
2
N° 17NC02273



Retourner en haut de la page