Conseil d'État, 2ème et 7ème chambres réunies, 01/06/2018, 409098, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 20 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union des fédérations de fonctionnaires et assimilés (UFFA-CFDT) demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et à la sécurité au travail dans la fonction publique, en tant qu'il insère au IV de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 un troisième alinéa précisant qu'une maladie non désignée dans les tableaux annexés au code de la sécurité sociale peut être reconnue imputable au service si elle est " essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions " et " entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ".


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Weil, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,





1. Considérant que, aux termes de l'article 44 de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, " Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin de : (...) 5° Renforcer les garanties applicables aux agents publics en matière de prévention et d'accompagnement de l'inaptitude physique, améliorer les droits et congés pour raisons de santé ainsi que le régime des accidents de service et des maladies professionnelles applicables aux agents publics " ;

2. Considérant que, pour l'application de ces dispositions, est intervenue l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et à la sécurité au travail dans la fonction publique ; que l'article 10 de cette ordonnance modifie le régime des accidents de service et des maladies professionnelles dans la fonction publique en créant un congé pour invalidité temporaire imputable au service à la suite, notamment, d'une maladie professionnelle ; qu'il insère au IV de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 deux premiers alinéas prévoyant, respectivement, qu'" est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau ", et que " si une ou plusieurs conditions (...) ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droits établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions " ; qu'un troisième alinéa prévoit, pour les autres situations, que " peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat " ; que l'Union des fédérations de fonctionnaires et assimilés (UFFA-CFDT) demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir cet article 10 ;

3. Considérant que l'UFFA-CFDT soutient que l'article 10 est entaché d'erreur de droit dans la mesure où le troisième alinéa inséré au IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, conditionne l'imputabilité d'une maladie absente des tableaux du code de la sécurité sociale non plus seulement à la démonstration d'un lien de causalité entre les fonctions occupées et la maladie mais aussi désormais à la démonstration que la maladie entraîne " une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ", introduisant une condition supplémentaire et restrictive par rapport à la situation antérieure, en contradiction avec l'objectif d'amélioration fixé par l'article 44 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

4. Considérant toutefois que ces dernières dispositions ne sauraient être analysées séparément de l'ensemble des dispositions de l'article, et en particulier de celles des deux alinéas précédents, qui permettent désormais aux agents publics de bénéficier, à l'instar des salariés, de la présomption d'imputabilité pour toutes les pathologies inscrites dans les tableaux mentionnés à l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ce qui constitue une amélioration importante du dispositif de prise en charge de ces maladies ; que, s'agissant des autres pathologies, l'existence d'une condition de gravité, appréciée en fonction d'un taux fixé et évalué dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, laquelle est d'ailleurs également prévue pour les salariés, n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à la mise en oeuvre de l'objectif d'amélioration fixé par l'article 44 précité ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le Gouvernement aurait méconnu l'habilitation donnée par l'article 44 de la loi du 8 août 2016 ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'UFFA-CFDT n'est pas fondée à demander l'annulation de l'article 10 de l'ordonnance attaquée ;



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'Union des fédérations de fonctionnaires et assimilés est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union des fédérations de fonctionnaires et assimilés, au Premier ministre et au ministre de l'action et des comptes publics.

ECLI:FR:CECHR:2018:409098.20180601
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