CAA de MARSEILLE, 9ème chambre - formation à 3, 12/06/2018, 16MA03735, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D..., Mme B... D...et M. C... D...ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la délibération du 28 mars 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune du Lavandou a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune.

Par un jugement n° 1301035 du 25 juillet 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 septembre 2016, et le 10 avril 2017, les consortsD..., représentés par la Selarl CVS, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 juillet 2016 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) d'annuler la délibération du 28 mars 2013 du conseil municipal de la commune du Lavandou approuvant le plan local d'urbanisme, en tant qu'elle classe en espace remarquable 1Nr la parcelle, cadastrée section AY n° 228, leur appartenant située dans la zone Est d'Aiguebelle ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Lavandou la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Ils soutiennent que :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la parcelle AY n° 228 se situe dans un environnement déjà urbanisé ;
- les auteurs du PLU ont méconnu l'article L. 111-11-1 du code de l'urbanisme en classant en espace remarquable un secteur qui n'a pas été identifié comme tel dans le schéma de cohérence territoriale (SCoT) Provence-méditerranée, qui fait " écran " à l'application de la loi Littoral ;
- la délimitation des espaces naturels remarquables par le plan local d'urbanisme (PLU) est ainsi incompatible avec les objectifs du SCoT, qui identifie le quartier d'Aiguebelle comme un pôle de proximité à développer ;
- leur parcelle ne présente pas les caractéristiques d'un espace remarquable au sens de l'article L. 146-6 et n'entre dans aucune des catégories prévues à l'article R. 146-1 du code de l'urbanisme ;
- la parcelle est située au sein d'un espace urbanisé classé en secteur UD, ainsi que le plan d'occupation des sols (POS) de 2003 classant le secteur en zone UFa le reconnaît ;
- elle n'est située ni dans le prolongement de l'espace naturel, ni en bordure du massif des Maures ;
- elle est desservie par la route goudronnée du chemin de l'Hesperia et supporte elle-même une voie de servitude de desserte goudronnée de 4 m de large et de 100 m de long de la propriété sise au-dessus ;
- la parcelle ne fait l'objet d'aucune protection environnementale particulière et ne présente pas de valeur écologique reconnue au sens de l'article R. 146-1 du code de l'urbanisme.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 30 novembre 2016 et 16 février 2018, la commune du Lavandou, représentée par la SCP d'avocats CGCB et associés, conclut au rejet de la requête, et à ce que soit mise à la charge solidaire des consorts D...la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le jugement n'est pas irrégulier ;
- le PLU, apprécié à l'échelle de la commune et non d'une parcelle, est compatible avec le SCoT, qui ne s'oppose pas au classement en espace remarquable de la parcelle AY n° 288, compte tenu notamment de sa faible superficie ;
- le classement du quartier en secteur UFa de l'ancien POS a été annulé par le juge administratif ;
- en tout état de cause, cette parcelle non bâtie couverte d'un maquis située dans le prolongement des contreforts du massif des Maures constitue un espace remarquable au sens du SCoT ;
- le tènement foncier appartenant aux requérants, pris dans son ensemble, se situe en limite de l'urbanisation, s'intègre dans les contreforts des massif des Maures à proximité immédiate d'une zone 2Nh, ainsi que l'a estimé la Cour dans son arrêt n° 14MA01669 du 3 décembre 2015 ;
- les premiers juges ne se sont pas prononcés au regard d'une mesure de protection, inexistante, de cette parcelle.

Un mémoire présenté pour les consortsD..., a été enregistré le 5 mars 2018 et n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carassic,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de M. C... D...et de Me E..., représentant la commune du Lavandou.

Une note en délibéré, présentée pour les consortsD..., a été enregistrée le 4 juin 2018.



Considérant ce qui suit :


1. Par délibération du 28 mars 2013, le conseil municipal de la commune du Lavandou a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune. Les consorts D...ont demandé au tribunal administratif de Toulon l'annulation de cette délibération. Par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté leur demande. En appel, les consorts D...demandent l'annulation de cette délibération seulement en tant qu'elle classe en secteur 1Nr "espaces remarquables" la parcelle AY n° 228 leur appartenant.


