Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 04/05/2018, 402897
Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 04/05/2018, 402897
Conseil d'État - 8ème - 3ème chambres réunies
- N° 402897
- ECLI:FR:CECHR:2018:402897.20180504
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
vendredi
04 mai 2018
- Rapporteur
- M. Vincent Uher
- Avocat(s)
- SCP BRIARD
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée Foncière GSP, venant aux droits de la société à responsabilité limitée Montaigne, a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle cette dernière société a été assujettie au titre de l'année 2011. Par un jugement n° 1301209 du 28 mars 2014, le tribunal administratif de Nice a fait droit à cette demande.
Par un arrêt n° 14MA03084 du 6 juillet 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté le recours formé par le ministre des finances et des comptes publics contre ce jugement.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 août 2016 et 12 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009, notamment son article 2 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Uher, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Briard, avocat de la société foncière GSP.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Montaigne a été assujettie à la cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2011 pour son activité de location, à la société Résidence Rabelais, des murs de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées du même nom, situé à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine). La société Foncière GSP, venant aux droits de la société Montaigne qu'elle a absorbée avec effet au 1er janvier 2012, a vainement contesté devant l'administration devoir être assujettie à la cotisation foncière des entreprises, au motif que son activité consistait à louer des locaux nus à usage d'habitation et ne revêtait de ce fait pas un caractère professionnel au sens du I de l'article 1447 du code général des impôts. L'administration lui a toutefois accordé un dégrèvement partiel, ramenant la cotisation litigieuse à un montant de 213 euros correspondant à la cotisation minimum prévue à l'article 1647 D du même code. Par un jugement du 28 mars 2014, le tribunal administratif a fait droit à la demande de décharge de la société Foncière GSP. Par un arrêt du 6 juillet 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté le recours du ministre des finances et des comptes publics contre ce jugement. Le ministre se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
2. Si le ministre soutient que l'arrêt attaqué est entaché d'irrégularité faute de viser son mémoire en réplique déposé le 22 mars 2016 avant la clôture de l'instruction le 25 mars suivant, il résulte des énonciations de l'arrêt que ce moyen manque en fait.
3. Aux termes du I de l'article 1447 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales (...) qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. / Pour l'établissement de la cotisation foncière des entreprises, les activités de location ou de sous-location d'immeubles, autres que les activités de location ou sous-location d'immeubles nus à usage d'habitation, sont réputées exercées à titre professionnel (...) ".
4. Il résulte des dispositions du I de l'article 1447 précité, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 dont elles sont issues, que les activités de location ou sous-location d'immeubles nus à usage d'habitation s'entendent de celles consistant, pour le propriétaire ou le locataire d'un bien immobilier, à le louer ou le sous-louer nu à, respectivement, un preneur ou un sous-locataire dans le cadre d'un bail d'habitation.
5. Pour déterminer si la société Montaigne exerçait, au moyen des biens en litige, une activité de location d'immeubles nus à usage d'habitation, au sens du I de l'article 1447 précité, la cour administrative d'appel de Marseille a jugé qu'il convenait de se référer aux modalités effectives d'utilisation des locaux en cause par les personnes âgées qui les occupaient en qualité de locataires de l'exploitant de l'établissement d'hébergement, sans tenir compte de l'usage professionnel que cet exploitant faisait des locaux qu'il louait en vertu d'un bail commercial conclu avec la société Montaigne, qui en était propriétaire. Elle a déduit des faits qu'elle a souverainement appréciés que l'activité de location exercée par cette société devait être regardée comme portant sur un immeuble nu à usage d'habitation. En statuant ainsi, alors qu'il convenait de se référer à l'utilisation des locaux par le preneur pour déterminer s'ils étaient loués par le bailleur à usage d'habitation, la cour a méconnu le sens et la portée du I de l'article 1447 tels que rappelés au point 4 et a, en conséquence, inexactement qualifié les faits de l'espèce. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, le ministre des finances et des comptes publics est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
7. Il résulte de l'instruction que la société Montaigne a donné à bail à la société Résidence Rabelais un ensemble immobilier aux fins d'être exploité commercialement en tant qu'établissement d'hébergement pour personnes âgées. Compte tenu de l'usage commercial auquel cet ensemble immobilier a été destiné par le preneur, conformément aux termes du bail consenti par la société Montaigne, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que l'activité de location exercée par la société Montaigne ne peut être regardée comme portant sur des immeubles nus à usage d'habitation. Est sans incidence à cet égard la circonstance que l'exploitant exerce une activité d'hébergement de personnes âgées dans les locaux en cause. Par suite, l'activité de la société Montaigne est réputée revêtir un caractère professionnel, au sens du I de l'article 1447 du code général des impôts. Dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Nice s'est fondé sur l'absence de caractère professionnel de l'activité de la société Montaigne pour accorder à la société Foncière GSP, venant aux droits de celle-ci, la décharge de l'imposition litigieuse.
8. La société Foncière GSP n'a pas soulevé d'autre moyen au soutien de sa demande de décharge.
9. Il résulte de ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a prononcé la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle la société Montaigne a été assujettie au titre de l'année 2011.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 6 juillet 2016 et le jugement du tribunal administratif de Nice du 28 mars 2014 sont annulés.
Article 2 : La demande de décharge présentée par la société Foncière GSP devant le tribunal administratif de Nice est rejetée.
Article 3 : La cotisation foncière des entreprises à laquelle la société Montaigne a été assujettie au titre de l'année 2011 est remise à la charge de la société Foncière GSP.
