Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 25/05/2018, 412223

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures

1° M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, d'annuler la décision du 20 avril 2015 par laquelle le directeur interrégional des douanes et des droits indirects de Méditerranée a rejeté sa demande d'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA) et, d'autre part, d'enjoindre au ministre des finances et des comptes publics de lui accorder le bénéfice de cet avantage et d'en tirer toutes les conséquences en découlant s'agissant de l'avancement, des avantages financiers et du droit de mutation prioritaire. Par un jugement n° 1500792 du 21 juillet 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16MA04008 du 9 mai 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M.B..., annulé ce jugement et enjoint au ministre de l'économie et des finances de prendre un arrêté reconstituant sa carrière en le faisant bénéficier des bonifications d'ancienneté et de tirer les conséquences pécuniaires de cette reconstitution.

2° M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, d'annuler la décision du 20 avril 2015 par laquelle le directeur interrégional des douanes et des droits indirects de Méditerranée a rejeté sa demande d'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA) et, d'autre part, d'enjoindre au ministre des finances et des comptes publics de lui accorder le bénéfice de cet avantage et d'en tirer toutes les conséquences en découlant s'agissant de l'avancement, des avantages financiers et du droit de mutation prioritaire. Par un jugement n° 1500764 du 21 juillet 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16MA04069 du 9 mai 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M.A..., annulé ce jugement et enjoint au ministre de l'économie et des finances de prendre un arrêté reconstituant sa carrière en le faisant bénéficier des bonifications d'ancienneté et de tirer les conséquences pécuniaires de cette reconstitution.

Procédures devant le Conseil d'Etat

1° Sous le n° 412223, par un pourvoi, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 6 juillet, 13 décembre 2017 et 6 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 16MA04008 du 9 mai 2017 de la cour administrative d'appel de Marseille.

2° Sous le n° 412227, par un pourvoi, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 6 juillet 2017, 13 décembre 2017 et 6 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 16MA04069 du 9 mai 2017 de la cour administrative d'appel de Marseille.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 ;
- la loi n° 94-628 du 25 juillet 1994 ;
- le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 ;
- le décret n° 96-1156 du 26 décembre 1996 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Firoud, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer, avocat de M. B...et à la SCP LEDUC, VIGAND, avocat de M. A....



1. Considérant que les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'il ressort des énonciations des deux arrêts attaqués que MM. B... etA..., contrôleurs des douanes et des droits indirects, affectés à la brigade garde-côtes d'Ajaccio, ont demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler les décisions du 20 avril 2015 par lesquelles le directeur interrégional des douanes et des droits indirects de Méditerranée leur a refusé le bénéfice des dispositions relatives à l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA) et d'enjoindre au ministre des finances et des comptes publics de leur accorder le bénéfice de cet avantage et d'en tirer toutes les conséquences, notamment en matière financière et pour leur avancement ; que, par deux jugements du 21 juillet 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté leurs demandes ; que, par deux arrêts du 9 mai 2017, contre lesquels le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ces jugements ainsi que les décisions en litige et a enjoint au ministre de prendre des arrêtés reconstituant la carrière des intéressés en les faisant bénéficier des bonifications d'ancienneté découlant des dispositions du décret du 21 mars 1995 modifié et de tirer les conséquences pécuniaires de cette reconstitution ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dans sa rédaction issue de la loi du 25 juillet 1994 : " Les fonctionnaires de l'Etat (...) affectés pendant une durée fixée par décret en Conseil d'Etat dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ont droit, pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon, à un avantage spécifique d'ancienneté dans des conditions fixées par ce même décret " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 pris pour l'application de ces dispositions : " Les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, mentionnés (...) à l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 susvisée, doivent correspondre : (...) 3° En ce qui concerne les autres fonctionnaires civils de l'Etat, à des secteurs déterminés par arrêté conjoint du ministre chargé de la ville, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget " ; que, selon l'article 2 de ce même décret : " Lorsqu'ils justifient de trois ans au moins de services continus accomplis dans un quartier urbain désigné en application de l'article 1er ci dessus, les fonctionnaires de l'Etat ont droit, pour l'avancement, à une bonification d'ancienneté d'un mois pour chacune de ces trois années et à une bonification d'ancienneté de deux mois par année de service continu accomplie au delà de la troisième année (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 que le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA) est ouvert aux fonctionnaires de l'Etat et aux militaires de la gendarmerie nationale qui sont affectés pendant une certaine durée, définie par décret, pour exercer leurs fonctions dans des quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles ; qu'en instituant cet avantage, le législateur a entendu inciter les agents concernés à exercer leurs fonctions dans de tels quartiers ; qu'il suit de là que seuls peuvent bénéficier de cet avantage les agents affectés dans ces quartiers qui y exercent effectivement leurs fonctions à titre principal ;

5. Considérant qu'il ressort des énonciations des deux arrêts attaqués que, pour faire droit aux demandes de MM. B...et A...tendant à ce que soient annulées les décisions du 20 avril 2015 par lesquelles le bénéfice des dispositions relatives à l'ASA leur a été refusé, la cour a jugé que les ministres signataires de la circulaire interministérielle du 10 décembre 1996 définissant les conditions d'attribution de l'ASA ne pouvaient pas, sans excéder leur compétence, réserver cet avantage aux agents affectés dans un service situé au sein d'un quartier éligible à la condition qu'ils y exercent leurs fonctions à titre principal ; qu'en statuant ainsi, la cour a commis une erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à demander l'annulation des deux arrêts qu'il attaque ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;



D E C I D E
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Article 1er : Les arrêts du 9 mai 2017 de la cour administrative d'appel de Marseille sont annulés.
Article 2 : Les affaires sont renvoyées à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : Les conclusions présentées par MM. B...et A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics, à M. C... B...et à M. D...A....

ECLI:FR:CECHR:2018:412223.20180525
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