Sur la régularité du jugement attaqué :


2. Les premiers juges ont, dans le considérant 13 du jugement attaqué, affirmé que la parcelle AY 228 était restée à l'état naturel, qu'elle s'intégrait dans les contreforts du massif des Maures et qu'elle appartenait aux espaces remarquables. Par suite, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments invoqués par les consorts D...au soutien du moyen tiré de ce que leur parcelle ne pouvant être qualifiée d'espace remarquable, son classement en zone 1Nr était illégal, n'a pas omis de se prononcer sur un moyen. Par suite, les consorts D...ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier pour avoir omis de statuer sur l'argument tiré de ce que cette parcelle serait située dans un espace urbanisé de la commune.






Sur le bien-fondé du jugement attaqué :


En ce qui concerne le cadre juridique du litige :


3. En vertu de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de la délibération litigieuse, les plans locaux d'urbanisme doivent être compatibles avec les schémas de cohérence territoriale, et en l'absence de ces schémas, ils doivent être compatibles, s'il y a lieu, avec les dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral prévues aux articles L. 145-1 à L. 146-9 du code de l'urbanisme. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les auteurs des plans locaux d'urbanisme doivent s'assurer que les partis d'urbanisme présidant à l'élaboration de ces documents sont compatibles, lorsque le territoire de la commune est couvert par un schéma de cohérence territoriale (SCoT), avec les éventuelles prescriptions édictées par ce SCoT, sous réserve que les dispositions que ce schéma comporte sur les modalités d'application des dispositions des articles L. 146-1 et suivants du code de l'urbanisme soient, à la date d'approbation du plan local d'urbanisme, d'une part, suffisamment précises et, d'autre part, compatibles avec ces mêmes dispositions ou dans le cas contraire, avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières, notamment, au littoral.


4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de la délibération litigieuse : " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. ". Aux termes de l'article R. 146-1 du même code alors en vigueur : " En application du premier alinéa de l'article L. 146-6 sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral, sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : a) Les dunes, les landes côtières, les plages et les lidos, les estrans, les falaises et les abords de celles-ci ; b) les forêts et zones boisées proches du rivage de la mer, c) Les îlots inhabités ; d) Les parties naturelles des estuaires, des rias ou abers et des caps ; e) Les marais, les vasières, les tourbières, les plans d'eau, les zones humides et milieux temporairement immergés ; f) Les milieux abritant des concentrations naturelles d'espèces animales ou végétales telles que les herbiers, les frayères, les nourrisseries et les gisements naturels de coquillages vivants ; les espaces délimités pour conserver les espèces en application de l'article 4 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 et les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages ; g) Les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application de la loi du 2 mai 1930 modifiée et des parcs nationaux créés en application de la loi n° 60-708 du 22 juillet 1960, ainsi que les réserves naturelles instituées en application de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ; h) Les formations géologiques telles que les gisements de minéraux ou de fossiles, les stratotypes, les grottes ou les accidents géologiques remarquables (...) ".


5. Le document d'orientation générale (DOG) du SCoT Provence Méditerranée approuvé le 16 octobre 2009 rappelle que l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme assigne l'obligation de préserver certains espaces ou milieux littoraux, présentant un intérêt particulier en termes de paysage, de patrimoine naturel ou culturel ou de maintien des équilibres biologiques. Le DOG identifie parmi les espaces remarquables caractéristiques du littoral, d'une part, les espaces naturels non bâtis du littoral lavandourain en contrebas de la RD559, pointes de la Fossette, de la Sèque, du Rossignol, du Layet et les falaises du Cap Nègre, dès lors que "ces espaces offrent des éléments naturels pour le premier plan paysager de la corniche des Maures et sont le support pour partie de richesse écologique" et, d'autre part, les espaces naturels non bâtis du massif des Maures, au motif que "ce vaste ensemble couvert de forêts de chênes liège et de maquis, dont la valeur écologique est reconnue, forme le grand arrière-plan paysager de la rade d'Hyères et de la baie Bormes - Le Lavandou. Le chaînon littoral plongeant en corniche dans la méditerranée du haut de ses 400 à 500m d'altitude au dessus du Lavandou crée un paysage exceptionnel et emblématique du littoral varois. C'est un espace remarquable par sa superficie et sa forte naturalité en dehors des espaces du site de Saint-Eulalie, des espaces dédiés aux lignes électriques, des espaces dédiés aux retenues d'eau, des déchetteries, des carrières et des espaces dédiés aux activités sportives et de loisirs." Ces dispositions du SCoT ne mentionnent pas les différentes catégories d'espaces remarquables énumérées par l'article R. 146-1 du code de l'urbanisme. Si elles semblent se référer implicitement mais nécessairement aux forêts et zones boisées proches du rivage de la mer au sens du seul b) de l'article R. 146-1 du code de l'urbanisme, elles n'apportent aucune précision sur la localisation de ces espaces naturels "du massif des Maures". En l'absence de précision par le SCoT, à l'échelle du territoire qu'il couvre, de modalités de mise en oeuvre précises des dispositions de l'article L. 146-6 premier alinéa du code de l'urbanisme, la légalité du PLU en litige en ce qui concerne la détermination des espaces remarquables doit être appréciée, contrairement à ce que soutiennent les requérants, directement au regard de l'article L. 146-6 premier alinéa du code de l'urbanisme.


