Conseil d'État, 1ère chambre, 12/07/2018, 412639, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 juillet 2017 et 9 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Cercle de réflexion et de proposition d'action sur la psychiatrie (CRPA) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction n° DGOS/R4/DGS/SP4/2017/109 du 29 mars 2017 relative à la politique de réduction des pratiques d'isolement et de contention au sein des établissements de santé autorisés en psychiatrie et désignés par le directeur général de l'agence régionale de santé pour assurer des soins psychiatriques sans consentement, ainsi que la décision du ministre des affaires sociales et de la santé rejetant son recours gracieux du 9 mai 2017 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dorothée Pradines, auditeur,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.




Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 3222-5-1 introduit dans le code de la santé publique par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé : " L'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d'un psychiatre, prise pour une durée limitée. Leur mise en oeuvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin. / Un registre est tenu dans chaque établissement de santé autorisé en psychiatrie et désigné par le directeur général de l'agence régionale de santé pour assurer des soins psychiatriques sans consentement en application du I de l'article L. 3222-1. Pour chaque mesure d'isolement ou de contention, ce registre mentionne le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, sa date et son heure, sa durée et le nom des professionnels de santé l'ayant surveillée. Le registre, qui peut être établi sous forme numérique, doit être présenté, sur leur demande, à la commission départementale des soins psychiatriques, au Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou à ses délégués et aux parlementaires. / L'établissement établit annuellement un rapport rendant compte des pratiques d'admission en chambre d'isolement et de contention, la politique définie pour limiter le recours à ces pratiques et l'évaluation de sa mise en oeuvre. Ce rapport est transmis pour avis à la commission des usagers prévue à l'article L. 1112-3 et au conseil de surveillance prévu à l'article L. 6143-1 ". L'instruction du ministre des affaires sociales et de la santé du 29 mars 2017 relative à la politique de réduction des pratiques d'isolement et de contention au sein des établissements de santé autorisés en psychiatrie et désignés par le directeur général de l'agence régionale de santé pour assurer des soins psychiatriques sans consentement a pour objet de préciser les modalités de mise en oeuvre de ces dispositions. Sa première partie expose le cadre légal du recours aux mesures d'isolement et de contention, sa deuxième partie précise le champ d'application et le contenu du registre mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 3222-5-1 et sa troisième partie précise les modalités d'utilisation des données contenues dans ce registre.

2. L'association Cercle de réflexion et de proposition d'action sur la psychiatrie demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette instruction en tant qu'elle ne prévoit pas de procédure contradictoire préalable à l'édiction des décisions de recourir à l'isolement ou à la contention d'une personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement, permettant notamment à la personne concernée ou à son avocat de présenter des observations, non plus qu'aucun contrôle juridictionnel spécifique.

3. L'interprétation que par voie, notamment, de circulaires ou d'instructions l'autorité administrative donne des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en oeuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief.

4. L'instruction attaquée, en ce qu'elle ne précise pas la procédure à suivre pour prendre des mesures d'isolement ou de contention et ne comporte aucune indication quant à la possibilité de les contester par un recours juridictionnel, ne peut qu'être regardée comme dénuée de caractère impératif sur ces points.

5. Par suite, l'association Cercle de réflexion et de proposition d'action sur la psychiatrie n'est pas recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'instruction qu'elle attaque en tant qu'elle ne prévoit pas de procédure contradictoire préalable à l'édiction des mesures d'isolement et de contention des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement ni de contrôle juridictionnel particulier à ces mesures, ainsi que du rejet de son recours gracieux. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être également rejetées.



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'association Cercle de réflexion et de proposition d'action sur la psychiatrie est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Cercle de réflexion et de proposition d'action sur la psychiatrie et à la ministre des solidarités et de la santé.

ECLI:FR:CECHS:2018:412639.20180712
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