Article 4 : Les conclusions de la société Foncière GSP présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la société par actions simplifiée Foncière GSP.
ECLI:FR:CECHR:2018:402897.20180504
La société par actions simplifiée Foncière GSP, venant aux droits de la société à responsabilité limitée Montaigne, a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle cette dernière société a été assujettie au titre de l'année 2011. Par un jugement n° 1301209 du 28 mars 2014, le tribunal administratif de Nice a fait droit à cette demande.
Par un arrêt n° 14MA03084 du 6 juillet 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté le recours formé par le ministre des finances et des comptes publics contre ce jugement.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 août 2016 et 12 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009, notamment son article 2 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Uher, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Briard, avocat de la société foncière GSP.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Montaigne a été assujettie à la cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2011 pour son activité de location, à la société Résidence Rabelais, des murs de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées du même nom, situé à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine). La société Foncière GSP, venant aux droits de la société Montaigne qu'elle a absorbée avec effet au 1er janvier 2012, a vainement contesté devant l'administration devoir être assujettie à la cotisation foncière des entreprises, au motif que son activité consistait à louer des locaux nus à usage d'habitation et ne revêtait de ce fait pas un caractère professionnel au sens du I de l'article 1447 du code général des impôts. L'administration lui a toutefois accordé un dégrèvement partiel, ramenant la cotisation litigieuse à un montant de 213 euros correspondant à la cotisation minimum prévue à l'article 1647 D du même code. Par un jugement du 28 mars 2014, le tribunal administratif a fait droit à la demande de décharge de la société Foncière GSP. Par un arrêt du 6 juillet 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté le recours du ministre des finances et des comptes publics contre ce jugement. Le ministre se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
2. Si le ministre soutient que l'arrêt attaqué est entaché d'irrégularité faute de viser son mémoire en réplique déposé le 22 mars 2016 avant la clôture de l'instruction le 25 mars suivant, il résulte des énonciations de l'arrêt que ce moyen manque en fait.
3. Aux termes du I de l'article 1447 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales (...) qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. / Pour l'établissement de la cotisation foncière des entreprises, les activités de location ou de sous-location d'immeubles, autres que les activités de location ou sous-location d'immeubles nus à usage d'habitation, sont réputées exercées à titre professionnel (...) ".
4. Il résulte des dispositions du I de l'article 1447 précité, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 dont elles sont issues, que les activités de location ou sous-location d'immeubles nus à usage d'habitation s'entendent de celles consistant, pour le propriétaire ou le locataire d'un bien immobilier, à le louer ou le sous-louer nu à, respectivement, un preneur ou un sous-locataire dans le cadre d'un bail d'habitation.
5. Pour déterminer si la société Montaigne exerçait, au moyen des biens en litige, une activité de location d'immeubles nus à usage d'habitation, au sens du I de l'article 1447 précité, la cour administrative d'appel de Marseille a jugé qu'il convenait de se référer aux modalités effectives d'utilisation des locaux en cause par les personnes âgées qui les occupaient en qualité de locataires de l'exploitant de l'établissement d'hébergement, sans tenir compte de l'usage professionnel que cet exploitant faisait des locaux qu'il louait en vertu d'un bail commercial conclu avec la société Montaigne, qui en était propriétaire. Elle a déduit des faits qu'elle a souverainement appréciés que l'activité de location exercée par cette société devait être regardée comme portant sur un immeuble nu à usage d'habitation. En statuant ainsi, alors qu'il convenait de se référer à l'utilisation des locaux par le preneur pour déterminer s'ils étaient loués par le bailleur à usage d'habitation, la cour a méconnu le sens et la portée du I de l'article 1447 tels que rappelés au point 4 et a, en conséquence, inexactement qualifié les faits de l'espèce. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, le ministre des finances et des comptes publics est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
7. Il résulte de l'instruction que la société Montaigne a donné à bail à la société Résidence Rabelais un ensemble immobilier aux fins d'être exploité commercialement en tant qu'établissement d'hébergement pour personnes âgées. Compte tenu de l'usage commercial auquel cet ensemble immobilier a été destiné par le preneur, conformément aux termes du bail consenti par la société Montaigne, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que l'activité de location exercée par la société Montaigne ne peut être regardée comme portant sur des immeubles nus à usage d'habitation. Est sans incidence à cet égard la circonstance que l'exploitant exerce une activité d'hébergement de personnes âgées dans les locaux en cause. Par suite, l'activité de la société Montaigne est réputée revêtir un caractère professionnel, au sens du I de l'article 1447 du code général des impôts. Dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Nice s'est fondé sur l'absence de caractère professionnel de l'activité de la société Montaigne pour accorder à la société Foncière GSP, venant aux droits de celle-ci, la décharge de l'imposition litigieuse.
8. La société Foncière GSP n'a pas soulevé d'autre moyen au soutien de sa demande de décharge.
9. Il résulte de ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a prononcé la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle la société Montaigne a été assujettie au titre de l'année 2011.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 6 juillet 2016 et le jugement du tribunal administratif de Nice du 28 mars 2014 sont annulés.
Article 2 : La demande de décharge présentée par la société Foncière GSP devant le tribunal administratif de Nice est rejetée.
Article 3 : La cotisation foncière des entreprises à laquelle la société Montaigne a été assujettie au titre de l'année 2011 est remise à la charge de la société Foncière GSP.
Article 4 : Les conclusions de la société Foncière GSP présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la société par actions simplifiée Foncière GSP.