En ce qui concerne le classement de la parcelle AY 228 en zone 1Nr :


6. Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur l'application des dispositions de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, y compris quand est contesté comme en l'espèce un classement par le plan local d'urbanisme.


7. Contrairement à ce que soutient la commune en appel, les requérants peuvent utilement invoquer l'illégalité du classement en zone 1Nr de la seule parcelle AY 228, eu égard au caractère divisible d'un PLU et alors même que cette parcelle fait partie d'un plus grand tènement foncier appartenant aux requérants.


8. Le règlement du PLU en litige prévoit que la zone 1N est une zone à protéger en raison de la présence de boisements intéressants, de la qualité paysagère et patrimoniale. Elle comprend notamment un secteur 1Nr correspondant aux espaces naturels remarquables au titre de la loi Littoral présentant une grande qualité et nécessitant une protection renforcée, dans lequel seuls les aménagements légers définis à l'article R. 146-2 du code de l'urbanisme sont autorisés.


9. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle AY 228 est située sur une colline bâtie, qui est nettement séparée à l'ouest du prolongement des contreforts du massif naturel des Maures par le chemin de l'Hespéria. Elle est bordée au nord et au sud par des constructions et est limitrophe à l'est avec une parcelle non bâtie classée en zone UD et à l'ouest par le chemin de l'Hespéria. Ce terrain, qui supporte une végétation éparse et rase, est traversé par une route goudronnée d'une largeur de 4 mètres permettant d'accéder, par une servitude de passage, à un immeuble collectif situé à proximité immédiate en amont de la pente et ne peut pas ainsi être regardée comme présentant un intérêt faunistique ou floristique particulier. Par suite, cette parcelle, qui n'a pas conservé son caractère naturel, ne peut être regardée comme un espace remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel du littoral, au sens des dispositions des articles L. 146-6 et R. 146-1 du code de l'urbanisme. En outre, cette parcelle ne s'intègre pas dans les contreforts du site exceptionnel du massif des Maures et ne peut être regardée comme constituant une unité paysagère avec cet espace remarquable. Elle ne peut, ainsi, être considérée comme formant ensemble avec ce site un espace remarquable. Dès lors, c'est à tort, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, que les auteurs du PLU en litige ont classé, en méconnaissance des dispositions des articles L. 146-6 et R. 146-1 du code de l'urbanisme, la parcelle AY 228 en secteur 1Nr.


10. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est de nature à justifier l'annulation de la délibération en litige.


11. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts D...sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération en litige en tant qu'elle classe la parcelle AY n° 228 en secteur 1Nr. Il y a lieu en conséquence d'annuler le jugement attaqué et la délibération en litige en tant qu'elle classe la parcelle AY n° 228 en secteur 1Nr.


Sur les frais liés au litige :


12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des consortsD..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune du Lavandou sur le fondement de ces dispositions. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune du Lavandou la somme de 2 000 euros à verser aux consorts D...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.



D É C I D E :
Article 1er : La délibération du 28 mars 2013 du conseil municipal de la commune du Lavandou est annulée en tant qu'elle classe la parcelle AY n° 228 située dans la zone est d'Aiguebelle en secteur 1Nr.
Article 2 : Le jugement du 25 juillet 2016 du tribunal administratif de Toulon est réformé en ce qu'il a de contraire avec l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : La commune du Lavandou versera aux consorts D...la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune du Lavandou, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme B...D..., à M. C... D...et à la commune du Lavandou.
Délibéré après l'audience du 29 mai 2018, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme Carassic, première conseillère.

Lu en audience publique, le 12 juin 2018.
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N° 16MA03735



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