Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 21/03/2018, 415929, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 21/03/2018, 415929, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 7ème - 2ème chambres réunies
- N° 415929
- ECLI:FR:CECHR:2018:415929.20180321
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mercredi
21 mars 2018
- Rapporteur
- M. François Lelièvre
- Avocat(s)
- SCP PIWNICA, MOLINIE
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société coopérative de peinture et d'aménagement (SCPA) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler, au stade de l'analyse des offres, la procédure de passation du lot n° 4 " sols souples " d'un marché relatif à l'exécution de travaux d'entretien, de rénovation, de réparation et d'amélioration de bâtiments du département des Bouches-du-Rhône.
Par une ordonnance n° 1707763 du 8 novembre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a fait droit à cette demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 novembre et 8 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département des Bouches-du-Rhône demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société SCPA ;
3°) de mettre à la charge de la société SCPA la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du département des Bouches-du-Rhône.
1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le département des Bouches-du-Rhône a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution de marchés ayant pour objet l'exécution de travaux d'entretien, de rénovation, de réparation et d'amélioration des bâtiments de son patrimoine immobilier ; qu'il a rejeté comme irrégulière l'offre que la société SCPA avait présentée pour le lot n° 4, " sols souples " ; qu'il se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 8 novembre 2017 par laquelle le juge du référé précontractuel a annulé, à la demande de la société SCPA et sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, la procédure de passation du marché au stade de l'analyse des offres ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public (...) " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 59 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics : " I. L'acheteur vérifie que les offres (...) sont régulières, acceptables et appropriées. / Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation notamment parce qu'elle est incomplète (...) / II. Dans les procédures d'appel d'offres et les procédures adaptées sans négociation, les offres irrégulières, inappropriées ou inacceptables sont éliminées. Toutefois, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses (...) / IV. La régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet de modifier les caractéristiques substantielles des offres (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que si, dans les procédures d'appel d'offres, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires dont l'offre est irrégulière à la régulariser, dès lors qu'elle n'est pas anormalement basse et que la régularisation n'a pas pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles, il ne s'agit toutefois que d'une faculté, non d'une obligation ;
4. Considérant, par suite, que, quels qu'aient été les motifs ayant conduit le département des Bouches-du-Rhône à ne pas inviter la société SCPA à régulariser son offre, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit en jugeant qu'il ne pouvait l'éliminer sans inviter au préalable cette société à la régulariser ; qu'il suit de là que le département des Bouches-du-Rhône est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi, à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
5. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 6.2 du règlement de la consultation : " (...) En application de l'article 62 II du décret relatif aux marchés publics, les critères de jugement des offres sont les suivants : (...) 2 - Le nombre des personnels qualifiés spécifiquement affectés au marché, jugé au regard des éléments remis dans le mémoire technique. Il est rappelé que le candidat devra apporter tout élément justificatif permettant de s'assurer qu'il disposera des personnels nécessaires à l'exécution du marché (promesse d'embauche, sous-traitance, interim ...). L'absence de ces justifications pourra entraîner la non-conformité de l'offre. Ce critère sera noté de 0 à 5 puis rétabli en base 100 puis pondéré (10 %). L'attention du candidat est attirée sur le fait qu'il devra préciser dans son mémoire les profils des exécutants qu'il envisage d'affecter à l'exécution du marché. A cet effet, il devra préciser pour chaque profil ses qualifications et ses références (...) " ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'appui de son offre, la société SCPA s'est bornée à mentionner qu'elle disposait des différents personnels qualifiés qui pourraient être spécifiquement affectés au marché, sans produire aucun élément justificatif à l'appui de cette déclaration ; que, par suite, la société, qui ne critique pas les dispositions précitées du règlement de la consultation, n'est pas fondée à soutenir que le département des Bouches-du-Rhône aurait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en estimant qu'il pouvait, conformément à la faculté qui lui était ouverte par ces dispositions, regarder son offre comme " non-conforme " ;
8. Considérant, dès lors, que le département des Bouches-du-Rhône pouvait, ainsi qu'il a été dit au point 4, éliminer l'offre de la société SCPA sans inviter au préalable cette société à la régulariser ; qu'il suit de là que la société SCPA ne saurait utilement soutenir qu'une régularisation n'aurait pas modifié des caractéristiques substantielles de son offre ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de la société SCPA doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761 du code de justice administrative ;
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SCPA le versement d'une somme de 4 500 euros au département des Bouches-du-Rhône au titre des frais exposés tant devant le tribunal administratif que devant le Conseil d'Etat ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 8 novembre 2017 du juge du référé du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Marseille par la société SCPA est rejetée.
Article 3 : La société SCPA versera la somme de 4 500 euros au département des Bouches-du-Rhône au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au département des Bouches-du-Rhône.
Copie en sera adressée à la société SCPA, à la société ATEC, à la société SEFAT et à la société Multi Services Entretien.
ECLI:FR:CECHR:2018:415929.20180321
La société coopérative de peinture et d'aménagement (SCPA) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler, au stade de l'analyse des offres, la procédure de passation du lot n° 4 " sols souples " d'un marché relatif à l'exécution de travaux d'entretien, de rénovation, de réparation et d'amélioration de bâtiments du département des Bouches-du-Rhône.
Par une ordonnance n° 1707763 du 8 novembre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a fait droit à cette demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 novembre et 8 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département des Bouches-du-Rhône demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société SCPA ;
3°) de mettre à la charge de la société SCPA la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du département des Bouches-du-Rhône.
1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le département des Bouches-du-Rhône a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution de marchés ayant pour objet l'exécution de travaux d'entretien, de rénovation, de réparation et d'amélioration des bâtiments de son patrimoine immobilier ; qu'il a rejeté comme irrégulière l'offre que la société SCPA avait présentée pour le lot n° 4, " sols souples " ; qu'il se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 8 novembre 2017 par laquelle le juge du référé précontractuel a annulé, à la demande de la société SCPA et sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, la procédure de passation du marché au stade de l'analyse des offres ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public (...) " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 59 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics : " I. L'acheteur vérifie que les offres (...) sont régulières, acceptables et appropriées. / Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation notamment parce qu'elle est incomplète (...) / II. Dans les procédures d'appel d'offres et les procédures adaptées sans négociation, les offres irrégulières, inappropriées ou inacceptables sont éliminées. Toutefois, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses (...) / IV. La régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet de modifier les caractéristiques substantielles des offres (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que si, dans les procédures d'appel d'offres, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires dont l'offre est irrégulière à la régulariser, dès lors qu'elle n'est pas anormalement basse et que la régularisation n'a pas pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles, il ne s'agit toutefois que d'une faculté, non d'une obligation ;
4. Considérant, par suite, que, quels qu'aient été les motifs ayant conduit le département des Bouches-du-Rhône à ne pas inviter la société SCPA à régulariser son offre, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit en jugeant qu'il ne pouvait l'éliminer sans inviter au préalable cette société à la régulariser ; qu'il suit de là que le département des Bouches-du-Rhône est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi, à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
5. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 6.2 du règlement de la consultation : " (...) En application de l'article 62 II du décret relatif aux marchés publics, les critères de jugement des offres sont les suivants : (...) 2 - Le nombre des personnels qualifiés spécifiquement affectés au marché, jugé au regard des éléments remis dans le mémoire technique. Il est rappelé que le candidat devra apporter tout élément justificatif permettant de s'assurer qu'il disposera des personnels nécessaires à l'exécution du marché (promesse d'embauche, sous-traitance, interim ...). L'absence de ces justifications pourra entraîner la non-conformité de l'offre. Ce critère sera noté de 0 à 5 puis rétabli en base 100 puis pondéré (10 %). L'attention du candidat est attirée sur le fait qu'il devra préciser dans son mémoire les profils des exécutants qu'il envisage d'affecter à l'exécution du marché. A cet effet, il devra préciser pour chaque profil ses qualifications et ses références (...) " ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'appui de son offre, la société SCPA s'est bornée à mentionner qu'elle disposait des différents personnels qualifiés qui pourraient être spécifiquement affectés au marché, sans produire aucun élément justificatif à l'appui de cette déclaration ; que, par suite, la société, qui ne critique pas les dispositions précitées du règlement de la consultation, n'est pas fondée à soutenir que le département des Bouches-du-Rhône aurait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en estimant qu'il pouvait, conformément à la faculté qui lui était ouverte par ces dispositions, regarder son offre comme " non-conforme " ;
8. Considérant, dès lors, que le département des Bouches-du-Rhône pouvait, ainsi qu'il a été dit au point 4, éliminer l'offre de la société SCPA sans inviter au préalable cette société à la régulariser ; qu'il suit de là que la société SCPA ne saurait utilement soutenir qu'une régularisation n'aurait pas modifié des caractéristiques substantielles de son offre ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de la société SCPA doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761 du code de justice administrative ;
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SCPA le versement d'une somme de 4 500 euros au département des Bouches-du-Rhône au titre des frais exposés tant devant le tribunal administratif que devant le Conseil d'Etat ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 8 novembre 2017 du juge du référé du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Marseille par la société SCPA est rejetée.
Article 3 : La société SCPA versera la somme de 4 500 euros au département des Bouches-du-Rhône au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au département des Bouches-du-Rhône.
Copie en sera adressée à la société SCPA, à la société ATEC, à la société SEFAT et à la société Multi Services Entretien.